Anny Duperey : « Sans le vouloir, j'ai un peu fait un autoportrait en kaléidoscope »
Le 28 avril, au lendemain d’un joyeux salon du livre à Châteauroux, Anny Duperey s’est prêtée pour Paroles d’Actu, une nouvelle fois, au jeu de l’interview par téléphone : une heure durant nous avons évoqué ses projets, sa carrière, parlé de sa vie et de la vie, nous appuyant notamment sur toutes ces anecdotes qu’elle partage avec bonne humeur dans son dernier livre en date, Respire, c’est de l’iode ! (Seuil, avril 2025). Il faut s’en emparer, de ce recueil de petites nouvelles autobiographiques, qui la racontent beaucoup en voulant pourtant, souvent, mettre le projecteur sur d’autres, personnages illustres ou illustres inconnus (mais dont certains méritent bien de voir leur existence prolongée sur papier). On passe du rire (et il y a matière à rire !) à l’émotion, en passant parfois par la révolte, à la lecture de ces pages qui feront aussi réfléchir le lecteur sur l’importance de la volonté dans le parcours de chacun, sur son rapport à l’Autre, au temps qui passe, au paraître, à la postérité. 33 ans après Le Voile noir, qui fit partie d’une thérapie difficile, cet ouvrage, c’est celui d’une femme apaisée, heureuse autant qu’on peut l’être et avec des tas de projets ; celui d’une artiste authentiquement populaire qui, de par son parcours et la sympathie qu’elle dégage, inspire nombre de ses contemporains.
Je remercie Anny Duperey pour la confiance qu’elle m’accorde depuis notre premier entretien, réalisé il y a 15 mois. Comme pour le premier article, j’ai voulu faire un long format, essentiellement retranscrit "comme on l’a dit", pour en préserver l’authenticité, et même, si vous avez un peu d’imagination, nous "entendre" parler en nous lisant. Je signale que Viens Poupoule !, ce spectacle auquel elle tient tant, n’aura pas de représentations à Paris en juin comme il était prévu, la salle Réjane du Théâtre de Paris étant sous le coup de travaux imprévus. Il y aura en revanche une représentation à Ramatuelle, le 6 août, puis la tournée du Duplex, du 15 septembre au 20 décembre de cette année. Je signale également que le très bon documentaire que Ninon Brétécher a consacré à mon invitée du jour est toujours disponible sur le service de replay de France Télévisions. Bref, bonne lecture, et merci ! Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.
>>> Anny Duperey, artiste en équilibre <<<
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Respire, c’est de l’iode ! (Seuil, avril 2025)
Anny Duperey : « Sans le vouloir,
j’ai un peu fait un autoportrait
en kaléidoscope »
Bonjour Anny, comment allez-vous ?
Bien. J’étais à un très beau salon du livre hier, à Châteauroux. Je suis même partie en avance, tous mes livres étaient vendus. Je préviens souvent les libraires que je vends plus de mes anciens livres que de mes nouveaux. J’ai un souvenir un peu cuisant, de quelqu’un qui avait commandé six cartons du nouveau, un carton des anciens : ce dernier est parti en un quart d’heure, et lui est reparti avec quatre cartons... Donc depuis, je préviens !
Chouette succès, Viens Poupoule !, peut-être même plus inattendu que celui du Duplex ?
J’espère qu’on pourra faire encore pas mal de dates ! Même si je ne ferai plus forcément des 300 dates par an !
Le Duplex s’en rapproche !
Oui...
Nous allons maintenant parler longuement de ce que vous racontez dans votre livre. L’odeur des balades à Dieppe, qui ne renvoyaient pas que de l’iode d’ailleurs, cette histoire qui donne son titre à l’ouvrage, et la compagnie de votre tante et de votre grand-mère, c’est votre madeleine de Proust ?
Oh oui bien sûr... Y compris les épinards mélangés au maquereau bouilli que cuisinait ma grand-mère. Là, c’est tellement ma madeleine de Proust à l’envers que je ne peux plus manger d’épinards ! J’ai l’impression que ces pauvres épinards sentent toujours la poiscaille, malgré eux ! "Oui d’accord, ça sent la poiscaille !", comme disait ma grand-mère... Une madeleine négative !
Mais que vous associez à la compagnie de votre tante et de votre grand-mère.
Bien sûr. Ma grand-mère surtout. Ma tante ne s’occupait pas tellement de la bouffe. Elles cuisaient à l’eau. On cuisait beaucoup à l’eau, à l’époque.
Et ces balades à Dieppe, avec elles...
Avec tout ce que j’ai à faire là, je n’y arriverai pas, mais j’avais le projet d’y aller. Vous avez compris que j’adore le cabaret et que j’ai une amitié particulière pour les garçons qui aiment se déguiser en fille. Il y a un cabaret magnifique, très touchant, à Dieppe, qui s’appelle "La Sirène à Barbe". Un gars qui a subi une agression homophobe terrible il y a des années... il a mis un temps fou à s’en remettre, et pour réagir il a créé un cabaret sur le port de Dieppe ! J’ai vu un de leurs spectacles à Paris - ils ont m’a-t-il dit 400 numéros qui sont prêts, pour présenter toujours quelque chose de nouveau !
