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Paroles d'Actu
30 août 2018

« L'Espagne, la mémoire historique du franquisme et le 'Valle de los Caidos' », par Anthony Sfez

Le nouveau gouvernement socialiste espagnol, mené depuis trois mois par Pedro Sánchez, s’est attaqué récemment à une question symbolique extrêmement sensible et potentiellement porteuse de divisions non négligeables au sein de la nation : quel sort réserver, pour règlement définitif, à la dépouille du dictateur Franco, actuellement déposée, comme celles de 33.000 « victimes de la guerre civile », en l’enceinte du « Valle de los Caídos » ? Cette affaire convoque une mémoire éminemment douloureuse, et toujours très présente, dans les esprits d’un peuple où, entre progressistes et conservateurs, les clivages se font sans doute plus marqués qu’en bien d’autres terres d’Europe. J’ai souhaité inviter Anthony Sfez, doctorant en droit public et fin connaisseur de la société et de la vie politique espagnoles (il a participé à deux reprises à Paroles d’Actu sur la question catalane), à nous livrer son analyse et son sentiment sur ce débat. Il a accepté, et je l’en remercie chaleureusement. Sa position est modérée et son texte, fort instructif, s’achève sur une note d’espoir : que le « Valle de los Caídos » puisse devenir un lieu de réconciliation pour tous les Espagnols. Le chef du gouvernement espagnol vient entre temps d’avouer qu’il ne croyait pas en cette perspective optimiste. L’avenir dira comment ces blessures-là seront pansées. Une exclu Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

Valle de los Caidos

Le « Valle de los Caídos ». Photo : D.R.

 

« L’Espagne, la mémoire historique

du franquisme et le "Valle de los Caídos" » 

Par Anthony Sfez, le 28 août 2018.

Que va devenir la dépouille de Franco ? Cette question qui est actuellement au cœur des attentions en Espagne en recouvre en réalité une autre : celle de l’avenir du «  Valle de los Caídos  », littéralement la «  Vallée de ceux qui sont tombés  », où se trouve actuellement enterré Franco, mais aussi plus de 33.000 victimes, essentiellement des soldats des deux camps, tombés lors de la guerre civile espagnole (1936-1939). Comment expliquer ce retour de flamme autour de la dépouille du Dictateur plus de quarante ans après sa mort ? Pourquoi vouloir procéder aujourd’hui, comme l’a annoncé le gouvernement socialiste, au déplacement du corps de Franco ? Il y a évidemment une part d’opportunisme de la part d’un gouvernement de gauche qui, sans véritable majorité au Congrès des députés*, a besoin de ce genre de mesure symbolique forte pour exister politiquement.

* Voir notre article sur cette question : http://blog.juspoliticum.com/2018/06/15/espagne-la-motion-de-censure-peu-constructive-qui-a-porte-pedro-sanchez-au-pouvoir-par-anthony-sfez/

 

« Pendant plus de vingt ans, la question des victimes

de la guerre civile et du régime franquiste a, volontairement,

au nom de la réconciliation, été passée sous silence. »

 

Mais il n’y a pas que cela. En réalité, ces questions s’inscrivent dans un débat, bien plus large et profond, celui de la «  mémoire historique  » de la guerre civile et du franquisme. Pendant plus de vingt ans, jusqu’au début des années 2000, la question des victimes de la guerre civile et du régime franquiste a, volontairement, au nom de la réconciliation, été passée sous silence : il ne fallait surtout pas, dans un pays historiquement très divisé et marqué par le souvenir d’une terrible guerre civile, rouvrir des plaies anciennes et courir le risque de rompre «  l’esprit de la transition démocratique  ».

Mais les émotions délogées, une génération ayant succédé à une autre, tout a changé en 2005, d’abord, lorsque le juge Baltasar Garzón, a cherché, sans succès, à entamer une enquête pour crime contre l’humanité à l’encontre de responsables du régime franquiste et, ensuite, en 2007, lorsque le gouvernement socialiste de Zapatero a adopté une loi mémorielle dont l’objectif était «  d’honorer  » la mémoire des victimes de la guerre civile et du franquisme. L’une des ambitions de cette loi, outre l’aide octroyée aux descendants de victimes pour retrouver les restes de leurs proches, était notamment d’intensifier la suppression de l’espace public de toute référence au régime précédent (rues débaptisées, statuts retirées etc…). Or, le «  Valle  » est concerné par les objectifs de cette loi puisqu’il est, incontestablement, un haut lieu de la symbolique franquiste.

