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Paroles d'Actu
24 juillet 2013

Michel et Augustin : "Il y a un fabuleux savoir-faire en France"

Michel et Augustin, au départ, c'est une envie d'aventure, celle de deux potes, Augustin Paluel-Marmont et Michel de Rovira (bon, vous vous doutiez bien qu'ils ne s'appelaient pas Marcel et Robert). Ils décident de s'unir (professionnellement, Christine Boutin, juste professionnellement) pour créer leur boîte et tenter, partant de rien, ou en tout cas de pas grand chose, de se faire une place dans le secteur de l'agroalimentaire. Neuf ans plus tard, Michel et Augustin compte parmi les grandes success stories françaises récentes. L'accroissement par François Pinault de sa participation dans le capital de la société les conforte dans leurs ambitions, et l'évolution de leurs chiffres à l'étranger montre que le Made in France a encore de beaux jours devant lui. Leur recette : pas mal d'huile de coude (une cinquantaine de personnes motivées travaillent pour Michel et Augustin), le goût des bonnes choses, des produits de qualité, et une maîtrise parfaite des arts du marketing et de la communication. C'est simple : s'ils ne rechignent pas à mouiller la chemise, ils n'ont pas peur non plus... de l'enlever. ;-) Bon, vous avez envie de voir ça, j'abrège, pour passer directement à la photo, et surtout à l'interview qu'elle introduit... :-) Bonne lecture ! Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

MICHEL DE ROVIRA, AUGUSTIN PALUEL-MARMONT

"MICHEL ET AUGUSTIN"

Fondateurs et gérants de Michel et Augustin

 

"Il y a un fabuleux savoir-faire en France"

 

Michel et Augustin 1

(Les photos m'ont été proposées, à ma demande, par Michel et Augustin)

 

 

Q : 05/05/13

(sauf : Q. Artémis : 12/07/13)

R : 15/07/13

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Michel, bonjour Augustin. L'origine de votre duo, l'histoire de Michel et Augustin, vous les avez racontées plus d'une fois en interview, je vous fais donc grâce d'une énième redite. Votre truc à vous, c'est la qualité des ingrédients, l'originalité des recettes, une bonne dose d'humour, de fun, un don certain pour la com'... et le goût, dans tous les sens du terme. Bon, je sais, ça fait plusieurs trucs. Un petit coup d'oeil rapide dans le rétro, même si, je le sais, ça n'est pas votre genre. Que de chemin parcouru, depuis 2004... Quel regard portez-vous sur cette "presque" première décennie ?

 

M. et A. : Nous avons parcouru un sacré bout de chemin depuis septembre 2004, dans la petite cuisine du petit appartement d’Augustin, 26 rue Hermel, Paris 18ème, ou nous concoctions nos premiers sablés ronds et bons. Et depuis notre premier client vu le 8 janvier 2005 chez Salah, épicier, au 24 rue Hermel !

 

Salah

 

Nous avons bien grandi. Notre aventure c’est 53 trublions , 5 univers produit : biscuits sucrés, offre snacking, yaourts, desserts frais à partager et biscuits apéritifs, un peu plus de 80 références au total, 42 % de croissance par rapport à 2011, 18,5 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2012, 60 200 fans sur Facebook, 90 000 abonnés à notre newsletter et 7 000 points de vente en France et à l’étranger.

 

Notre rêve reste le même : avoir la joie d’inventer des recettes les plus gourmandes et saines possibles, à base d’ingrédients de grande qualité ! Et de partager et vivre ensemble, au quotidien, une aventure humaine et entrepreneuriale.

 

 

PdA : Vos plus grandes fiertés, celles qui font smiler ces deux trublions - et cette petite vache si sympathique - que l'on voit sur tous vos paquets ? ;-)

 

M. et A. : Notre plus grande fierté c’est l’équipe ! Ce qui fait les valeurs d’une entreprise ce sont les hommes et les femmes qui la constituent et qui la portent.

 

C’est aussi d'avoir montré qu’il est encore possible de créer une entreprise en partant de rien et clouer le bec à toutes les personnes qui nous susurraient à l’oreille : « Arrêtez tout, tout de suite, vous n’avez aucune chance face aux monstres de l’alimentaire ».

 

 

PdA : Artémis, la holding de la famille Pinaut vient d'acquérir une majorité confortable (70%) dans le capital de Michel et Augustin. Qu'est-ce que ça va changer ?

 

M. et A. : C’est un coup de pouce pour nous aider à grandir et à passer à la vitesse supérieure. C’est aussi permettre aux consommateurs de mieux dénicher nos produits en France et à l’étranger ! Nous allons simplement continuer de faire ce que l’on aime faire, ce qui nous passionne. En se donnant les moyens de déployer notre aventure dans les 10 plus grandes villes en France et à l’étranger.

 

 

Michel et Augustin 2

 

 

PdA : Les créations Michel et Augustin plaisent bien au-delà de nos frontières. Votre dernière conquête en date : l'Angleterre. Est-ce qu'il y a dans votre parcours, dans vos positionnements, quelque chose dont on pourrait tirer des leçons pour favoriser un succès accru du "Made in France" à l'étranger ?

 

M. et A. : Nous bénéficions en France d’un fabuleux savoir-faire. 95% de nos produits sont faits en France. Sauf les palmiers allongés qui sont fabriqués au Portugal chez notre expert de la pâte feuilletée 100% pur beurre.

 

Nous continuerons de faire vivre l’économie française et de vendre la France à l’étranger. Nous voulons fabriquer des produits que le monde entier nous envie !

 

 

PdA : Imaginons un instant que le président de la République - ou le Premier ministre, peu importe - vous confie une mission, sur la base de votre expérience à la tête de Michel et Augustin, une PME qui réussit. L'intitulé pourrait être comme suit : "Favoriser l'émergence et le développement de petites et moyennes entreprises et industries viables et conquérantes". Quelles seraient vos recommandations ?

 

M. et A. : Simplifier le code du travail, baisser massivement les dépenses publiques pour baisser les charges patronales ensuite, supprimer le millefeuille administratif, les effets de seuil !

 

L'entrepreneuriat ce n'est pas un sprint, mais une course de fond ! Il faut savoir bien s’entourer et recruter des talents qui partagent les valeurs de l’aventure. Soyez clairvoyant et ayez une vision à long terme. Ça permet d'éviter certaines erreurs ! Surveillez les principaux indicateurs qui illustrent la santé de votre projet. Enfin, il faut conserver ses convictions profondes, à savoir la manière de manager son entreprise, les produits que l'on va vendre.

 

 

PdA : Quelles nouveautés nous mijotez-vous pour les prochains mois, pour les prochaines années ?

 

M. et A. : D’un point de vue produits, nous venons de sortir un yaourt inédit au café pur arabica de Colombie sans conservateur. Il vient étoffer notre gamme de vache à boire aux fruits et à la vanille de Madagascar. Ce sont des yaourts très premium avec des ingrédients de grande qualité ! Nous avons également sorti un nouveau format de petits carrés pour révolutionner le segment des barres chocolatées. 4 biscuits à la queue leu leu avec une pâte sablée croquante et une ganache fondante au chocolat noir. Un produits très gourmand et innovant.

 

Nous devrions également ouvrir 2 nouvelles Bananeraies à Lyon et Bordeaux pour inscrire notre démarche au cœur des villes et faire vivre l’aventure localement ! Nous pourrons ainsi recevoir à Lyon et Bordeaux des visiteurs curieux comme nous le faisons à Boulogne tous les premiers jeudis du mois avec nos portes ouvertes !

 

 

PdA : Quelles sont vos ambitions... vos rêves pour Michel et Augustin ?

 

M. et A. : Nous désirons rendre nos produits plus accessibles en termes de distribution en France et à l’étranger dans les grandes villes. Nous souhaitons également développer des marchés prioritaires en Belgique, en Suisse, en Europe du nord, au Royaume-Uni, au Moyen Orient et en Asie ! L’objectif est de multiplier par cinq le chiffre d’affaires d’ici à 2018.

 

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

 

M. et A. : De poursuivre notre très belle aventure humaine et d’être la marque alimentaire whaou au cœur des grandes villes du monde !

 

 

PdA : Un dernier mot ? Merci infiniment !

 

M. et A. : Boivez des vaches ;)

 

 

Michel et Augustin 4

 

 

Merci à Michel et Augustin pour leurs réponses. Un grand merci, également, à Charlotte Cochaud, pour sa patience, pour sa bienveillance à mon égard, pour nos échanges. Sans elle, rien n'aurait été possible. Et vous, que pensez-vous des produits Michel et Augustin ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

 

Un commentaire, qu'il soit positif ou négatif, est toujours apprécié...