Il faudrait que vous puissiez y jouer Viens Poupoule !
On y a pensé. Il croyait, ne l’ayant pas vu, qu’on pouvait l’insérer à un spectacle, mais pas du tout, c’est une pièce ! On y raconte le café concert, j’ai écrit des textes, expliqué les personnages, etc... Ça ne peut pas s’intégrer dans un spectacle de music-hall.
Vous rendez en tout cas, j’y reviens, un très bel hommage dans votre livre à votre tante. Je pense aussi à l’évocation de ses derniers instants. Est-ce que vous diriez qu’elle a été véritablement l’accoucheuse de votre épanouissement ?
Oh oui, complètement ! J’avais déjà fait un grand chapitre à Tata dans Le Rêve de ma mère. J’étais sa revanche ! Elle a été une fille sacrifiée aux frères.
Elle voulait être prof...
Oui, mais elle a été sortie de l’école à 11 ans pour servir au bistrot. Ça l’avait profondément marquée, si bien qu’elle continuait d’essayer à apprendre le dictionnaire par cœur ! Il y avait chez elle un tel complexe, une douleur disons-le carrément, de ne pas avoir fait d’études, que quand mon fils a eu son Bac, elle s’est mise à refuser de jouer au Scrabble avec lui ! "Je ne peux plus jouer avec un bachelier"... C’est dire la douleur ancrée en elle qu’on l’ait privée de son rêve d’être professeur. J’en avais parlé avec Annie Ernaux, avec laquelle nous avions fait un interview croisé. Ses parents à elle tenaient un bistrot à Yvetot, certainement à la même époque que les parents de ma tante tenaient un bistrot à Yvetot ! Même milieu, peut-être même se connaissaient-ils, je n’en sais rien. Toujours est-il qu’Annie a eu cette chance d’être fille unique ! Pas de frère à privilégier... Et elle a pu faire ce qu’elle voulait. J’ai été la revanche de Tata, complètement.
J’ai raconté dans Le Rêve de ma mère un souvenir datant de quand j’ai quitté l’école pour rentrer aux Beaux-Arts - dont j’ai passé le concours à 14 ans et demi, pour y rentrer à 15 ans pile. Il y avait eu un conseil de famille, et je suppose, enfin j’en suis absolument certaine, que les autres ne comprenaient pas cette idée de me faire entrer aux Beaux-Arts : "elle n’a qu’a travailler tout de suite, pour gagner sa vie". Je me souviens très bien, par contre, du doigt de ma tante pointé vers moi, et de cette phrase qu’elle a martelée : "Celle-là fera ce pour quoi elle est douée !".
Sacrée phrase...
Sacrée phrase. Elle m’a défendue comme ça. J’ai un souvenir très précis de ce doigt pointé vers moi, et de cette phrase, avec les blancs entre chaque mot. Histoire de dire : celle-là, vous ne l’aurez pas !
Elle a eu l’occasion, la chance de vous voir réussir.
Oui, mais je vous dirais que le métier, ça elle n’a jamais compris.
>>> Un éléphant ça trompe énormément <<<
Le succès vous l’avez eu, vous, non pas en tant qu’instit, mais en tant qu’auteur. Est-ce que vous évitez de penser à votre enfance (dont je sais qu’il ne vous reste que des bribes) et à votre adolescence pour vivre mieux, ou bien avec le temps êtes-vous apaisée ?
Je n’ai aucun souvenir de mon enfance. Après Le Voile noir, il y a eu toutes ces lettres de lecteurs, et je peux dire que véritablement ils m’ont changé la vie. Quel auteur peut dire ça ? Pour le reste, je n’y pense pas tellement, à l’enfance, à l’adolescence. Je vais vous faire rire : en écrivant les petits textes qui composent ce livre, j’étais mentalement fixée sur les anecdotes sur les personnages. Sur Marielle, sur Rochefort, sur Varda. Je n’ai pas songé une seconde que je faisais une sorte d’autoportrait incroyable ! Enfin, lorsque j’écrivais des choses intimes, comme la phrase de Bernard sur mon refus d’avoir des enfants, j’en étais bien consciente. Mais je pensais surtout à la clocharde, à tous ces gens. Et ensuite les journalistes m’ont posé des questions très personnelles ! Je me suis dit, mince, je me suis encore dévoilée plus que je le pensais, en écrivant. Ma franchise me joue toujours des tours !
Justement vous venez de l’évoquer. Cette phrase de Bernard Giraudeau...