À l’origine, le «  Valle  » était, en effet, envisagé par le Dictateur, qui en a ordonné, au début des années 1940, la construction, comme un «  temple grandiose à nos morts  », c’est-à-dire un lieu de «  repos et de méditation  » pour les combattants de la guerre civile tombés lors de notre «  Croisade pour Dieu et pour l’Espagne  ». Le «  Valle  » n’était donc absolument pas envisagé à l’origine comme un lieu de sépulture «  mixte  » et neutre d’un point de vue politique mais, au contraire, uniquement et exclusivement comme un lieu «  sacré  » réservé aux franquistes, tombés au combat, comme l’indique très clairement un décret du régime datant de 1940 ordonnant la sépulture dans ce lieu «  de restes de combattants tombés appartenant à l’Armée Nationale ou ayant été assassiné ou exécuté par les hordes marxistes dans la période comprise entre le 18 juin 1936 et le 1er avril 1939  ». Certes, en 1958 la position du régime s’adoucit puisqu’un nouveau décret est adopté ouvrant la porte du «  Valle  » à toutes les victimes, indépendamment de leur camp. C’est ce qui explique la présence de la dépouille d’environ 10.000 victimes du camp républicain en ce lieu.

Certains historiens voient dans ce second décret la preuve que le «  Valle  » fut finalement envisagé par Franco comme un lieu de réconciliation et non pas comme un temple à la gloire des vainqueurs de la guerre civile. Cette thèse semble toutefois discutable pour trois raisons.

 

« Malgré quelques signaux d’ouverture, le "Valle"

est incontestablement un monument dont l’identité est,

en l’état, profondément raccrochée au régime franquiste. »

 

Premièrement, le «  Valle  » fut, en partie, construit par des prisonniers républicains de la guerre civile. S’il est sans doute excessif, comme le font certain, de comparer ces prisonniers à des déportés ou à des «  esclaves  », on admettra que cet élément ne plaide pas en la faveur de la thèse du «  Valle  » comme lieu de réconciliation franquiste. Ensuite, concernant le décret de 1958 ouvrant  les portes du «  Valle  » aux dépouilles de soldats républicains, précisons qu’il ajoutait tout de même : «  à condition que les combattants furent de nationalité espagnole et de religion catholique  », ce qui n’est pas sans incidence pratique, lorsque l’on sait que beaucoup de combattants issus des brigades internationales républicaines n’étaient pas espagnols. Enfin, force est de constater, qu’en pratique, sur les 33.000 dépouilles de combattants de la guerre civile qui ont été transférées et déposées dans les cryptes du «  Valle  », la majorité de ceux qui ont été identifiées appartenaient au camp franquiste, les combattants républicains ayant, souvent, été laissés à l’abandon par le régime dans des fausses communes disséminées dans le pays. Le «  Valle  » est donc incontestablement un monument dont l’identité, étant donné son origine et sa fonction, est, en l’état, profondément raccrochée au régime franquiste.

C’est donc assez naturellement que, à sa mort, Franco y fut enterré. Et s’est tout aussi naturellement que le «  Valle  » est devenu un point de rencontre annuel des nostalgiques du régime qui, tous les 20 novembre, date de la mort de Franco, s’y réunissent pour y célébrer la mémoire du Dictateur. C’est parce qu’il a acquis cette identité sulfureuse que certains vont jusqu’à proposer que le «  Valle  » soit tout simplement «  rasé  » : n’est-ce pas, après tout, ce qui a été fait en Italie ou en Allemagne avec tous les vestiges des régimes fascistes et nazis ? La proposition semble sans doute excessive  tant dans ses prémices théoriques que dans sa mise en œuvre pratique. D’abord, Franco fut certes un dictateur autoritaire responsable de nombreux crimes dont le plus grave d’entre tous fut d’avoir mené à bien un soulèvement militaire d’une violence terrible contre un régime démocratique. Mais le régime qu’il instaura, et qui s’est maintenu pendant près de quarante ans, en dépit des incontestables et nombreux crimes commis au cours de ces années, ne saurait être, si les concepts ont encore un sens, décemment qualifié de totalitaire*. Ensuite, la solution radicale du «  rasage  » commanderait de procéder à l’exhumation de plus de 33.000 corps ce qui semble plutôt complexe et, pour le moins, très périlleux d’un point de vue symbolique.

* Hannah Arendt exclut d’ailleurs l’Espagne de son étude sur les totalitarismes. Pour un approfondissent de la distinction entre autoritarisme et totalitarisme il faut notamment se référer aux travaux de Juan José Linz.