 

Pour en rédiger un, cliquez ici... Merci !

 

 

 

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Vous pouvez retrouver Michel et Augustin...

 

Sur leur site ;

 

Sur Facebook ;

 

Sur Twitter ;

 

Sur cette jolie photo, qui prouve que leur amitié de longue date, ça n'est pas une invention pour la com' ;

 

 

Michel et Augustin 3

 

Et, évidemment... dans le commerce (les produits, pas les trublions) ! ;-)

 

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28 juin 2013

Marc Touati : "Pour être très franc, je suis assez inquiet..."

Son "Dictionnaire terrifiant de la dette", paru en mars 2013 aux Éditions du Moment, vient d'être sélectionné, il obtiendra peut-être le prix du livre économique de l'année. Marc Touati préside le cabinet Aux Commandes de l'Économie et de la Finance (ACDEFI), qu'il a fondé en 2007. Outre cette activité, il intervient régulièrement dans les médias pour livrer ses analyses sur les questions d'actualité qui touchent à ses domaines d'expertise. La France et une bonne partie de l'Europe de 2013 sont les témoins - pas tout à fait extérieurs - de la résurgence de ce drame humain que constitue le chômage de masse. Les niveaux de déficits et d'endettements publics, la faiblesse des perspectives de croissance inquiètent, bien au-delà du continent. Les tout derniers chiffres pour la France, tombés au moment de la rédaction de ce texte, ne sont pas forcément de nature à rassurer... Vous l'aurez compris, Marc Touati a de quoi faire, en ce moment. Il a accepté de répondre à mes questions, s'appuyant en partie sur des tribunes qu'il avait livrées par ailleurs. Un regard éclairant, sans concession sur la situation économique et financière de notre pays. Ses prises de positions, engagées, (voir : sa pétition Sauvez la France) ne feront sans doute pas l'unanimité, c'est aussi une invitation au débat, les commentaires sont là pour cela. Merci. Merci à vous, surtout, Marc Touati. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

MARC TOUATI

Président du cabinet Aux Commandes de l'Économie et de la Finance

Auteur du "Dictionnaire terrifiant de la dette"

 

"Pour être très franc, je suis assez inquiet..."

 

Marc Touati

(Photos fournies à ma demande par Marc Touati)

 

 

Q : 12/04/13

R : 27/06/13

 

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Marc Touati. Depuis cinq ans, la "crise" s'est installée dans nos quotidiens. Je n'en développerai pas l'historique. Quelques points. Un retournement de l'immobilier - prétendument toujours ascendant - provoque une crise aigüe de l'emprunt hypothécaire aux États-Unis. La confection de produits dérivés et leurs échanges facilite sa propagation, comme une traînée de poudre. Une dilution ultra-toxique du risque, risque en partie encouragé par des politiques monétaires contestables et l'action d'organismes publics ou parapublics (garanties, etc...). Certains établissements tombent, d'autres, "too big to fail", "doivent" être sauvés, souvent par l'argent public, également mis à contribution pour sauvegarder la foi dans le système, éviter tant bien que mal de reproduire les erreurs des années 30. Limiter la casse... Cela ne suffit pas pour préserver la confiance dans l'avenir, donnée fondamentale... L'octroi de crédits bancaires se contracte, la frilosité, pour ne pas dire la peur, se généralise. La crise financière américaine devient mondiale (poids de l'Amérique et mondialisation des échanges obligent), économique (diminution de la consommation, de la production, du commerce, explosion du chômage... le cercle vicieux par excellence) et budgétaire (baisse des recettes fiscales et plans de relance conduisant à une explosion de l'endettement public). L'Europe, particulièrement touchée et handicapée par la bancalité des fondations de sa monnaie commune, peine à entrevoir le bout du tunnel... Voilà, pour le tableau, rapide, de la situation. Vous me direz sans doute que la dérive des comptes publics, qui a aggravé la crise en privant le politique de marges de manœuvre et en plombant la croissance, est bien antérieure à 2007-2008, mais nous y reviendrons un peu plus tard.

 

Pour cette première question, j'aimerais vous inviter à nous donner votre sentiment sur les cinq années qui viennent de s'écouler. Quelles leçons l'économiste chevronné que vous êtes tire-t-il de cette "Great recession", de cet enchaînement d'évènements dramatiques qui nous rappellent, sur bien des points, ce que fut la "Great depression" ?

 

Marc Touati : Au moins quatre grands enseignements peuvent être tirés de cette crise historique.

 

Premièrement, le pire n’est jamais certain. Ainsi, en dépit des points de ressemblances, la « great depression » des années 1930 a été évitée. Pourquoi ? Car, deuxième enseignement, la force de notre système économique, voire de l’être humain, réside dans le fait que l’on arrive généralement à tirer les leçons des erreurs passées pour ne pas les rééditer. Ainsi, en 2009, le monde économique a fait l’inverse de celui de 1929. A l’époque, c’était le vrai ultra-libéralisme : on a laissé les banques faire faillite, la Réserve fédérale n’a pas baissé ses taux directeurs au début de la crise et la relance budgétaire n’existait pas. Autrement dit, on a laissé la crise s’installer et devenir une grave dépression. En 2009, les banques ont été sauvées, les banques centrales ont baissé leurs taux directeurs et la relance budgétaire planétaire a atteint 5 000 milliards de dollars.

 

Troisièmement, les crises sont toujours des phases d’opportunités. Celui qui baisse les bras est sûr de perdre, celui qui ose regarder vers l’avenir en investissant et en innovant dispose d’une grande chance de gagner. La preuve ? De nombreuses entreprises sont plus fortes aujourd’hui qu’avant la crise. Et pour cause : elles ont pris les parts de marchés des entreprises qui n’ont pas fait les bons choix stratégiques et ont souvent disparu.

 

Quatrièmement, l’augmentation « bête et méchante » des dépenses publiques n’est pas la recette absolue contre la crise. Il ne faut pas plus d’État mais mieux d’État, la faiblesse de la croissance française en dépit de la forte augmentation des dépenses publiques en est la preuve parfaite.

 

 

PdA : La gestion de l'"après" par les acteurs d'influence (les États, les banques, les institutions internationales, etc...), les décisions qui ont été prises vous rassurent-elles quant à la prévention d'une nouvelle crise de ce type ?

 

M.T. : Si les réactions des États et des institutions internationales au début de la crise ont été bonnes, le cafouillage et les erreurs stratégiques sont malheureusement revenus très rapidement. On peut noter au moins trois grandes erreurs. Primo, la trop forte augmentation de la réglementation bancaire (appelée Bâle III) qui limite l’octroi de crédits aux entreprises. Secundo, le maintien d’un euro trop fort. Tertio, l’exacerbation de la pression fiscale, en particulier dans l’Hexagone. Trois évolutions qui empêchent le retour de la croissance, donc la sortie réelle et définitive de la crise.

 

 

PdA : Nous évoquions tout à l'heure le cas particulier de l'Europe. Plusieurs pays membres de la zone euro ont vécu ces dernières années une dégradation brutale de l'état de leur économie... et de leurs comptes publics. Pour certains d'entre eux, la "crise" a agi comme un révélateur, révélateur de structures économiques pas forcément saines ni durablement soutenables. Qui dit déficits et dettes dit prêteurs. Ceux-ci, souvent institutionnels et étrangers, ont exprimé leur inquiétude s'agissant de la capacité de ces États à les rembourser. Le risque perçu a été intégré, il explique le différentiel constaté dans les taux d'intérêt réclamés, bien plus importants que ceux attachés aux emprunts allemands par exemple, moins onéreux car jugés plus sûrs. Les peuples chypriote, espagnol, grec, irlandais, portugais... n'ont pas fini de payer la facture, elle est écrasante. La solidarité financière joue à plein entre pays de la zone euro, mais ce au prix de cures d'austérité très douloureuses... L'idée : éviter coûte que coûte un défaut de paiement, qui sait quel impact celui-ci pourrait avoir sur l'euro... Combien de sommets de la dernière chance ? On ne les compte plus...

 

M.T. : La rigueur pour la rigueur n’a pas de sens. Si on augmente trop les impôts, on aggrave la récession, donc le chômage flambe encore, les déficits publics s’accroissent et la dette s’envole de plus en plus haut. In fine, la zone euro est menacée jusqu’à son existence même.