Oui... C’est extraordinaire quand on aime les mots. Vous savez que je suis devenue comédienne parce que j’écrivais. Des Beaux-Arts, on m’a envoyée au conservatoire deux fois par semaine pour que je continue à étudier des textes. On n’aurait pas pensé à m’envoyer au conservatoire sans cet orientateur professionnel génial qui avait dit : "Elle va perdre le contact avec les mots, or elle écrit, elle lit tout le temps, il est crucial qu’elle continue à étudier des textes". C’était ça, au départ. Comédienne c’est venu ensuite peut-être parce que, n’ayant aucun investissement là-dessus, j’y étais plus à l’aise que les autres. Quand on n’a aucune projection de soi dans quelque chose, je crois qu’on le fait assez aisément, comme ça pour s’amuser. Je n’avais pas le trac, d’ailleurs je ne l’ai toujours pas. C’est comédienne qui l’a finalement emporté pour me faire gagner ma vie, mais je reconnais que c’est un destin un peu bizarre, d’avoir bifurqué comme ça des Beaux-Arts vers la comédie. Mais, revenant en arrière, je comprends. J’avais beaucoup connu la solitude comme gosse à l’école, et la solitude du travail de peintre m’a effrayée. C’est la découverte des partenaires, des copains, de l’échange, qui m’a complètement séduite dans ce métier. Pour moi l’échange, cette découverte, ça a été un émerveillement. C’est ce qui m’a décidée à être comédienne.
Mais vous avez toujours plaisir à dessiner, à peindre ?
C’est très rare. C’est resté un peu comme, vous savez, ces gens qui vous disent qu’un jour ils feront le tour du monde à la voile. Moi je me dis parfois que peut-être un jour j’entrerai en peinture. Les dons restent, donc je peux faire d’assez jolies choses, mais je n’ai pas peint assez pour me dire peintre.
Mais quand vous le faites, ce plaisir vous l’avez ?
Dessiner, moins. Peindre oui. Mon truc c’est la couleur.
Bernard Giraudeau vous a donc fait comprendre que le refus d’avoir des enfants pour ne pas reproduire le drame de votre enfance était une forme de suicide. Diriez-vous que cette phrase a sauvé votre vie de la même manière que tous les retours que vous avez eus après Le Voile noir ?
Oh oui, certainement. Je suis encore ébahie. D’abord qu’il l’ait prononcée, parce que malgré l’amour que j’avais pour lui, il n’était pas un fin psychologue. C’était plutôt à l’emporte-pièce. Là il a fait preuve d’un coup de génie. Aimant les mots, j’ai compris tout de suite, à la seconde, à quel point c’était une vérité profonde. Et ça c’est étonnant. Ça a fait son chemin, et on n’en a plus parlé. Pas un mot de commentaire, rien du tout. Juste, j’ai compris qu’il avait raison. Et que c’était le suicide de toute une lignée, en fait. Par colère.
Vous en parlez beaucoup, de la colère, d’ailleurs.
Oui. Puisque c’est comme ça, je ne vous donnerai pas de descendants. Quelque chose comme ça. Et aussi la peur de renouer avec ce que j’appelais froidement le "merdier". C’est-à-dire le danger de perte, l’attachement, tout ce qui vous amène à souffrir un jour ou l’autre. J’en voulais plus !
Vous évoquez cette mesure-étalon du pire, précisément basée sur cette épreuve horrible de l’enfance. Est-ce que la maturité, la force que vous ont apporté la première de vos grandes épreuves, avec toute cette colère comme moteur, a eu tendance à plutôt accroître votre compassion, ou au contraire votre impatience envers les gens qui parfois se plaignent sans forcément qu’il y ait de bonnes raisons ?
Non, je n’ai pas beaucoup d’impatience. Je crois être assez tolérante envers les autres. Sauf envers une certaine bêtise crasse qui de temps en temps m’énerve. Je cherche toujours à voir le bon côté des choses.
Et vous avez fait de cette colère quelque chose de positif, éloigné de la rancœur ou de la haine.
Je l’ai transformée. Il y avait le projet d’un symposium sur l’orphelinat qui n’a pu avoir lieu à cause de questions budgétaires. Si j’avais pu parler là-bas, j’aurais dit ça : ne soyez pas trop pressés de mettre le nez des enfants dans leur malheur pour qu’ils l’acceptent, pour qu’ils pleurent. Faire pleurer les enfants qui veulent ignorer qu’ils souffrent, d’accord, mais pas trop vite. La colère aussi est salvatrice.
>>> Donnez-lui la passion <<<
Il y a une très belle chanson de Lynda Lemay qui s’appelle Donnez-lui la passion : il y est question d’une mère qui, de peur de partir trop tôt, fait la prière qu’au moins, même s’il est seul, son enfant ait une passion à laquelle s’accrocher. Cette prière vous l’avez faite pour les vôtres ?
Je crois avoir été à peu près comme ma tante, avec mes enfants. J’ai été à l’affût de leurs goûts et de leurs envies, en leur donnant tout de suite toutes les cartes en mains. Vous avez envie de prendre des cours de ceci, de cela ? OK, allez-y, mais attention, c’est vous qui êtes responsables. Si vous réussissez, ou si vous ratez, c’est votre responsabilité.
Dans la bienveillance et la complicité, comme votre tante...
Oui. Comme je l’ai dit, je ne savais pas trop quelle mère être, n’ayant pas moi-même de modèle de mère à imiter ou au contraire à rejeter. Je crois remarquer que les gens font souvent cela : soit les filles s’attachent à reproduire ce que leur mère a été, soit elles font exactement l’inverse.