 

« Le "Valle" ne pourra jamais être un lieu de réconciliation

et d’hommage à toutes les victimes tant qu’y trônera,

sur un piédestal, la sépulture du leader du camp

des vainqueurs de la guerre civile. »

 

L’ambition affichée par les socialistes semble, du moins sur le papier, bien plus raisonnable que celle du démolissement : transformer l’image du «  Valle  » afin d’en faire un lieu, d’une part, d’hommage à la mémoire de «  toutes les victimes de la guerre civile  » et, d’autre part, de « réconciliation  » de tous les Espagnols. Or, pour ce faire, pour que le «  Valle  » devienne véritablement un lieu de réconciliation et qu’il cesse d’être rattaché à un camp, celui des franquistes, le transfert de Franco à un autre lieu apparaît absolument et incontestablement nécessaire. En effet, le «  Valle  » ne pourra jamais être un lieu de réconciliation et d’hommage à toutes les victimes tant qu’y trônera, sur un piédestal, la sépulture du leader du camp des vainqueurs de la guerre civile. De plus, Franco n’est pas une «  victime de la guerre civile  » : il est, comme chacun sait, mort dans son lit de cause naturelle. Toutefois, pour parvenir à cet objectif du «  Valle  » comme «  lieu de réconciliation  », il faut impérativement éviter deux écueils.

D’abord, de donner le sentiment qu’il s’agisse de transférer Franco que dans le but d’empêcher ses nostalgiques de se réunir autour de sa tombe pour lui rendre hommage. Le problème n’est pas tant qu’une poignée d’individus rendent annuellement hommage au Dictateur - ce qui ne pourra de toute façon, où que soit enterré Franco, jamais être empêché - que le lieu où cet hommage se déroulait depuis plus de trente ans : une terre où sont enterrés des soldats des deux camps. En un mot, ce qui est en jeu ici, ce n’est donc pas tant le sort de la dépouille du Dictateur que le sens à donner au «  Valle  » où sont enterrés plus de 30.000 personnes tombées pendant la guerre civile.

Ensuite, il faut également impérativement éviter de donner le sentiment que l’on veut faire du «  Valle  » l’inverse de ce qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire un lieu de mémoire uniquement en l’honneur des républicains. Il était parfaitement indécent que des franquistes célèbrent la mémoire du Dictateur dans un lieu où sont enterrés des victimes républicaines ; il serait également parfaitement indécent de vouloir officiellement faire d’une terre où sont enterrés plus de 20.000 franquistes un lieu de mémoire en l’honneur des combattants et des victimes du camp opposé. En somme, lieu de mémoire et de réconciliation doit vouloir dire lieu de recueillement absolument neutre sur le plan politique.

 

« Le gouvernement socialiste doit éviter l’écueil que constituerait

la transformation du "Valle" en un monument à la mémoire seule

des victimes républicaines de la guerre civile. »

 

Le gouvernement socialiste évite-t-il ces deux écueils ? Partiellement. Il semble, en effet, difficile d’entamer une réflexion générale sur l’avenir du «  Valle  » avec la méthode adoptée par le gouvernement socialiste : l’action par décret-loi, c’est-à-dire, par définition, dans l’urgence, et uniquement ciblée sur le transfert des restes du Dictateur, ce qui ne semble pas compatible avec une logique de réflexion générale et approfondie. C’est d’ailleurs pour cette raison que Ciudadanos, bien qu’en faveur de l’idée d’une refonte du «  Valle  », a refusé d’apporter son soutien à l’initiative des socialistes. Ensuite, la définition que donne les socialistes de l’expression «  toutes les victimes de la guerre civile  » est parfois ambigüe. En effet, en 2017, lorsqu’ils étaient dans l’opposition, les socialistes avaient déjà proposé de faire du «  Valle  » un lieu de «  dignification  » de la mémoire «  des victimes de la guerre et du franquisme  », or, par «  victimes de la guerre  » il fallait comprendre, après lecture attentive et systématique de la proposition en question, les «  combattants des libertés du peuple espagnol  » c’est-à-dire, dans l’esprit des rédacteurs, non pas toutes les victimes, mais uniquement celles du camp républicain. Sur ce point, le gouvernement socialiste semble éviter, du moins sur le papier, l’écueil de la proposition de 2017 puisque le dernier décret-loi ordonnant le transfert de Franco est très clair en disposant que le «  Valle  » doit devenir un «  lieu de commémoration, de souvenir et d’hommage égalitaire aux victimes  ».

Si tel est bel et bien le projet du gouvernement et si le transfert s’accompagne réellement d’une réflexion sur le devenir du «  Valle  », celui-ci pourra, enfin véritablement, devenir un lieu de réconciliation pour tous les Espagnols.

  

Anthony Sfez

Anthony Sfez est doctorant en droit public et attaché temporaire

d’enseignement à l’Université Paris 2 Panthéon Assas.