 

Sur votre deuxième remarque, effectivement, cela finit vraiment par devenir lassant. Depuis la fin 2009, tous les six à neuf mois, nous avons droit à une nouvelle crise grecque, avec ses faux-semblants, ses dangers et ses « vraies fausses » solutions. À chaque fois, la majorité des économistes et des politiciens bien-pensants se répandent un peu partout pour annoncer que la crise grecque et, par là même, celle de la zone euro sont terminées. Malheureusement, rien n’a jamais été réglé. Bien au contraire. En fait, les dirigeants eurolandais ont simplement posé des gros pansements sur une plaie béante sans la cautériser. Si bien que lorsque le pansement s’effiloche, puis disparaît, la plaie est non seulement toujours là, mais elle s’est, de surcroît, infectée.

 

En effaçant la moitié de la dette grecque détenue par des agents privés, les Européens n’ont fait que gagner du temps. Car, dans la mesure où l’euro est resté trop fort et où rien n’a été mis en œuvre pour soutenir la croissance, la Grèce a continué de sombrer dans la récession et dans le malaise social. Depuis le début de la crise (c’est-à-dire depuis le quatrième trimestre 2007), le PIB hellène a plongé d’environ 30 %. Conséquence logique de ce marasme, le taux de chômage atteint désormais 27 %, et 62,5 % pour les moins de 25 ans.

 

Pour « couronner » le tout, la Grèce s’est engagée dans une crise politique qui rappelle de bien mauvais souvenirs, avec, qui plus est, une extrême gauche qui est toujours à deux doigts de prendre le pouvoir, ainsi qu’un parti néonazi qui est entré au Parlement et a même créé des « milices ». Dès lors, la moindre étincelle, comme la fermeture des médias publics par le gouvernement Samaras il y a deux semaines, réactive un incendie qui n’a en fait jamais été circonscrit.

 

Cela confirme que, sans union politique, la zone euro reste menacée par un pays qui ne représente que 2 % de son PIB.

 

 

PdA : L'erreur, majeure, n'a-t-elle pas été d'aller trop vite dans la constitution du dernier cercle communautaire, celui de la monnaie commune ? Ne fallait-il pas conditionner son intégration à un contrôle a priori bien plus poussé, coupler à sa création celle d'un véritable gouvernement économique ? Intégrer les pays petit à petit, quitte à n'en avoir que trois ou quatre, au départ, le temps de laisser aux autres celui d'assainir leur situation dans des conditions moins violentes... ? Quel est votre avis sur la question ? Comment sortir de ce long cauchemar par le haut, désormais ?

 

M.T. : Il faut arrêter de tourner autour du pot : l’Union Économique et Monétaire ne pourra sortir de la crise de la dette, et plus globalement de sa crise existentielle tant qu’elle ne sera pas une zone monétaire optimale. Cela signifie qu’il existe une parfaite mobilité des capitaux, des entreprises, mais aussi des travailleurs au sein de la zone en question. Pour y parvenir, les pays qui la composent doivent œuvrer à une harmonisation de leurs conditions fiscales, budgétaires et réglementaires, préparer le terrain à un marché du travail unique, sans oublier d’instaurer un budget fédéral conséquent, capable de supprimer les chocs asymétriques au sein de la zone. En d’autres termes, si un des États membres connaît une crise spécifique (que l’on appelle un choc asymétrique), le budget fédéral pourra y remédier directement, annihilant ainsi les risques de contagion à l’ensemble de la zone.

 

Ne l’oublions pas, la création de l’euro n’était qu’une étape visant à donner naissance à une union politique et fédérale. On peut être favorable ou opposé à cette dernière mais si on la refuse, il faut d’ores et déjà savoir que l’UEM finira par exploser, sortant donc de la crise de la dette par le bas, replongeant l’Europe dans un jeu non-coopératif et forcément destructeur.
Comme nous ne cessons de le répéter depuis le début de la crise, les plans de sauvetage de la zone euro ne font que colmater les brèches et continuent d’oublier l’essentiel : la croissance. Tant que l’euro ne passera pas sous les 1,15 dollar pour un euro, que les impôts augmenteront et qu’il n’y aura pas de budget fédéral, la récession perdurera et la crise de la zone euro empirera.

 

Le problème est que les dirigeants eurolandais continuent d’être dogmatiques et de se focaliser sur une faible inflation et une rigueur mal placée. Autrement dit, ils préfèrent « mourir guéri » que vivre avec un peu d’inflation. C’est vraiment dommage.

 

 

PdA : Zoom... sur la France. Dans votre dernier ouvrage, "Le dictionnaire terrifiant de la dette", vous dressez un état sans concession de la situation budgétaire de notre pays, de ses perspectives d'avenir. Quels chiffres, quelles données souhaiteriez-vous que nos lecteurs aient à l'esprit, à ce stade de notre entretien ?

 

M.T. : Lorsque l’on observe l’évolution récente de la dette publique des pays européens et en particulier celle de la France, une question revient souvent : comment en est-on arrivé là ? Autrement dit, comment la dette publique française a-t-elle pu passer de 20 % du PIB en 1980 à 59 % au milieu des années 1990 et à plus de 90,2 % en 2012 ? L’évolution de ce ratio est encore plus inquiétante depuis quelques années : 64,2 % en 2007, 79 % en 2009, 86 % en 2011 et certainement 100 % en 2013. Et encore, par convention comptable, la dette publique française (comme ses homologues européennes d’ailleurs) n’intègre pas le « hors-bilan », c’est-à-dire le paiement des retraites des fonctionnaires. Si tel était le cas, nous serions plutôt autour des 130 % du PIB.

 

En monnaies sonnantes et trébuchantes, le choc est encore plus effroyable. De 92 milliards d’euros en 1980, la dette publique a atteint 515 milliards en 1993, 1 000 milliards en 2003 et sera d’environ 2 000 milliards en 2013 ! Bien sûr, entre-temps, les prix ont également progressé de 172 %. Toujours est-il que de 1980 à 2013, la dette publique française a explosé de 2 073 % en valeur et de 1 901 % en volume (c’est-à-dire sans inflation). De quoi donner le vertige…

 

D’où une question incontournable : comment, en si peu de temps, la France a-t-elle pu passer d’une dette relativement normale à une dette aussi explosive ?

 

La réponse est malheureusement simple. La dette publique n’est que le cumul des déficits publics annuels. Plus ces derniers augmentent, plus la dette flambe. à partir du moment où la croissance économique ne suffit pas à rembourser les intérêts de la dette, alors cette dernière devient cumulative et auto-entretenue. Et encore, il faut noter que, dans son malheur, la France a bénéficié d’un atout incroyable, en l’occurrence des taux d’intérêt bas pour les obligations du Trésor. Lorsque ces derniers remonteront, ce qui se produira inévitablement en 2013, l’écart entre la croissance et la charge d’intérêts de la dette s’agrandira et la bulle de la dette deviendra encore plus explosive. Eh oui ! avec la dette publique, c’est un peu comme avec un célèbre liquide vaisselle jaune : « quand il n’y en a plus, il y en a encore… »

 

Le seul moyen de stopper l’hémorragie puis d’inverser la tendance serait déjà de restaurer une croissance durablement forte et ensuite d’obtenir un excédent des comptes publics. Seulement voilà, la dernière fois que la croissance française a été forte pendant plus de deux ans remonte aux années 1998-2000. Ce « phénomène » relativement court n’a pas permis de retrouver le chemin de l’équilibre budgétaire. C’est bien là que réside le mal principal de la puissance publique française : elle ne sait produire que des déficits sans réussir à relancer la croissance et à faire baisser le chômage. Le dernier excédent des comptes publics remonte à 1974.

 

Aujourd’hui encore, en dépit d’autant d’années de déficits sans croissance et de gaspillage des deniers publics, le gouvernement français n’a aucunement l’intention de renverser la vapeur, même s’il multiplie les efforts marketing pour essayer de faire croire le contraire. Plus grave, la plupart des Français jugent ce comportement normal. Il est donc urgent de réagir. Non, une dette publique de 100 % du PIB n’est pas acceptable ! Non, une croissance économique structurellement inférieure à la charge d’intérêts de la dette publique n’est pas supportable ! Non, il n’est pas sérieux et responsable de laisser encore filer la dépense publique et de se contenter d’augmenter les impôts !

 

Tant que nos dirigeants n’auront pas compris ces éléments de bon sens, la crise de la dette publique enflera. À ce rythme, cette dernière atteindra aisément les 2 500 milliards d’euros en 2017. Dans ces conditions, l’économie française ne connaîtra pas de rebond et les crises sociales et sociétales deviendront notre quotidien.