Et est-ce que vous diriez que les parents devraient faire tout ce qui leur est possible pour faire éclore chez l’enfant une ou des passions ?
Oh oui je pense. Mais c’est compliqué maintenant, avec ces études à rallonge, et cette compétition souvent qu’on inculque aux enfants... J’en parlais encore avant-hier avec des amis qui étaient là et qui trouvaient effectivement extrêmement dur qu’on pousse les enfants à toujours mieux, toujours ceci... sans réellement se préoccuper de ce que sont leurs dons à côté. Maintenant, on va leur demander ce qu’ils ont envie de faire à 6 ans ? C’est inouï. On ne les laisse plus rêver, il faut tout de suite se spécialiser : lui c’est un matheux, lui plutôt cela, etc...
D’ailleurs vous avez déclaré lors d’une interview récente que vous ne pourriez plus faire les Beaux-Arts aujourd’hui, parce que dorénavant il faut le Bac...
Bien sûr... On ne peut plus prendre ce que j’appelle des chemins de traverse pour les enfants qui sont "spécialisables" très tôt. Ceux qui ne savent pas, enfin, laissez-les rêver, s’éclore avant de se décider. En troisième il faut absolument se choisir un parcours, et après on est coincé... Le reste de sa vie en dépend.
Il y a dans votre livre, nous l’avons un peu évoqué, beaucoup de moments très souriants et aussi des portraits très touchants. Comme celui de cette femme noire qui errait à Paris, détruite par la mort de ses enfants. Ou comme celui de Robert, cette homme de la Creuse qui était devenu un ami cher. Parler d’eux c’était pour vous comme une évidence ?
Oh oui... J’ai toujours cette phrase de Robert dans l’oreille : "J’me fais un p’tit bouquet", avec l’accent creusois. J’avais été frappée par ça. Vu la vie qui avait été la sienne, ses rêves brisés, et tous les renoncements, qu’il trouve toujours le plaisir de se faire un "p’tit bouquet". Moi ça me fait pleurer... Et cette femme, cette clocharde, je la vois encore, elle est gravée en moi. D’ailleurs c’est le premier truc que j’ai écrit. Vous savez, quand j’écrivais ces petits textes cet été, dans mon chalet en Creuse, j’ai retrouvé un papier jauni sous une pile : "Respire c’est d’l’iode, bon titre, mais je n’ai pas le livre qui va avec". Voilà, j’avais le livre. J’avais le titre depuis quelques années. Moi ça m’évoquait quelque chose comme "Vos gueules les mouettes !" Mais depuis je le trouve moins drôle, parce que les journalistes le prononcent correctement : "Respire, c’est de l’iode". Mais ça, ça me fait pas rire du tout. Ma grand-mère disait : "Respire, c’est d’l’iode", mais c’était compliqué d’écrire ça de cette manière. Le titre est drôle si on le prononce dans sa version originale.
C’est en tout cas un livre qui nous trimbale d’émotion en émotion. Une autobiographie qui n’en est pas une...
Non ça n’en est pas une mais effectivement, à la longue, ça devient un portrait en kaléidoscope. Un kaléidoscope aussi de manières de voir les choses. Il y a eu des débats avec mon éditrice, sur la pertinence d’y parler ou non des maçons de la Creuse ou de l’horrible déportation des enfants de la Réunion. Pour moi il fallait en parler. Et c’est un livre à digressions. C’est l’occasion de parler de cette histoire. Je ne sais pas si vous en aviez entendu parler, vous, des 2000 enfants de la Réunion. C’est totalement fou... Mais on n’en parle jamais. Les Réunionnais appellent encore ces déportés, envoyés dans la Creuse pour la repeupler, les "enfants de la Creuse". J’ai vu à la télévision, il y a peut-être deux mois, en rentrant du théâtre, la fin d’un film de télévision qui leur rendait hommage. Je ne les ai pas inclus, mais il y a des témoignages abominables... Notamment d’un jeune Réunionnais qui dormait avec les bêtes et à qui on donnait pour nourriture les excréments des animaux. Certains sont bien tombés, accueillis véritablement comme des enfants adoptifs. D’autres ont été traités comme des esclaves. Et ça a duré jusqu’en 1983. 20 ans !
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Extrait de Respire, c’est de l’iode.
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C’est bien que vous ayez mis ce fait en lumière...
Oui je crois. Comme l’histoire de l’origine des quartiers d’artistes à Paris. À cause des cimetières ! C’est un petit-fils de maçon de la Creuse qui m’a appris ça. Quand il y a eu le chemin de fer et que ces maçons se sont établis à Paris, à la fin du 19e, ils se sont installés là. Avant, je suppose qu’ils dormaient en chambrées, etc, mais à partir du moments où ils ont emmené leurs familles ils se sont établis là où ils travaillaient. Et ils ont emmené les copains dessinateurs, les copains peintres, les copains musiciens, et tout le monde s’est retrouvé autour des cimetières !
Mais c’est vrai qu’on apprend plein de trucs dans votre livre ! J’ai une dernière question sur un sujet pas très marrant, après ce sera plus léger, promis ! Autre passage émouvant, celui où vous racontez, vous qui aimez tant les chats, le dernier voyage de votre chatte Missoui. Et la façon bien différente qu’avaient vos enfants Gaël et Sara de vivre leur deuil...