 

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30 août 2018

Jean-Pierre Morgand : « Le métier est simple : plus vous jouez, plus on vous demande ! »

Le 21 juin dernier, soir de Fête de la Musique, j’ai assisté avec un ami à un grand concert Les Années 80 : La Tournée organisé par la ville de Saint-Chamond, dans la Loire. Plus de 2h de show, un public large et conquis par des musiques et des chansons aimées depuis longtemps ou découvertes plus récemment. Et une vraie énergie, communicative, de la part des artistes. Parmi eux : Julie Piétri, Lio, Sloane, Patrick Juvet. Et Jean-Pierre Morgand. Si si, vous savez, Nuit sauvage. Après échange avec lui, via Facebook, j’ai appris qu’il venait de sortir un nouvel album, "L’homme qui passe après le canard". Un opus rock, pop, et nostalgique (mais pas que !). J’ai eu envie de l’interroger et suis heureux qu’il ait accepté mon invitation. Rencontre avec un artiste authentique, qui a le sens des mots et du bon son. Interview exclusive, Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Q. : 15/08/18 ; R. : 23/08/18.

Jean-Pierre Morgand: « Le métier est simple :

plus vous jouez, plus on vous demande ! »

L'homme qui passe après le canard

L'Homme qui passe après le canard, nouvel album de Jean-Pierre Morgand.

 

Jean-Pierre Morgand bonjour. Si vous deviez présenter en quelques phrases ce que vous êtes, que diriez-vous ?

Je ne suis pas très fort à cet exercice et, en général, je laisse ceci à ceux qui m’accompagnent. Je viens d’un milieu assez modeste, mais ouvert...

 

Comment votre chemin a-t-il croisé ceux de la musique ? Quelles sont vos grandes influences, et qui sont vos maîtres ?

Ma mère, qui était enseignante et écoutait beaucoup de musique, surtout classique, et j’en ai écouté très jeune. J’ai choisi un chemin plus facile, et plus gai, avec la pop. Très jeune, j’écoutais les Beatles car j’avais demandé à voir au cinéma Yellow Submarine, croyant que c’était un dessin animé, comme Tom et Jerry. Beatles, donc. Rolling Stones. Bowie. The Doors. Pink Floyd. Sinatra. The Clash. The Stranglers. XTC. Prince. Ferré. Brel. Gainsbourg. Delpech.

 

Votre grand succès, ça a été, évidemment, Nuit sauvage (1986), avec votre groupe Les Avions. Ça a représenté quoi, concrètement, ce moment-là ? Comment avez-vous vécu cette époque ?

Pas si bien que ça car on passait tellement de temps en promo pour remercier toutes les radios (ce qui est bien normal) qu’on ne faisait plus de musique... mais nous avons repris après.

 

Vous participez régulièrement à des concerts Années 80, comme celui, très sympathique, auquel j’ai eu la chance d’assister à Saint-Chamond (Loire) le 21 juin dernier. Est-ce qu’il y a entre vous, artistes de cette décennie-là, une espèce d’esprit de troupe, de sentiment d’appartenir à une vraie aventure musicale ?

Avec certains oui, depuis quelques années. C’est d’ailleurs pourquoi "Les Années 80 : La Tournée" est pour moi la meilleure, car on a longuement discuté de ce que l’on voulait jouer, et comment le faire.

 

Nombreux sont les nostalgiques de la musique des années 80, et de ces années-là en général. On a aimé ces chansons, qui étaient entraînantes, et souvent intelligentes, et insouciantes. On a peut-être aussi une vision un peu idéalisée de ces années 80. Comment est-ce que vous, vous regardez les années 80 par rapport à aujourd’hui ?

Une époque assez dure en fait, et qui commençait à être ce qu’est la société d’aujourd’hui. En fait, je crois que j’aurais préféré les années 70... mais j’étais un peu jeune quand même. Néanmoins, je dois avouer que dans les années 80, il y eu un sacré cocktail musical, et ça allait très vite !

 

Quel est votre sentiment : est-il plus ou moins facile de faire de la musique de manière indépendante, et de se faire connaître, aujourd’hui que dans les années 80 ? Certes, internet et les réseaux sociaux ouvrent tous les champs des possibles... mais l’esprit de zapping n’a jamais été aussi présent ?

L’un dans l’autre, je crois que ça revient au même car il y aujourd’hui tellement de talents et de gens qui peuvent grâce à la technologie faire de la très bonne musique et garder un job... Ce qui n’était pas possible à mon époque. Mais je pense qu’il est plus facile de se produire sur scène aujourd’hui, vu la diversité des scènes. Même si les gouvernements successifs ont plutôt tendance à fermer les petits lieux starters, où tout se passe, dans tous les genres de musique...

 

Vous reconnaît-on encore souvent dans la rue, en 2018 ? Avoir connu une grande célébrité avec un gros tube, c’est une bénédiction pure, ou bien y a-t-il aussi là-dedans, des points négatifs (le fait d’être toujours réduit à ce tube par le public et les médias par exemple) ?