 

 

PdA : Vous avez lancé il y a quelques jours une pétition, que l'on retrouve sur SauvezLaFrance.com. Le gouvernement y est exhorté à agir à propos du poids de la dette, du niveau des prélèvements obligatoires et de la dépense publique dans notre pays. Si vous deviez attribuer de bons et de mauvais points au pouvoir actuel en matière d'économie et de finance, quel en serait le bilan ?

 

M.T. : La situation économique de la France est de plus en plus catastrophique : la croissance a été nulle au cours des cinq dernières années, la récession est de retour, le chômage flambe et la dette publique devrait atteindre 100 % du PIB d’ici la fin 2013. Pour ne rien arranger, la crise politique qui sévit depuis quelques semaines fait craindre un véritable chaos.

 

Bref, l’heure est grave et il est urgent de réagir. Pourtant, bien loin de prendre le taureau par les cornes et continuant de se voiler la face, le Président Hollande et le gouvernement Ayrault préfèrent le dogmatisme et la méthode Coué. Pis, ils veulent continuer à augmenter la pression fiscale et la dépense publique, qui atteignent déjà des niveaux pléthoriques. Soyons clairs : avec cette double erreur, la récession va encore s’aggraver, le chômage augmenter et la dette publique battre de nouveaux records. Est-ce vraiment cela que nous voulons pour notre douce France ?

 

Certainement pas. C’est pourquoi, il est grand temps de dire STOP ! et d’inverser la tendance. Aussi, devant la dictature du politiquement correct et face à l’omerta économique ambiante, je vous propose de crier tout haut la nécessité d’un véritable changement vers une politique économique plus pragmatique et plus efficace. Celle-ci devra notamment passer par moins d’impôts et moins de dépenses publiques superflues. Une fois que ces deux évolutions auront été engagées, la France pourra retrouver le chemin de la croissance, mais aussi celui de la crédibilité économique et, in fine, sortir par le haut de cette crise qui n’en finit plus.

 

Exigeons donc simplement du gouvernement français qu’il s’engage à abaisser au plus vite le poids des impôts et des dépenses publiques dans le PIB vers le niveau moyen qui prévaut dans la zone euro, en l’occurrence 41 % et 49 %, contre actuellement 46 % et 57 % dans l’Hexagone (estimations 2013). Ces poids sont devenus insupportables et ruinent l’avenir de la France.

 

Alors disons Non ! au dogmatisme et Oui ! au retour de la croissance dans notre beau pays. Signons donc la pétition pour que, d’ici 2017, en France, le poids des dépenses publiques dans le PIB passe de 57 % à 49 % et celui des prélèvements obligatoires reculent de 46 % à 41 % !

 

 

PdA : Quand vous songez à notre pays, à notre continent, là tout de suite, quand vous pensez à leur avenir, le sentiment qui prédomine, c'est plutôt l'optimisme ou le pessimisme ?

  

M.T. : Pour être très franc, je suis assez inquiet, car cela fait quinze que j’essaie de convaincre les dirigeants français de faire les réformes qui s’imposent, mais ils refusent systématiquement, préférant le dogmatisme et pensant surtout à leur réélection. C’est vraiment triste.

 

 

PdA : Imaginons un instant que le président de la République, ou le Premier ministre, peu importe, décide demain de vous confier, sur la base de votre expertise et de votre expérience sur ces questions, une mission. La rédaction d'un rapport destiné à être suivi d'actes. Son objet ? "La régénération durable et prospective de l'économie et l'assainissement structurel des finances publiques de la France". Quelles seraient vos recommandations ?

 

M.T. : Les rapports ne servent à rien. Ils finissent tous dans les oubliettes de la République. Les mesures structurelles à prendre sont simples, je les ai évoquées dans la pétition SauvezLaFrance.com ou encore dans « Le dictionnaire terrifiant de la dette ». Après, il faut simplement avoir du courage politique.

 

 

PdA : La dernière question, en fait une tribune libre. Pour conclure comme vous le désirerez notre entretien. Merci !

 

M.T. : Je terminerai en enfonçant le clou sur la dépense publique. Certes, un pays développé comme la France a besoin d’un État fort et de dépenses publiques importantes. Ces dernières doivent effectivement permettre d’assurer la sécurité du pays, de ses citoyens, de mettre en place une justice efficace, un système éducatif performant, le tout en garantissant une croissance économique durablement forte, un chômage faible, une réduction de la pauvreté et des inégalités. Si la dépense publique parvient à tout cela, alors oui, elle est non seulement justifiée, mais également indispensable.

 

Relevons-nous ce défi aujourd’hui dans l’Hexagone ? Sans vouloir jouer les Cassandre, nous en sommes loin. Certes, nos infrastructures routières, ferroviaires, portuaires et aériennes sont exceptionnelles. Certes, l’école est gratuite, du moins jusqu’au Bac. Certes, le système de santé est plutôt performant.

 

Toutefois, depuis dix ans et a fortiori depuis cinq ans, nos « performances » économiques et sociales ont été déplorables. La croissance française n’a jamais été aussi faible. Le taux de chômage ne cesse de croître. La sécurité intérieure laisse de plus en plus à désirer. L’ascenseur social est bloqué au rez-de-chaussée depuis des années. L’égalité des chances à l’école et devant la maladie est loin d’être assurée. Le nombre de Bac +5 sans emploi devient affolant… Autant de piètres résultats malgré une débauche de moyens publics impressionnants. Ainsi, le poids de nos dépenses publiques dans le PIB atteint 56,3 % en 2012 (certainement plus de 57 % en 2013), contre 52,6 % en 2007. À l’exception du Danemark (avec un niveau de 58 %), aucun pays européen n’arrive à un tel sommet.

 

Loin de ces niveaux, la part des dépenses publiques dans le PIB atteint 49,3 % pour l’ensemble de la zone euro, 44,9 % en Allemagne, 42,7 % en Espagne. Même la Grèce a réduit la voilure, avec un niveau de 50 % en 2012, contre 54 % en 2009. Au niveau mondial, sur les 188 pays recensés par le FMI, seuls quatre font « mieux » que le Danemark et la France : l’Irak, les îles Kiribati, le Lesotho et la Monarchie des Tuvalu…

 

Bref, la France est bien le seul grand pays de la planète à s’engager dans une augmentation maladive de ses dépenses publiques et ce, sans parvenir à améliorer sa croissance. De la sorte, elle enregistre un déficit permanent, qui accroît continuellement la dette publique. Il est grand temps d’arrêter les dégâts.

 

 

Le dictionnaire terrifiant de la dette

 

 

Merci encore, Marc Touati. Bonne chance pour l'obtention du prix du livre économique de l'année pour votre "Dictionnaire terrifiant de la dette" ! Et vous, quel regard portez-vous sur la situation économique et financière de notre pays ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

 

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Vous pouvez retrouver Marc Touati...

 

Sur le site du cabinet Aux Commandes De l'Économie et de la Finance (ACDEFI) ;

 

Sur le site de sa pétition, Sauvez la France.

 

En librairie pour son "Dictionnaire terrifiant de la dette" ;

 

...et bien sûr, régulièrement dans les médias.

 

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31 mai 2013

Guillaume Serina : "Le rêve américain existe encore"

Cinq ans après sa première élection, quatre mois après sa seconde et dernière investiture à la présidence des États-Unis, quel regard, moins passionné, plus posé, peut-on porter sur Barack Obama, son bilan, les perspectives de sa fin de mandat ? À l'occasion de l'élection présidentielle de 2012, j'avais réalisé deux dossiers, l'un en 2011, l'autre au moment du scrutin. L'idée : donner la parole à des Américains d'horizons divers, sans préjugé. Je suis heureux d'accueillir aujourd'hui dans les colonnes de Paroles d'Actu Guillaume Serina, journaliste français établi à Los Angeles depuis sept ans. Spécialiste des États-Unis, il a fondé en 2007 l'agence de presse France USA Media et est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont le récent "Obama face aux neuf plaies de l'Amérique". Il a accepté de répondre à mes questions, de nous parler de l'Amérique et de nous faire partager "la sienne". Je l'en remercie. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

GUILLAUME SERINA

Fondateur et P.-D.G. de l'agence France USA Media

 

"Le rêve américain existe encore"

 

Guillaume Serina

(La photo de Guillaume Serina est signée Gilles Mingasson. Celles de L.A.,

envoyées à ma demande par G. Serina, ont été réalisées par France USA Media, Inc.)