Chacun a eu sa façon très différente de le vivre, l’un à l’opposé de l’autre. On connaît maintenant l’aspect transgénérationnel des choses. Je savais depuis longtemps que Sara était un peu le prolongement de moi. Souvent elle a fait les choses au même âge. On a même joué le même Shakespeare au même âge ! C’est un hasard qu’on le lui ait proposé, mais elle l’a joué exactement au même âge ! Et elle, instinctivement, compensait tout ce que je n’avais pas fait. Mon fils lui prenait l’option opposée, et il a réagi comme moi : pas la peine de se faire souffrir en plus, aller pleurer sur une tombe à quoi ça sert, déjà assez de chagrin comme ça...
C’est une question qui longtemps vous a fait peur, leur rapport au deuil ?
Je crois qu’ils sont assez sains et vivent cela avec un peu de distance. Mais je ne me suis pas vraiment posé la question. Il y a beaucoup de choses auxquelles je n’ai pas pensé, et c’est très bien !
Il est question dans le titre de votre livre d’évocations libres, manière de dire que ce n’est pas une autobiographie classique mais des bribes de vie racontées comme vous avez envie. La liberté c’est vraiment quelque chose qui vous caractérise depuis toujours ?
Complètement oui. C’est pour ça d’ailleurs que je termine sur ce sujet difficile de la fin de vie, et de décider de sa fin de vie. S’il y a une chose qui me terrorise, c’est la perte de ma liberté...
Est-ce qu’il y a des choses que vous auriez eu envie de raconter dans ce livre mais que, pour x ou y raison, vous auriez renoncé à inclure dans sa version finale ?
Pas vraiment... J’ai simplement coupé une phrase, ça valait mieux...
C’est trop compliqué de faire dans la nuance de nos jours ?
On ne va pas revenir sur des questions un peu polémiques. Une dame m’a dit un jour, en s’excusant, que peut-être après ce que j’ai vécu, je ne pouvais pas comprendre certaines choses. Notamment le fait d’être sous influence. Peut-être avait-elle raison...
Je remarque Anny que ce livre, comme la grosse majorité de tous les autres parus depuis presque un demi siècle, ont été édités au Seuil. Il y a une raison particulière à cela ?
Je n’ai jamais eu de bonne raison de changer d’éditeur. Il a toujours été épatant avec moi, depuis le début. Je ne me suis engueulée avec personne. Mon éditeur depuis trois ou quatre livres est parti récemment, et je me suis très bien entendue avec ma nouvelle interlocutrice. Je trouve ça bien d’avoir tous ses livres chez le même éditeur. Quand on fait des salons c’est pratique. Ils ont tout en s’adressant au même.
Vous vous êtes porté bonheur réciproquement, disons. Qu’est-ce qui vous manque de Paris quand vous êtes dans la Creuse, et a contrario pourquoi voulez-vous rentrer vite dans votre paradis creusois quand vous êtes à Paris où ailleurs ?
Ce qui me manque à Paris, c’est la vraie nature. Des arbres avec de l’herbe autour, et pas du béton. J’aime vraiment les arbres et je suis atterrée, en Creuse, de voir que les chênes sont à peu près condamnés, à coup sûr. Ils meurent les uns après les autres. Le chêne a des racines en surface, pas pivotantes. Les arbres qui ont des racines en surface sont les premières victimes du réchauffement climatique... Les chênes vivent, mais toutes les grandes branche du haut sont mortes. On sait qu’immanquablement, en trois ou quatre saisons, il y a pas mal de chênes morts au milieu des champs... C’est vraiment triste. Donc oui la vraie nature, l’espace me manquent à Paris. Par contre, quand je suis dans la Creuse, au bout d’un moment, si je n’ai pas de jardinage à faire, pas de livre à écrire, je m’enquiquine franchement. J’aime bien avoir des gens autour ! D’autant que je vis seule. J’en parle d’ailleurs, de cet échange avec Mme Varda...
Et vous avez vos chats dans la Creuse et à Paris ?
Oui ils font le voyage, ils sont habitués.
Vous en avez combien en ce moment ?
Trois. Mais un de vingt ans qui... Il va y avoir un deuil, j’essaie de m’y préparer. Je lui parle en lui disant, je t’en supplie, ne me fais pas ça un matin d’émission ou de salon du livre, je vais partir dégoulinante. Un jour où j’aurais au moins trois jours pour pleurer dans mon coin.
>>> Les Compères <<<
Touchons du bois... J’ai revu il y a peu, avec plaisir, Les Compères de Francis Veber. Je sais que c’est compliqué en ce moment d’évoquer Depardieu...
Oh, il vieillit très, très mal...
Quels souvenirs gardez-vous de ce tournage ?