On me reconnaît davantage aujourd’hui, en fait suite à tous ces spectacles, et aux captations télé. Il ne faut pas aller contre le tube et s’en servir en fait, ce que j’ai fini par comprendre. Je fais beaucoup de concerts solo ou en trio avec mes titres perso grâce à ce tube, et d’autres chansons des Avions. On me demande juste de les jouer, et voilà.

 

Ce qui nous intéresse au premier chef pour cette interview, et qui d’ailleurs l’a provoquée, c’est la sortie récente (ce printemps) de votre nouvel album, "L’homme qui passe après le canard". Quelle est l’histoire de ce nouvel opus, s’agissant de sa fabrication artistique mais aussi de sa rencontre avec un public, jouant aussi ici le rôle de producteur ?

L’homme qui passe après le canard, la chanson qui donne son titre à l’album, m’est venue pendant la tournée RFM PARTY 80 et après je me suis mis à écrire une suite de chansonsJe laisse le soin aux lecteurs de découvrir le texte, et comprendre ainsi pourquoi ça s’appelle comme ça. Je n’écrivais plus de chansons depuis quelques années, étant plutôt alors sur des musiques plus expérimentales, voire instrumentales. Comme je ne veux plus taper aux portes des maisons de disques, ou ce qu’il en reste, j’assume le fait de devenir producteur indépendant. Je suis pas mal aidé, comme par l’association musicale "Le Grand Grabuge". Et par mon petit public, mais très actif, comme pour le KissKissBankBank.

 

 

Les chansons de cet album le font sonner comme un bilan d’étape, mêlant souvenirs touchants et passions plus ou moins encore vivaces. Vous avez mis beaucoup de vous dans cet album ?

Ah oui, peut être plus que d’habitude, où j’observais plus les autres... Cet album est plus direct et plus perso. Je le voulais. Mais tout ne l’est pas, perso...

 

Quelles sont, parmi toutes vos chansons (celles de cet album et toutes les autres, en groupe ou en solo), celles qui vous tiennent le plus à cœur et que vous aimeriez inviter nos lecteurs à découvrir ?

Du dernier je saurais dire tout de suite. Les gens me parlent beaucoup de Maman, Par terre, Rose et Pas de ma fauteDe l’ancien temps, il y a Le Bleu du ciel, De Guerre lasse, Snake, et du Groupe Les Avions, Désordre, Tous ces visages, PublicitaireJ’adore aussi ce groupe rock que j’avais créé avec de jeunes musiciens, où on avait partagé l’écriture : Morgenbuz.

 

Vous êtes auteur, compositeur, et interprète. Comment définiriez-vous votre univers musical ? Est-ce qu’il a bougé au fil des ans ?

Pop rock, car j’ai toujours aimé le rock pour le son, l’énergie, et la pop car j’en aime les mélodies et les ambiances. Mon univers a bougé mais au fond on a une voie ou plutôt une voix et quoi qu’on fasse...

 

Quel regard portez-vous sur votre parcours d’artiste et d’homme, quand vous regardez dans le rétro ?

J’aurais aimé jouer plus souvent sur scène car il y eu de longs trous. Même si j’ai toujours joué dans les clubs... Aujourd’hui grâce aux années 80, il y des moyens, du son et de bons musiciens. Et grâce à ces tournées, je joue plus ma musique à moi. Le métier est simple : plus vous jouez, plus on vous demande, y compris revenir jouer nos chansons actuelles.

 

La question que vous aimeriez qu’on vous pose... et sa réponse ?

Aucune idée mais je peux vous dire que j’aime qu’on me pose des questions qui me surprennent.

 

Ici, un espace pour vous permettre, à l’occasion de cette interview, d’adresser un message, n’importe lequel, à quelqu’un, n’importe qui…

J’aimerais qu’une partie des gens arrêtent d’aborder les sujets sérieux de société, en noir ou blanc, ou pour ou contre, et réfléchissent un peu avant de se prononcer. Surtout sur les réseaux sociaux sur lesquels je suis pas mal, avec mon activité musicale.

 

  

Vos projets, vos envies pour la suite ? Que peut-on vous souhaiter ?

Jouer le plus possible en trio cet album. Car c’est la formation que je préfère. Le 1er septembre à Béthunes, par exemple. Retourner surfer... et voyager !

 

Un dernier mot ?

Merci !

 

Jean-Pierre Morgand

Image : Gonzo Music.