 

 

Q : 18/05/13

R : 28/05/13

 

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Guillaume Serina. Il y a six mois et demi, Barack Obama était réélu à la présidence des États-Unis. Que peut-on attendre de son second mandat, débuté le 20 janvier ?

 

Guillaume Serina : Bonjour. Comme souvent, on attend l'impossible de la part de nos leaders. Lorsqu'Obama a pris ses fonctions en janvier 2009, il a dû faire face à la plus grave crise économique depuis la Grande Dépression, deux guerres coûteuses qui étaient encore en cours, et bien d'autres dossiers brûlants. Malgré les déconvenues prévisibles (le fameux message de l'Espoir) et l'échec aux élections législatives de 2010, il a été facilement réélu. Cette fois-ci, les enjeux sont sensiblement différents. Obama est d'abord attendu au tournant sur le chômage et la croissance. Il a également annoncé de grandes réformes sur l'immigration et sans doute une loi sur le réchauffement climatique. En politique étrangère, il devrait s'impliquer davantage, au cours de ce mandat, dans le dossier israélo-palestinien. La relation avec le Pakistan est aussi une priorité.

 

 

PdA : En novembre 2008, la charge symbolique, émotionnelle de son élection est, à juste titre, exceptionnelle. L'"Obamania", un phénomène mondial... Beaucoup d'espoirs... et pas mal d'illusions. Barack Obama est président des États-Unis... Avec le recul dont nous disposons aujourd'hui, quel regard portez-vous sur l'homme, le président Obama ? 

 

G.S. : J'avais eu le privilège de couvrir sa campagne de 2008, et j'ai pu observer "l'animal politique" de près. J'ai vu l'espoir se lever, j'ai rencontré des dizaines d'électeurs républicains qui avaient décidé de voter pour lui. Cette popularité, bizarrement, n'est jamais vraiment retombée. Dans les enquêtes d'opinion, on peut condamner sa politique, mais sa personne demeure assez populaire.

 

Quatre ans sous cette pression ont changé l'homme. Il reste le politique centriste et pragmatique qu'il a toujours été dans sa carrière (il n'a jamais été un ardent progressiste, contrairement aux idées reçues), mais il a paru parfois en retrait sur certains événements. Mais globalement, mon regard est assez indulgent : son bilan est loin d'être négatif et au regard des circonstances exceptionnelles, c'est une prouesse.

 

 

PdA :  Le Congrès américain a pu donner ces dernières années, à diverses reprises - je pense au relèvement du plafond de la dette, à la législation sur le contrôle des armes... -, le sentiment d'être le théâtre de clivages très partisans, comme si l'esprit de consensus avait déserté le Capitol Hill. Cette situation à Washington est-elle le reflet de divisions profondes au sein du peuple américain ? La "maison" est-elle réellement divisée sur l'essentiel ?

 

G.S. : Non. Je ne suis pas d'accord avec cette interprétation. Les médias donnent cette impression. Washington, et en particulier le Congrès, sont en effet "polarisés". Mais, en sillonnant régulièrement l'Amérique, je constate que les Américains sont plutôt d'accord sur l'essentiel. C'est un peuple qui veut voir le compromis à l'oeuvre. Lorsqu'on regarde les grands sondages sur les questions-clés, les majorités se dégagent facilement : immigration, énergie, économie, avortement, etc… Le peuple est moins divisé que Washington, c'est certain.

 

 

PdA : Barack Obama a été élu en plein cyclone financier et économique. Les années 90 ont été celles du leadership incontesté, celles de l'"hyperpuissance". La décennie 2000 s'est ouverte avec la tragédie du 11 septembre, elle s'est refermée avec Lehman Brothers, et ses suites dramatiques. Une Amérique devenue fébrile, en proie aux doutes sur fond d'avenir incertain, d'émergence de nouveaux géants. Qu'est-ce qui, fondamentalement, a changé dans les esprits outre-Atlantique ?

 

G.S. : Le changement majeur, c'est le chômage de masse et durable. Autant le marché de l'immobilier, la production, reprennent. Autant, pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, des millions d'Américains peinent à retrouver du travail. L'anxiété, les conséquences sociale dramatiques du chômage de longue durée : la différence, elle est là.

 

 

PdA : Quels sont les défis majeurs auxquels l'Amérique devra faire face sur les vingt-cinq années à venir ?

 

G.S. : Ils sont multiples et je les ai listé et étudié un à un dans mon dernier livre, "Obama face aux neuf plaies de l'Amérique" (à découvrir ici, ndlr). Parmi les défis de fond, je place la pauvreté et l'éducation en numéro 1. Le défi énergétique est crucial également. Plus globalement, l'Amérique doit apprendre à faire avec un monde plus compétitif et comprendre qu'elle ne peut peut-être plus défendre ses intérêts partout dans le monde en même temps. Les États-Unis resteront une grande puissance mondiale dans les décennies à venir, mais ils devront "gérer" différemment. Obama l'a compris, je crois.

 

 

PdA : Abordons maintenant deux ou trois sujets un peu plus légers, peut-être plus personnels... D'où vous vient votre passion pour les États-Unis ?

 

G.S. : J'avais 15 ans lors de mon premier séjour (linguistique) aux États-Unis. J'ai vite été fasciné, positivement et négativement. J'ai ensuite fait des études d'Histoire d'Amérique du Nord à l'université, alors que je démarrais en même temps ma carrière de journaliste. Devenir correspondant aux États-Unis est devenu une envie naturelle, alimentée par des fréquents séjours.

 

 

PdA : Voulez-vous nous présenter les activités de votre agence de presse France USA Media ? (31/05)

 

G.S. : Nous vendons du contenu sur l'actualité américaine aux médias français et francophones : articles pour la presse écrite, reportages vidéo ou fixing pour la télévision. Nous avons par exemple récemment travaillé sur l'émission Capital Terre ou le dernier Faut Pas Rêver dans le Sud américain. Niveau journaux ou magazines, nos récentes publications ont été dans Géo, Le Parisien Magazine et prochainement dans M, le Magazine du Monde. Nous éditions aussi notre propre journal en ligne, Le Ben Franklin Post et produisons l'émission "Chroniques d'Hollywood". Tout cela ne serait pas possible sans la super équipe de collaborateurs un peu partout aux Etats-Unis. Nous avons des correspondants à New York, Washington, Chicago, Austin, San Francisco, et bien sûr L.A. (31/05)

 

 

LA 1

 

 

PdA : Quels grands moments avez-vous vécu avec votre équipe jusqu'à présent ? (31/05)

 

G.S. : En sept ans de travail aux États-Unis, je retiens comme grand moment l'élection d'Obama, bien entendu. J'avais la chance d'être à Chicago le soir de sa victoire, puis à Washington lors de sa prestation de serment. Mais je retiens aussi mes reportages sur la crise - des rencontres humaines fortes, ou encore mes entretiens avec Clint Eastwood, Leonardo di Caprio ou encore Madonna. Ce métier offre tellement de diversité ! Je suis très chanceux. (31/05)

 

 

PdA : Quels sont, parmi les clichés très réducteurs que les Français peuvent avoir à propos des Américains, ceux auxquels vous aimeriez tordre le cou pour de bon (on peut rêver !) à l'occasion de cet interview ?

 

G.S. : "Les Américains sont idiots". Combien de fois l'ai-je entendu ?! Sous-entendu, ils n'ont pas de culture, sont bêtes, etc. C'est une généralisation tellement réductrice... Au contraire, je trouve que, collectivement, les Américains sont un grand peuple. Mais c'est un peuple extrêmement divers, avec une multitude de micro-cultures. Il faut prendre le temps de le comprendre.

 

 

PdA : Parlez-nous de "votre" Amérique, celle que vous aimez ? Les visites inratables, les petites adresses remarquables que vous conseilleriez à nos lecteurs ? 

 

G.S. : Vaste question. Je vis à Los Angeles depuis sept ans et cette ville n'est que rarement appréciée par les Français. Car c'est très grand, sans réel centre-ville, et ils ne savent pas où aller lorsqu'ils y viennent en vacances. Mais il faut se laisser envoûter par L.A., accepter sa domination sur vous et avoir envie de la découvrir. Je suis totalement passionné par cette ville. Parmi les autres villes, je placerai Chicago en tête de liste - une ville pleine d'histoire et de charme. J'adore également les Texans, parmi les plus généreux qui soient (et contrairement aux idées reçues).

 

 

PdA : Dans vos ouvrages, dans vos différentes interviews, vous affirmez croire toujours dans le "rêve américain". Pourquoi ?