Je n’en ai pas beaucoup de souvenirs, à vrai dire. J’ai un souvenir, un peu anecdotique. Je ne connaissais rien à l’alcoolisme, pas de cas autour de moi, à part des grands-pères qui sont morts de ça. On a pris un pot un jour, une glace, et un de mes camarades de tournage a demandé au serveur s’il y avait de l’alcool dedans. J’ai ri, "bah, de l’alcool dans une glace..." Il m’a répondu que les papilles avaient de la mémoire, que les petites cellules avaient une mémoire, et qu’un microgramme d’alcool dans une glace, ou dans une sauce, pouvait vous faire replonger. Il était en train de se soigner. J’avais été frappée par ça. Et ça m’a ouvert les yeux sur ce combat.
Si on parle de souvenirs, il y a un film que j’ai revu avec grand plaisir, mais qui malheureusement n’a pas vraiment été numérisé. On a réussi à organiser une projection avec une amie, j’avais demandé à le revoir parce que pour le coup j’en ai de grands souvenirs : c’est Psy, de Philippe de Broca. Ils ont trouvé des bobines. Le film est un peu sépia, un peu rougi, mais moi en tant que photographe ça ne me gêne pas. On l’a revu en public, les gens étaient tordus de rire. Je ne l’avais revu, j’avais peur qu’il ait vieilli mais non. J’avais eu une belle complicité avec Patrick Dewaere, et j’ai rencontré lors de ce tournage deux comédiens au tout début de leur carrière, je les avais repérés dans l’idée de faire quelque chose avec eux un jour, c’était Darroussin et Catherine Frot...
>>> Psy <<<
Vous avez eu du flair !
Oui, je ferais pas un mauvais casting. Ce film vaudrait le coup d’être numérisé. Et quel rythme ! Moi ça m’a sciée. Si les gens qui nous pondent des comédies maintenant pouvaient le voir... Extraordinaire.
Après notre première interview de février 2024, j’avais mis La Face de l’Ogre en ligne. Pourquoi pas Psy...
Oui... Après, je sais qu’il y a des DVD qui existent. Mais on ne peut pas les projeter sur grand écran. J’avais proposé ça pour un ciné-club à Aubusson, en Creuse, mais ils m’ont dit que c’était impossible. Sur une télé à la rigueur...
Je note ! Merci. Vous avez souvent été sur la scène de théâtres pour porter les textes d’autres. Auriez-vous envie d’y porter un texte à vous ? Et pourquoi pas quelque chose de plus personnel, où par exemple vous raconteriez vos anecdotes ?
Nous avons monté un jour un spectacle qui n’a pas eu de chance... C’est tombé en plein pendant les Gilets jaunes. J’ai eu la chance, vous le savez, d’avoir "mon" documentaire dans la collection "La France en vrai" de France 3, par Ninon Brétécher. Il y a quelques années, Ninon m’avait appelée pour me proposer de monter un spectacle où j’aurais lu de grands passages des Chats de hasard, qu’elle avait beaucoup aimé. Nous avons toujours sous le coude ces textes choisis, avec des idées pour quelque chose de mi-lecture mi-joué. Il n’est pas impossible qu’un jour me prenne l’idée d’y revenir. Pourquoi pas dans ce théâtre où j’ai adoré jouer Mes chers enfants de Jean Marbœuf, Le Lucernaire ! J’adorerais. Mais sinon, je n’ai jamais vraiment eu envie d’écrire pour le théâtre.
Mais raconter votre vie un peu comme ça, sur scène...
Non, je ne crois pas... Si c’est lu ça n’a pas grand intérêt. Me raconter moi, je l’accepte parfois, quand on fait ce qu’on appelle des "rencontres" à propos d’un livre ou autre. Mais une fois de temps en temps.
Vous m’avez confié que vous adoreriez jouer la clocharde de votre Tour des arènes...
Oui ! Mais c’est mal parti... Je viens justement de refuser quelque chose pour la télévision. On n’en sort pas, du flic et de la fliquette... Il n’y a plus que ça. Comme s’il y avait une charte d’écriture où il fallait un rebondissement toutes les dix minutes, etc. Alors que mon histoire, c’est un conte. Je crois que les petites histoires qui se déroulent comme ça, simplement, sans qu’il y ait un suspense, n’est pas dans leur charte d’écriture.
D’ailleurs vous voyez que la plupart des chaînes sont passées, pour leurs fictions, au format 55 minutes...
Oui de plus en plus. De temps en temps ils se paient un unitaire, mais il faut toujours des rebondissements, du suspense... Ce roman, je ne vois pas comment ça pourrait se faire. Pourtant, indubitablement, c’est un film ! Comme un peu tous mes romans d’ailleurs. Je pense à Une soirée, qui pour moi est aussi un film.
J’ai lu aussi L’Admiroir, qu’on pourrait pareillement imaginer adapté à l’écran...