 

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28 août 2018

Alain Pigeard : « La Confédération du Rhin n'a jamais eu d'autre vocation que de servir les plans de Napoléon »

J’ai eu la joie de pouvoir lire, récemment, L’Allemagne de Napoléon : La Confédération du Rhin (1806-1813), un ouvrage d’une grande richesse autour d’un chapitre de l’histoire napoléonienne qui, bien que d’importance majeure, a été relativement peu étudié par les spécialistes, et demeure largement obscur pour le grand public. M. Alain Pigeard, historien spécialiste du Consulat et du Premier Empire, a dédié à cette construction française - à la fois par l’intimidation et par la persuasion - d’une tierce Allemagne (entendre : ni autrichienne ni prussienne) une étude très fouillée (Éditions de la Bisquine, 2013), nous présentant par moult détails chacun des États composant cette Confédération du Rhin. Je le remercie d’avoir accepté de répondre à mes questions et vous engage, chers lecteurs, à vous intéresser à ce livre et aux travaux, passés et à venir de cet historien qui est aussi un authentique passionné. Interview exclusive, Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Q. : 13/08/18 ; R. : 20/08/18.

Alain Pigeard: « La Confédération du Rhin n’a jamais eu

d’autre vocation que de servir les plans de Napoléon. »

L'Allemagne de Napoléon

L’Allemagne de Napoléon : La Confédération du Rhin (1806-1813), Éd. de la Bisquine, 2013.

 

Alain Pigeard bonjour, et merci d’avoir accepté de répondre à mes questions pour Paroles d’Actu, autour de votre ouvrage L’Allemagne de Napoléon : La Confédération du Rhin (1806-1813), publié aux Éditions de La Bisquine en 2013. Voulez-vous nous parler un peu de vous et de votre parcours ? D’où vous vient ce goût prononcé pour l’Histoire en général, et pour l’épopée bonaparto-napoléonienne en particulier ?

Difficile de parler de soi. Je suis passionné d’histoire depuis ma petite enfance. J’ai découvert Napoléon chez des amis de mes parents dans le Jura (j’avais deux ans) en regardant une très grande statue de Napoléon. Depuis cet homme ne m’a plus jamais quitté !

 

Le livre qui nous intéresse aujourd’hui, c’est une présentation riche de l’architecture d’ensemble, et surtout de chacun des États constituant la Confédération du Rhin. Pourquoi avoir voulu consacrer une étude à ce sujet précis ? Diriez-vous qu’il a été, jusqu’à présent, sous-étudié ? Et comment avez-vous convaincu M. Jean Tulard, un des plus éminents spécialistes de cette époque, de vous préfacer cet ouvrage ?

J’ai beaucoup voyagé en Allemagne (y compris pour mon service militaire), et je me suis rendu compte qu’il n’existait rien en langue française sur le sujet ! J’ai donc décidé d’écrire ce livre pour combler cette lacune. Jean Tulard était heureux de le préfacer car il savait qu’il n’y avait rien sur ce sujet et pour lui c’est le meilleur de mes livres...

 

Où sont les sentiments francophiles dans l’espace de la future Confédération du Rhin avant et au moment de la Révolution ? Où est-on progressiste, et où est-on conservateur en ces temps troublés ?

Certaines régions allemandes seront favorables à la Révolution, notamment celles qui sont proches de la France. D’autres, hostiles (le Mecklembourg notamment). La Prusse restant à part.

 

Trouve-t-on dans cet espace des zones clairement définies comme étant d’influence autrichienne ? prussienne ? voire, française ? britannique ? russe ?

La zone d’influence autrichienne est surtout la Bavière, qui a été en partie annexée à l’Autriche à la fin de l’Empire. Le Hanovre a toujours été proche de l’Angleterre. Le Mecklembourg était proche de la Russie pour des questions dynastiques et de mariage. Les États rhénans seront plus proches de la France. La Prusse va quant à elle étendre son influence sur l’Allemagne du nord puis, après 1870, sur toute l’Allemagne.

 

La Confédération du Rhin en tant qu’organisation a-t-elle été généralement imposée par les Français, ou bien a-t-elle été véritablement consentie par certains princes allemands ? Quid des populations : des fractures nettes quant aux sentiments des opinions, ici ou là, sont-elles perceptibles ?

Jusqu’en 1806 (décret de création), les souverains sont libres d’adhérer. Après cette date, ils entreront en partie par obligation dans la Confédération, mais ils la quitteront tous à la fin de 1813, surtout après Leipzig. Pour les populations, le sentiment d’appartenance à une entité linguistique a été un facteur d’union et d’appartenance. Mais on percevait bien que les intérêts de la France n’étaient pas les mêmes que ceux des populations germaniques.

 

Le Royaume de Westphalie, construction nouvelle née d’une recomposition d’espaces allemands, a été conçu par Napoléon comme un îlot progressiste devant projeter, auprès des populations et gouvernants allemands, un modèle de gouvernement libéral. Son frère Jérôme fut placé à la tête de cet État. Comment regarde-t-on, au-dedans comme au-dehors, cette entité nouvelle, et le fait d’avoir placé un Bonaparte à sa direction ? Le Royaume de Westphalie, ça aurait pu fonctionner dans la durée ?