 

G.S. : Ce n'est pas moi qui le dis, mais les personnes que j'ai rencontrées. Que ce soit des économistes, des hommes politiques, des responsables d'associations ou les "gens de la rue". Même des gens qui ont récemment connu des moments très difficiles continuent d'y croire. Selon moi, ce rêve américain est sans doute beaucoup moins approchable qu'il y a une ou deux décennies, mais il existe encore en effet. Cette volonté de réussir, cette énergie positive, le permettent. Mais le cauchemar américain existe également.

 

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter pour la suite, Guillaume Serina ?

 

G.S. : Mon livre est nominé pour le meilleur essai de l'année aux 55èmes Prix du journalisme de Californie du Sud (55th SoCal Journalism Awards) le mois prochain : ça serait incroyable de gagner ! Mais, plus important, je continue à oeuvrer au développement de mon agence de presse France USA Media.

 

 

PdA : Quelque chose à ajouter ? Merci infiniment !

 

G.S. : Non. C'est moi qui vous remercie.

 

 

LA 2

 

 

Merci encore, cher Guillaume Serina, pour vos réponses. Je croise les doigts pour votre succès lors des 55èmes SoCal Journalism Awards ! Et vous, quel regard portez-vous sur l'Amérique d'aujourd'hui ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

 

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23 février 2013

Pierre-Jean Baillot : "Profondément optimiste !"

Mon stage de fin d'études, j'ai eu le privilège de le réaliser au sein de l'association Entreprise Rhône-Alpes International, auprès de son président, Monsieur Daniel Gouffé, et en contact permanent avec l'ensemble de ses équipes, en France comme à l'étranger. Une expérience enrichissante, qui m'a permis de vivre au quotidien le défi de l'international, tellement crucial pour la bonne santé économique de nos entreprises et de nos territoires. L'association soutient le développement des petites et moyennes entreprises rhônalpines, les aidant notamment à tenter l'aventure de l'export. Elle met en avant les richesses de la région pour inciter les investisseurs étrangers à s'y implanter. Elle favorise les rencontres, les interactions entre les différents acteurs en vue de l'émergence de pôles d'excellence. Trois grands axes qui constituent autant de clés pour le renforcement et la redynamisation de notre économie. Après Pierre-Alain Weill et le sénateur Jean Besson, Pierre-Jean Baillot, Directeur général adjoint d'ERAI, a accepté de répondre à mes questions. Je l'en remercie à nouveau, très chaleureusement. Les Français tendraient à redouter la mondialisation, plusieurs sondages l'indiquent, et l'actualité récente n'est pas pour arranger les choses... À cette vision, Pierre-Jean Baillot souhaite opposer la sienne. À contre-courant, elle est résolument optimiste. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

PIERRE-JEAN BAILLOT

Directeur général adjoint d'ERAI

 

"Profondément optimiste !"

 

Pierre-Jean Baillot

(Photo fournie par Pierre-Jean Baillot)

 

 

Q : 16/11/12

R : 22/02/13

 

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Pierre-Jean Baillot. Qu'aimeriez-vous que nos lecteurs aient à l'esprit vous concernant avant d'aller plus loin ?

 

Pierre-Jean Baillot : Nous sommes certes dans un contexte économique difficile, mais le pessimisme n’a jamais porté haut les couleurs de la réussite. Alors, oui soyons réalistes et conscients des difficultés pour mieux les surmonter, mais surtout soyons prêts à rêver, à entreprendre, à s’ouvrir au monde… car c’est à la découverte de nouveaux horizons que bien souvent de nouvelles opportunités apparaissent. 

 

 

PdA : Racontez-nous votre parcours. Comment votre chemin a-t-il croisé celui de l'agence Entreprise Rhône-Alpes International ?

 

P.-J.B. : Un début de carrière dans la banque (Banque Française du Commerce Extérieur, une banque régionale) et des synergies avec les équipes d’ERAI qui, à l’époque, m’avaient -car dossiers professionnels partagés- proposé de les rejoindre.

 

En fil rouge, et constamment : le partage de la passion de l’international !

 

 

PdA : Parlez-nous des grandes missions d'ERAI. De son bilan...

 

P.-J.B. : ERAI (Entreprise Rhône-Alpes International), créée en 1987, est l’agence pour le développement économique de la Région Rhône-Alpes à l’international.

 

150 collaborateurs sont mobilisés quotidiennement en région et dans 27 implantations à l’étranger pour aider les PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire, ndlr) rhônalpines à se développer à l’export et en parallèle, pour promouvoir auprès des investisseurs internationaux les compétences, réseaux et atouts de la région. Conjuguant ces savoir-faire complémentaires, ERAI dispose également d’une expertise reconnue en matière de conseil en financements internationaux et joue un rôle important dans l’internationalisation des « clusters » et des pôles de compétitivité présents sur le territoire, ce qui lui permet de proposer un accompagnement global qui intègre l’ensemble des composantes liées au développement export d’une entreprise.

 

Depuis juin 2011, ERAI est membre fondateur de L’équipe Rhône-Alpes de l’export qui réunit l’Etat, la Région Rhône-Alpes, la Chambre de Commerce et d’Industrie de région Rhône-Alpes et UBIFRANCE autour d’une stratégie commune et partagée pour un meilleur accompagnement des entreprises à l’international. Cette nouvelle dynamique porte ses fruits, notamment dans le rapprochement opérationnel entre ERAI et UBIFRANCE tant en France que dans tous les pays où nous sommes conjointement présents. Nous avons créé en  juin dernier un service commun le « VIE – IMPLANTIS » qui permet de mutualiser les ressources des deux structures au profit des entreprises qui souhaitent disposer d’une force commerciale à l’étranger encadrée dans les incubateurs Implantis® d’ERAI.

 

Autre axe fort sur lequel nous travaillons depuis plus de 20 ans : la Chine. ERAI gère et anime l’Espace Rhône-Alpes à Shanghai, seul et unique pavillon français pérennisé suite à l’Exposition Universelle de 2010. Situé au cœur de la nouvelle zone d’affaires de la plus grande mégalopole d’Asie du Sud Est, ce  bâtiment est dédié au développement des entreprises et acteurs économiques français en République Populaire de Chine.

 

En termes de chiffres clés, ERAI c’est chaque année plus de 3 500 chefs d’entreprises rhônalpins rencontrés, près de 800 prestations individuelles à l’export réalisées par nos implantations à l’étranger, plus de 350 entreprises conseillées en matière de financements internationaux, plus de 3 800 décideurs étrangers rencontrés en direct, ce qui nous permet in fine de générer environ 25 000 contacts d’affaires dans le monde.

 

 

PdA : Quel y est votre rôle actuellement ? À quoi votre quotidien ressemble-t-il ?

 

P.-J.B. : Je suis Directeur Général Adjoint. Comme ma fonction le précise, j’accompagne le Président et le Directeur Général d’ERAI dans la mise en place et le développement de la stratégie, dans le suivi de nos objectifs et de nos équipes en France comme à l’international. Je suis très souvent sur le terrain aux côtés de nos partenaires économiques, consulaires, clusters ou pôles de compétitivité. Notre métier est un métier de relations humaines, de réseau, de maillage comme diraient nos amis québécois.

 

Je ne peux pas parler de quotidien car si une chose est vraie concernant l’international, c’est que le quotidien n’existe pas, chaque jour est différent, il faut savoir être réactif, sinon même proactif, il faut savoir s’adapter. Il faut surtout aimer ce qu’on fait, et je peux dire que l’international est inscrit dans mon ADN, c’est donc pour moi une évidence.

 

 

PdA : Le but premier de l'agence, c'est d'aider les entreprises rhônalpines à franchir le cap de l'international. Le mur de l'export franchi, ce sont de nouveaux débouchés qui s'offrent à elles, donc une solidité accrue et un développement favorisé (emploi, etc...). Vous avez rencontré de nombreux chefs de petites, voire de très petites entreprises. Quels sont les "points de blocage" qui reviennent souvent chez eux ?

 

P.-J.B. : La capacité à investir sur le moyen – long terme par manque de financement, souvent le manque de ressources humaines internes permettant de suivre le développement export… d’où l’intérêt pour ces TPE de pouvoir s’appuyer sur des organismes tel qu’ERAI pour les accompagner tout au long de leur projet export, de la recherche de financement à l’implantation.