Ou Le Nez de Mazarin, qui est terrible... Il y a trois mois, quelque chose comme ça, j’ai eu par mon agent un message qui disait en substance : "Je voudrais dire à Mme Duperey qu’elle a peut-être contribué à sauver la vie de quelqu’un avec un de ses livres". J’ai été surprise, et ai été un peu plus tard en contact avec lui. Dans Le Nez de Mazarin, il y a une femme qui sommeille dans la voiture de son mari, en Camargue. Et tout à coup elle voit sans réagir, les yeux mi-clos, une espèce de tache. Son mari peut croire qu’elle dort, mais elle s’aperçoit sans réagir que c’est un blessé qui est couché sur le bas-côté. Elle ne réagit pas et comprend en même temps que son mari n’a pas ralenti... Et en un an, elle détruit sa vie, à cause de ça. Elle refoule le truc. Ça la gangrène et ça finit par la tuer, à la fin. Terrible ! Et donc, ce type me dit qu’il se gare dans un de ces parkings à escargot, vous savez. Tout à coup, il voit un type qui remonte à toute vitesse du côté voiture avec une longue corde à la main. L’homme me dit qu’il s’est garé, et mon roman, qui l’avait beaucoup marqué, lui est revenu, paf, comme ça. Cette femme était passée à côté d’un truc, lui ne voulait pas passer à côté. Il remonte, le type était en train de se pendre au premier étage. Heureusement m’a-t-il expliqué, il a réussi à le maintenir, et comme c’était au premier étage, le téléphone passait et donc il a pu appeler les secours. Un roman ! 30 ou 40 ans après ! C’est étonnant...
C’est vraiment une belle histoire ça ! À propos de la clocharde du dernier roman justement, est-ce qu’il y a d’autres types de rôles auxquels vous aimeriez vous essayer ?
Je n’ai jamais vraiment planifié ces choses. Mais c’est vrai que j’aime les rôles très différents, très éloignés de moi. J’aime faire des compositions... Et j’ai eu du pot ! Quand on a terminé les Famille formidable, j’étais persuadée qu’on n’allait me proposer que des rôles de grandes gentilles. Mais le premier truc qu’on m’a offert après, ça a été un personnage monstrueux, qui était la mère du tueur, dans une fiction qui s’appelait Le Tueur du lac. Elle n’aimait rien ni personne. Monstrueuse, vraiment ! Un peu plus tard j’ai joué une psychopathe pour un téléfilm qui s’appelait Petit Ange, pour la télévision. Une femme qui rendait ses enfants malades. Jusqu’à une paysanne qui va se retrouver au milieu d’une histoire terrible, un de mes derniers rôles en date, dans Mort d’un berger. J’ai eu une chance incroyable !
Ce n’est donc pas vous qui avez sciemment fui les rôles qui vous auraient raccrochée à Catherine Beaumont ?
Non. Mais je dois aussi le dire honnêtement : il n’y a pas des milliards de propositions. Quand je refuse quelque chose, c’est vraiment parce que c’est inintéressant à jouer. Ou bien je ne m’en souviens plus. J’oublie vite. Mais on ne m’a pas trop proposé de rôles à la Catherine Beaumont.
>>> La Face de l’Ogre <<<
Très bien... Comment réagiriez-vous si quelqu’un vous disait vouloir faire une nouvelle adaptation de La Face de l’Ogre ?
Je ne sais pas du tout... Après, il faut avoir en tête que c’est le roman de Simone Desmaison. Je n’en ai rien gardé, à part le principe de base. D’ailleurs on a failli ne pas le faire. C’est grâce à son frère, José Giovanni, qu’on a trouvé une solution : elle ne retrouvait tellement pas son livre dans mon histoire que le film a failli ne jamais exister. Il m’a suggéré de lui faire cosigner les dialogues. Et elle a accepté. Je n’ai gardé que la base de l’histoire : le pendu, la femme dans la montagne... Donc pour vous répondre, il faudrait adapter le roman. Ce n’est pas un scénario complètement original.
La Face de l’Ogre avait été réalisé par Bernard Giraudeau, auquel vous rendez justement hommage dans le livre. Mais j’ai l’impression qu’on l’a pas mal oublié. Qu’aimeriez-vous qu’on retienne de lui ?
Bernard avait une écriture très poétique. C’était un voyageur... Mais vous savez, on ne parle pas beaucoup de lui c’est vrai, mais c’est pareil pour les autres. Les acteurs ou même les écrivains sont très vite oubliés. Certains jeunes acteurs ne connaissent même pas Rochefort ! Si vous leur parlez de Delphine Seyrig, de gens du théâtre d’avant, alors là...
On oublie vite...
Il y a cette histoire où je raconte avoir connu Elvire Popesco à la fin de sa vie. Elle était immense, mais personne ne sait plus, même des acteurs de 40 ou 50 ans, qui est Popesco !
>>> Les Haricots <<<
Vous avez chanté pas mal de chansons dans Viens Poupoule ! et d’autres récemment avec Frédéric Zeitoun...
Justement, on a fait quelque chose hier au salon du Livre de Châteauroux. À 11h30, sous un endroit qui est fait pour des spectacles ou des conférences, on a eu 200 personnes qui ont écouté les deux chansons que nous avons interprétées, avec Frédéric (dont la chanson qu’il m’a écrite) et un pianiste. On a vu que c’était comble, on s’est dit : bientôt l’Olympia ! J’aime beaucoup Frédéric, et hier je lui ai fait une surprise, moi qui n’aime pas les surprises ! Je me suis entendue avec le pianiste, au débotté, sans répéter : il y a une vieille chanson de Bourvil que j’adore, une chanson de saison, au moment des semis pour les jardiniers, Les Haricots. Si vous ne l’avez jamais écoutée, allez voir, c’est une petite splendeur de chanson ! Je crois qu’il l’avait d’abord chantée dans une opérette qui s’appelait La Route fleurie. Et j’ai eu l’immense surprise de voir que Frédéric ne la connaissait pas. J’ai été ravie de la lui faire connaître !