La Westphalie n’a pas de frontières naturelles et il n’y a pas un sentiment d’appartenance comme en Bavière, en Saxe, au Wurtemberg. De plus, Jérôme n’avait pas les qualités pour gouverner... Il était plus porté sur le faste et les femmes.

 

Vous le montrez très bien dans votre ouvrage : beaucoup, beaucoup de personnages sont acteurs de cette histoire de la Confédération du Rhin. Quelques figures à retenir particulièrement ?

Parmi les plus importants, Dalberg, prince primat de la Confédération du Rhin, et le souverain hessois, très attachés à la France. Pour l’anecdote, les princes de Salm refuseront de servir contre la France en 1914 et se battront contre les Russes. Ils savaient ce qu’ils devaient à Napoléon et à la France.

 

Les revers militaires de la Grande Armée, en Russie et ailleurs, et le reflux général français, ont-ils rendu inéluctables la dislocation de la Confédération du Rhin, et le "retournement" de bon nombres d’Allemands ? Ou bien, cette histoire-là a-t-elle, elle aussi, été plus nuancée ?

La campagne de Russie est un des facteurs majeurs d’abandon des Allemands vis-à-vis de Napoléon. À partir de 1813, les alliances se brisent et les abandons à la Confédération se multiplient.

 

Lors d’une interview qu’il m’avait accordée en 2013, Thierry Lentz, historien et directeur de la Fondation Napoléon, avait défendu cette idée à laquelle il avait beaucoup réfléchi : Napoléon n’a jamais conçu sérieusement la Confédération du Rhin autrement que comme une entité vassale, un pourvoyeur de troupes sans s’en soucier véritablement comme partenaire (sur ses préoccupations commerciales notamment). Êtes-vous d’accord avec cela ? Napoléon a-t-il, par manque de vision politique, ou peut-être parce qu’il n’a pas eu le temps de penser une organisation de temps de paix, raté une occasion de construire, en la parrainant, une tierce Allemagne qui ne soit ni autrichienne ni prussienne, ce qui eût pu annuler pour longtemps les dangers venus d’outre-Rhin ?

Il est évident que la Confédération du Rhin était pour Napoléon une sorte de "glacis protecteur " (idem pour la Pologne). Des pays alliés qui fournissaient des troupes aux armées de Napoléon. Les souverains allemands n’étant en place que pour exécuter les ordres de l’Empereur. L’histoire va se répéter. Ce sera d’ailleurs la même chose après 1870, où toute l’Allemagne sera sous le joug prussien !

 

///

ARCHIVE: Thierry Lentz sur la Confédération du Rhin, in Paroles d’Actu, 28 décembre 2013...

Napoléon manqua avec les États allemands une alliance stratégique, en raison d’une sorte de préjugé qui voulait que la France soit plus forte contre l’Autriche ou la Prusse si l’Allemagne restait divisée. Mais ce qui était vrai en un temps où aucune force n’était en mesure de fédérer la « tierce Allemagne », l’était moins lorsque la France dominait à ce point l’Europe. Napoléon aurait pu créer puis soutenir une entité politique solide dans la partie sud de l’espace germanique, avec les États les plus ouverts à l’influence française : Bavière, Bade, Wurtemberg, les deux Hesse, voire la Saxe. Il eût fallu pour cela assigner des buts finis au système napoléonien et avoir une vision de l’Europe future. Napoléon n’avait pas clairement cette vision et c’est pourquoi il ne s’éloigna pas des traditions diplomatiques, alors même que les États qui auraient pu constituer le socle d’un accord de grande ampleur ne demandaient qu’à se rapprocher de lui.

Leur premier objectif était de se débarrasser du Saint-Empire, ressenti comme un obstacle à leur indépendance. Mais l’empereur ne sut pas approfondir les rapprochements franco-allemands. Il voulut seulement les mettre au service de ses propres desseins. Le renoncement à la couronne impériale par François d’Autriche (1806) permit pourtant une redistribution des cartes : Vienne était exclue de l’Allemagne, avec la complicité des États moyens. C’est alors que Napoléon tenta d’organiser la coopération au sein de la Confédération du Rhin créée par le traité du 12 juillet 1806. Elle compta une quarantaine d’adhérents autour de la France. L’empereur en était le « protecteur ». Les premiers fruits de l’accord furent récoltés sur le terrain de la guerre franco-prussienne (1806) et de la paix de Tilsit (1807) : après avoir confiné l’Autriche au sud, l’empereur des Français rejeta la Prusse vers le nord.