 

Le plus compliqué dans l’international est de passer le cap du « one shot », nombreuses sont les entreprises qui font une belle opération mais qui ont ensuite du mal à pérenniser leur présence et accroître considérablement leurs ventes à l’export… Là aussi, les organismes régionaux ont un rôle à jouer dans les solutions proposées. Les incubateurs IMPLANTIS® mis en place par ERAI à l’étranger depuis près de 20 ans proposent un package clé en main « recrutement, hébergement, encadrement » ce qui permet à l’entreprise de pouvoir assurer sa présence sur le marché dans un cadre sécurisé et optimisé.

 

Dernièrement nous avons développé avec UBIFRANCE une nouvelle offre le « VIE – IMPLANTIS » qui combine le programme VIE et les services d’IMPLANTIS® et permet à l’entreprise de disposer pour un coût optimisé d’une force commerciale encadrée et hébergée à l’étranger.

 

 

PdA : Quel message souhaiteriez-vous adresser au "petit" entrepreneur - pas forcément rhônalpin - qui lirait cet entretien ? Avec, en toile de fond pour lui, une frilosité liée à une inquiétude quant à son avenir, la survie de sa boîte ?

 

P.-J.B. : Le contexte actuel, porté par un marasme ambiant, est forcément difficile. Nous nous rendons bien compte au contact des entreprises au quotidien que les chefs d’entreprises sont inquiets quant à l’avenir économique du pays, et donc par répercussion de leur entreprise. Sans avoir la prétention de penser que l’international peut tout régler, je suis en revanche persuadé que l’international peut, pour certaines entreprises, en fonction de leurs produits ou process, s’avérer une solution porteuse de croissance et donc d’une nouvelle dynamique.

 

 

PdA : Question liée. Vous faites partie - je le dis sans malice, vous avez travaillé dur pour cela - d'une certaine élite ayant embrassé, consciente de ses bienfaits, la mondialisation. Nombre de nos concitoyens n'ont pas à l'esprit ses aspects positifs, et c'est bien légitime. Ce qu'ils en perçoivent immédiatement, ce sont surtout les menaces. Menaces sur l'emploi, menaces sur le niveau des salaires du fait d'une concurrence internationale féroce... Ce sont des craintes que vous comprenez ? Vos visions sont-elles conciliables ?

 

P.-J.B. : La concurrence a toujours fait peur, alors qu’elle doit être selon moi stimulante et permettre de grandir.

 

Le spectre de la mondialisation est à mon sens dépassé. Je comprends les craintes de nos concitoyens, mais je vois sur le terrain les bienfaits d’une ouverture à l’international. L’entreprise qui, sur le marché français, voit ses parts de marché stagner, peut par la mise en place d’une stratégie export aborder des marchés qui lui permettront de générer un chiffres d’affaires qui lui permettra de ré-investir dans son outil de production, de maintenir, voire de créer de nouveaux emplois.

 

Il en va de même quant au spectre de l’investisseur étranger qui s’implante sur le territoire, et même si certains derniers exemples nous prouvent le contraire, nombreux sont les investisseurs qui par leur implantation ont permis à une entreprise d’être sauvegardée, à des emplois d’être créés….

 

Le but in fine de notre action est bien de créer des richesses, de la croissance et des emplois et absolument pas de fragiliser un territoire et ses entreprises. Sans international, il est difficile d’envisager un développement pérenne et croissant de l’entreprise.

 

 

PdA : Louis Gallois a remis il y a peu son rapport sur la compétitivité française au Premier ministre. Imaginons un instant que, sur la base de votre expérience en matière d'entreprises et d'économie mondialisée, le gouvernement vous demande d'en rédiger un avec pour objectifs le renforcement de notre tissu industriel et une présence accrue sur les marchés émergents. Quelles seraient vos recommandations ?

 

P.-J.B. : Déjà, je ne pense pas, très humblement, avoir les talents de Monsieur Gallois. Je peux sincèrement dire que je partage nombre de ses idées. C’est ensemble, tous réunis, que nous serons plus performants, c’est pourquoi nous proposons aux entreprises de travailler sous forme de consortium ou de missions collectives à l’étranger. Le financement des entreprises dans leur projet de développement est également essentiel et peut leur permettre de passer le cap nécessaire.

 

 

PdA : L'orientation générale de la politique impulsée depuis plusieurs mois par le président de la République, François Hollande, vous paraît-elle aller dans le bon sens s'agissant d'un retour à une bonne santé économique et financière de la France (pour ne parler que d'elle) ?

 

P.-J.B. : Oui, sans retenue !

 

Mais nous ne sommes pas seuls, il ne s’agit pas uniquement de la France, mais aussi et surtout d’une dimension englobant désormais l’approche européenne.

 

 

PdA : Des taux de chômage très élevés. Des taux de croissance en berne, notamment dans les pays que l'on qualifiait jadis d'"industrialisés". Des États hyper-endettés, condamnés à mener des politiques d'austérité néfastes pour la croissance immédiate. L'inquiétude, en tout cas l'absence d'optimisme - nous parlions tout à l'heure de frilosité - chez les différents acteurs, avec au final une paralysie des financements, des investissements, de la consommation, des échanges... La crise... une réalité omniprésente aujourd'hui. Elle frappe depuis cinq ans de larges pans du monde. Quel regard portez-vous sur cette situation ? Avez-vous réellement perçu, depuis la fin 2008 en particulier, une modification du climat des affaires, en France comme à l'étranger ?

 

P.-J.B. : Oui comme nous l’avons déjà observé, la situation est complexe, mais nous faisons aussi face à de nombreuses opportunités. En sortant des pré-carrés des pays industrialisés, en allant sur les pays émergents voire très émergents, de nombreuses places sont encore à prendre, et c’est aujourd’hui que les entreprises doivent se positionner.

 

 

PdA : Vous avez "vu du pays", si je puis dire, depuis votre arrivée à ERAI. Quels sont les visages, les lieux, les instants qui vous ont particulièrement marqué jusqu'ici ? Ceux dont vous vous souviendrez sans doute pendant longtemps ?

 

P.-J.B. : Je crois que chaque pays, chaque rencontre peut être marquant, du moment qu’on y prête attention, qu’on prend le temps d’écouter, de voir, de ressentir… Il m’est impossible de faire un choix, mais comment ne pas parler de l’Exposition Universelle à Shanghai, un événement hors normes dans une mégapole aux mille visages, à la réalité surprenante, à l’efficacité déroutante et à l’accueil sincèrement touchant. Je garde avec la Chine un lien particulier, c’est un pays qui s’ouvre de plus et plus, culturellement comme économiquement, je crois que nous avons encore de beaux projets à mener sur place. Plus près de nous, le Maghreb, et plus particulièrement le Maroc : là aussi un lien particulier, un attachement fort car dynamisme et optimisme sont liés. Tous les pays en fait m’ont marqué car tous sont porteurs de découvertes et de remise en question. 

 

 

PdA : Quelles sont les grandes leçons que vous avez tirées à titre personnel de ces voyages dans tant de pays différents ? Sur les différences au niveau du business, comme peut-être sur la façon de voir la vie ? Qu'aimeriez-vous nous transmettre ?

 

P.-J.B. : Travailler à l’international, c’est avant toute chose bannir les a priori, c’est être en mesure de recevoir et d’apprendre dans chaque rencontre faite. L’interculturel n’est pas un vain mot, les différences culturelles sont à prendre en compte dans la manière d’aborder le milieu des affaires de chaque pays. Vous n’allez pas négocier en Chine comme au Japon, même si ces deux pays sont sur le continent asiatique. Il en va de même au Canada, avec toute la spécificité du Québec, qui se distingue des États-Unis.

 

 

PdA : La découverte d'autrui permet sans nul doute de porter un jugement plus lucide sur sa propre situation. Quel est celui que vous portez sur la France ? Sur ses faiblesses ? Sur ses forces ? Sur son avenir ?

 

P.-J.B. : La France est un formidable pays. Ce sont les Français qui en ont une mauvais image, mais je peux vous dire que la France fait rêver de nombreux étrangers. Nous avons certes quelques points en notre défaveur, comme la complexité administrative, mais c’est aussi le cas du Brésil par exemple… Notre cadre de vie est envié par beaucoup et la capacité d’innover de nos entreprises recherchée. C’est à nous tous de travailler en faveur de l’image de la France.

 

 

PdA : Qu'est-ce qui fait l'importance d'une structure comme ERAI pour notre économie ? Pourquoi d'autres collectivités territoriales auraient-elles intérêt à s'inspirer de son modèle ?

 

P.-J.B. : ERAI est sur le terrain aux côtés des entreprises depuis plus de 25 ans, nous connaissons notre métier, nous nous sommes implantés à l’étranger dès l’ouverture des marchés européens.