Mais par exemple ces chansons-là, y compris celle de Bourvil, vous pourriez vouloir les reprendre, pas dans Viens Poupoule ! mais dans un spectacle musical à vous ?
Pourquoi pas !
Vous m’aviez dit il y a quelque temps qu’écrire vous-même des chansons ne vous intéressait pas du tout. Mais enregistrer vous-même un album avec des chansons que vous aimez bien ou que des gens auraient écrites pour vous, ça pourrait vous tenter ou pas du tout ?
Le problème c’est que je pense à ça, je pense tout de suite à spectacle, et pas à album. On me dit, pas de spectacle sans album. Moi je suis dubitative... Oui, j’ai déjà noté, bien évidemment, des chansons que j’aimerais chanter un jour, sur un thème qui serait peut-être "une vie de femme", en partant de l’enfance, en passant par l’adolescence, etc... Histoire d’imager le parcours différent d’une femme, sous tous ses angles. Mais penser "album", j’ai du mal. Je veux tout de suite imaginer le piano sur scène et être face aux gens.
Mais l’album ne précède pas forcément le spectacle ?
Oui, peut-être...
Vous êtes consciente d’être pour pas mal de gens, femmes mais pas que, une vraie source d’inspiration ?
Oui, c’est assez marrant. C’est assez troublant, même... Tout cela tient beaucoup aux Famille formidable, que les gens ont tellement aimées. Il y a un vrai amour pour cette série. Il y a eu Le Voile noir aussi... Et le fait que ce livre ait été finalisé juste avant le début de la série, encore une fois c’était inouï.
Trop bien organisé, comme vous dites !
Trop bien organisé, oui... Mais quand on me dit : "Vous nous faites du bien parce que vous amenez un rayonnement", là je suis très contente. Dans ce monde qui va de plus en plus mal, j’avoue faire ce que je ne pensais jamais faire : l’autruche totale. Je ne veux plus voir... La multiplication des dictateurs, les dangers de partout, cette bagnole électrique qu’on veut nous fourguer à tout prix, les fausses bonnes idées, etc !!! Ce monde ne progresse pas. Si j’amène une petite lumière je suis contente.
D’où ce besoin désespéré de rire que vous évoquiez...
Oui, c’est vraiment la meilleure chose à faire en ce moment. Et arriver à se protéger. On n’en peut plus de ces infos...
J’ai eu la chance l’an dernier d’interviewer à deux reprises Françoise Hardy, peu avant son décès. Elle m’a notamment confié que sa grande fierté, c’était son fils Thomas, pas simplement ce qu’il faisait mais ce qu’il était. Vous diriez la même chose ?
Oh oui, bien sûr... J’ai des enfants épatants. Très bien sur leurs pieds. Aux mères qui doute je dis : ayez confiance en vos enfants. Je n’ai pas été spécialement éducatrice, mais quand ils étaient ados, j’entendais dire que les enfants avaient besoin de révolte pour se construire contre quelque chose. Moi j’étais terrifiée : contre quoi allaient-ils se construire vu que j’étais d’accord avec tout ? Je vais en faire des chiffes molles. Mais ils se sont construits avec, pas contre, et ça va !
Très bien. Vous m’avez confié ne pas beaucoup dessiner, mais comment croqueriez-vous un autoportrait un peu caricatural ?
Oh... Un jour j’en ai fait un, en deux-trois coups de crayon ! Je vous l’envoie, c’est moi un peu plus jeune. J’ai trouvé que ça me ressemblait bien !
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Anny vue par Anny. Date : indéterminée. ;-)
Quels sont vos projets et surtout vos envies pour la suite Anny ? Vous avez touché à tout ou presque, est-ce qu’il y a encore des choses qui vous font rêver ?
Pas forcément... Je veux surtout continuer à jouer. Par exemple j’ai réalisé un rêve avec Viens Poupoule !, un spectacle chanté. Je ne l’avais pas fait depuis Bernard, depuis notre comédie musicale. À l’époque on n’avait pas eu envie de réitérer le genre parce qu’on avait beaucoup souffert en tournée. C’était parfois compliqué dans certaines salles. "Ils chantent, ils dansent ou ils jouent la comédie ?", les trois mon capitaine ! On a été parmi les précurseurs. Chanter aujourd’hui c’est ce qui m’enchante le plus. Je pense aussi à une chanson de Marie-Paule Belle que j’ai chantée un jour pour elle et que j’adore : Les Petits Dieux de la maison... Je pourrais la rechanter ! Et j’adore Marie-Paule, tellement heureuse qu’elle ait retrouvé la scène !
Un dernier mot Anny ?
Tâchons d’être heureux !