Un espace politique et géographique s’ouvrait. Il aurait fallu l’occuper et en renforcer les composantes. On put le croire avec cette Confédération, dont le texte fondateur prévoyait des institutions politiques communes : l’archevêque de Mayence, Dalberg, fut désigné prince-primat et président d’un « collège des rois », d’une diète confédérale qui aurait dû s’assembler à Mayence… mais ne fut jamais réunie. La Confédération du Rhin ne fut qu’un outil militaire, permettant certes aux alliés de se protéger les uns les autres mais servant surtout à appuyer les projets napoléoniens : il y eut environ 125 000 Allemands dans la Grande Armée de 1812. L’historien Michel Kerautret a pertinemment comparé ce montage à l’Otan. Les autres domaines de coopération restèrent du ressort des relations bilatérales, ce qui avec l’empereur des Français était synonyme de dialogue entre fort et faible.

Finalement, Napoléon se servit surtout de la Confédération du Rhin pour maintenir la division de l’Allemagne, désormais sous autorité française, et non tenter une « union » politique autour de la France. La dureté des règles du Blocus continental, le favoritisme commercial, les tentatives d’imposer des solutions juridiques et administratives auxquelles toutes les élites allemandes n’étaient pas favorables, le mépris manifesté aux princes confédérés n’étaient sans doute pas de bonne politique pour souder la tierce Allemagne à la France. L’effondrement de l’Allemagne « napoléonienne » en 1813, le retour à l’incertaine bascule entre l’Autriche et la Prusse allaient s’avérer à long terme une calamité pour le continent. En ayant sanctionné aussi durement la Prusse après 1806 et en ayant manqué l’Allemagne, Napoléon en porte une part de responsabilité.

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Quelle postérité pour la Confédération du Rhin ? Pour le Royaume de Westphalie et les principes qu’il était censé porter ? Qu’a-t-on retenu et gardé de Napoléon dans cette Allemagne-là ?

De nombreux États se sont inspirés des réformes napoléoniennes (Westpahlie, Anhalt, Bavière, Bade, Hesse), comme par exemple le Code civil, l’organisation administrative, les Universités, etc.

 

Napoléon au faîte de sa gloire a mis à mort l’antique Saint-Empire romain germanique, que dominait l’Autriche, mais qui était tout de même bâti de manière à assurer certains équilibres en Allemagne. Est-ce que son bilan en Allemagne, ce n’est pas, finalement, une destruction de ces équilibres, au profit de l’Autriche mais surtout d’une Prusse avide de grandir et autrement plus aventureuse que son voisin du sud ? L’Allemagne n’est-elle pas plus dangereuse après Napoléon ?

Le Saint-Empire était une institution totalement sclérosée en 1806 et qui avait près de 1000 ans d’âge ! Son système électoral était devenu obsolète et la bataille d’Austerlitz va le renverser. Napoléon a sous-estimé la Prusse après sa déroute de 1806-1807. Elle va se mobiliser et présenter une armée plus moderne en 1813.

 

Quelles sont à votre sens les pistes de travail qui mériteraient d’être explorées pour mieux comprendre encore l’époque napoléonienne ?

Elles sont très nombreuses : il n’a a pas grand chose sur Haïti, sur certains personnes (on peut penser à une biographie de Brune, de Mortier...), et de nombreux civils. La période est si importante que beaucoup de choses seraient à publier.

 

Vos projets, vos envies pour la suite ?

J’ai une seconde édition du Dictionnaire de la Grande Armée à paraître en 2019. La première édition date de 2002 et depuis, les bicentenaires ont apporté un lot de publications important. À paraître également à la même période, une biographie de Pauline Bonaparte. N’oublions pas également la quatrième édition du Guide touristique napoléonien... La "Bible" pour voyager quand on s’intéresse à cette époque.

 

Un dernier mot ?

Ce livre sur l’Allemagne a été présenté dans la presse d’une manière généreuse. C’est actuellement le seul ouvrage sur ce sujet publié en langue française et citant les trente-neuf États qui formèrent la Confédération du Rhin.

Au sujet de l’Allemagne, il est intéressant de noter que dans la Rhénanie, après l’Empire, se créèrent de nombreuses sociétés d’anciens soldats de Napoléon dont les monuments existent encore de nos jours. La notoriété de Napoléon est également très grande dans le monde de la reconstitution, et nombreux sont les Allemands qui enfilent avec fierté l’uniforme (souvent français) de l’époque napoléonienne ! En 2006, il y eut des milliers de personnes acclamant Napoléon à cheval suivi de son état-major (l’Américain Mark Schneider jouait le rôle de l’Empereur). Le cortège passant sous la porte de Brandenbourg, comme en 1806... Étonnant.

 

Alain Pigeard

 

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