 

La force d’une structure comme la nôtre est sa capacité à anticiper, s’adapter, avancer avec et pour les entreprises. C’est une équipe jeune, soudée autour d’une stratégie partagée et d’objectifs ambitieux.

 

 

PdA : Nous avons énormément parlé d'économie, de sujets finalement assez lourds... Je vous propose, si cela vous dit, de parler un peu de vous. Qu'est-ce qui, en dehors de vos heures de travail, vous détend, vous permet de vous ressourcer ?

 

P.-J.B. : C’est très simple : je suis profondément un homme des montagnes !!! J’aime pouvoir retrouver mes alpages le week-end venu, entre randonnée, ski et ….bon(s) repas entre amis.

 

 

PdA : Souhaiteriez-vous adresser un message à quelqu'un en particulier ?

 

P.-J.B. : Pas une mais quelques unes -rares !- : celles qui m’ont fait confiance et qui m’ont aidé à avancer.

 

Ces personnes en particulier me sont chères... très chères !

 

 

PdA : Un message pour nos lecteurs ?

 

P.-J.B. : Deux messages valables à mon sens, tant d’un point de vue personnel que professionnel : Oser prendre des risques et S’ouvrir aux autres.

 

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter, Pierre-Jean Baillot ?

 

P.-J.B. : Continuer à voir le monde sous un œil -bleu et pétillant aussi longtemps que possible !- profondément optimiste ! 

 

 

PdA : Un dernier mot ? (Pour approfondir une question traitée précédemment ou parler d'autre chose...) Merci infiniment !

 

P.-J.B. : Il n’est d’aventure que partagée et collective.

 

 

 

Encore merci, cher Pierre-Jean Baillot, pour votre bonne humeur, pour votre message résolument positif. Phil Defer

 

 

 

Un commentaire, qu'il soit positif ou négatif, est toujours apprécié...

 

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20 février 2013

Julien Diez : "L'erreur de l'UMP est historique"

Le 12 février, l'Assemblée nationale adoptait en première lecture le projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples homosexuels. Une première victoire tangible pour ses partisans, après des semaines de débats intenses, pas toujours de haute tenue de part et d'autre... Le clivage sur cette question de société se fait - pour faire très simple - entre "progressistes" et "conservateurs", tous étant persuadés, souvent de bonne foi, d'être dans le vrai s'agissant de défendre la famille, de protéger l'enfant. 329 voix pour. 229 voix contre. La majorité parlementaire a globalement fait bloc autour du "oui", l'opposition a largement défendu le "non". Seuls deux députés UMP ont voté le texte. Après l'interview de Frédéric Gal, directeur général du Refuge, après celle de Pierre-Henri Bovis, voici Julien Diez. Il est membre du bureau politique de GayLib, une association associée à l'UMP. À l'heure de nos premiers contacts, au mois de décembre, il est conseiller national auprès du parti. Mais ça, c'était avant... Merci à Julien Diez pour ses réponses à coeur ouvert ! Bonne lecture. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

JULIEN DIEZ

Membre du bureau politique de GayLib

Ex-conseiller national de l'UMP

 

"L'erreur de l'UMP est historique"

 

Julien Diez

(Photos fournies par Julien Diez)

 

 

Q : 09/02/13

R : 14/02/13

 

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Julien Diez. Qu'aimeriez-vous que nos lecteurs sachent à votre sujet avant d'aller plus loin ?

 

Julien Diez : La question me paraît piège. Disons que j'ai pour blason un triptyque de valeurs : la Disponibilité, l'Enthousiasme et l'Endurance. Je suis disponible pour tous les échanges, tous les débats. Je vis mon travail d'artiste et mes actions militantes avec un enthousiasme qui rend les choses bien plus faciles. Et je n'ai pas pour habitude de m'essouffler quand une chose me tient à coeur...

 

 

PdA : Lors de notre premier échange, au mois de décembre, vous êtes conseiller national de l'UMP, en charge des sujets de société et de l'économie créative... Qu'est-ce qui vous a poussé à vous engager de la sorte ?

 

J.D. : Je tiens à apporter une précision : les conseillers nationaux n'ont pas de charges précises. Ils peuvent être spécialisés dans certaines questions, certains aspects, mais ils ne sont pas "en charge de...".

 

Précisions à part, mon engagement libéral et humaniste, dans sa forme actuelle, a pris source lors de mes études aux beaux-arts de Londres en 2006-2007. La situation sociale de certains Londoniens, l'état des services de santé, le communautarisme à la carte... ont fini de m'ouvrir les yeux sur les valeurs et la grandeur du modèle républicain français.

 

En rentrant en France, je ne pouvais pas occulter la prise de conscience qui avait été la mienne en Grande-Bretagne. Artiste de métier, l'engagement, le partage, la communication, l'échange font partie de ma vie. Le déplacement de cet engagement vers un engagement politique et militant s'est fait assez naturellement. Aujourd'hui, je ne puis même plus parler de glissement tant l'action d'artiste et l'action politique sont pour moi forgées dans une même démarche.

 

 

PdA : En parallèle, vous êtes membre du bureau politique de GayLib, un mouvement alors associé à l'UMP et qui, d'après votre site, "œuvre en faveur de l’égalité pour les personnes LGBT, dans un esprit républicain et humaniste". Pouvez-vous nous en dire davantage ?

 

J.D. : GayLib est pour moi un engagement supplémentaire, je ne puis exclure ce que je suis dans ma vie intime et amoureuse.

 

Gaylib, c'est aussi pour moi l'idée qu'il n'y pas de différences entres les citoyens français, quels que soient leur sexe, leur ethnie, leur confession. J'avais complètement adhéré au slogan de l'UMP lors de son université d'été 2011, "le parti des droits et des devoirs". Mais encore faut-il que ceux qui ont les mêmes devoirs, aient les mêmes droits.

 

Plus jeune, j'ai eu des amis qui en ont fini avec la vie du fait d'être homosexuel(le)s, et de ne pas pouvoir assumer le rejet social, de leur famille, et/ou de leur entourage. Ce sont des événements qui marquent l'histoire d'un individu. Cette histoire, c'est aussi la mienne, comme beaucoup d'homos qui en ont vu d'autres se détruire du fait du rejet des autres. Le suicide comme les phénomènes d'auto-destruction sont des fléaux dont la responsabilité est (au moins partiellement) une responsabilité collective.

 

Pour autant, l'adhésion à un mouvement LGBT n'allait pas de soi, pour moi. Je ne voulais pas devenir le "Gay de droite" ou entrer dans une case bien établie. Je ne voulais pas devenir la caution homosexuelle de ma famille politique, comme il peut en exister à gauche à Bordeaux et qui, malheureusement, sont loin de se distinguer par de brillantes interventions.

 

Ce qui m'a conduit à adhérer à Gaylib, puis à monter la délégation Aquitaine du mouvement, c'est la conviction qu'ici, à Gaylib, il n'y a pas de place pour les communautarismes à la carte.

 

L'idée première est celle d'une France plus juste, plus belle, méritocratique et qui respecte sa devise républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité. À la différence de quelques autres associations LGBT, nous ne débattons pas qu'avec ceux qui sont préalablement d'accord avec nous, bien au contraire, nous allons à la rencontre de ceux qui nous sont les plus hostiles. On ne fait rien avancer à cultiver l'entre-soi.

 

Mon engagement à Gaylib pourrait se résumer par une phrase de Roselyne Bachelot devant l'Assemblée pour défendre le PACS : "La France ne reconnaît qu'une communauté, la République".

 

J'invite d'ailleurs tous ceux qui ont un profond respect pour notre devise républicaine à nous rejoindre. S'il n'y a pas besoin d'être noir pour se battre contre le racisme, il n'y a évidemment pas besoin d'être lesbienne, gay, ou trans pour se battre contre l'homophobie ou la transphobie.

 

 

PdA : Les jours passent... Quelques déclarations controversées sur le mariage pour tous et l'ouverture du droit d'adopter aux couples homosexuels en tant que tels... Une participation visible à la manif nationale également estampillée "pour tous". Janvier 2013 : "GayLib quitte l'UMP". Le communiqué dénonce un "parti réduit à son expression la plus rétrograde". Vous vous dites quoi, à ce moment-là ? "Trop, c'est trop" ?

 

J.D. : Tout d'abord, je tiens à vous remercier de citer cet excellent communiqué de la présidente de Gaylib, Catherine Michaud. Il me semble qu'il en dit long sur ce qui a mené à cette dénonciation des accords qui nous associaient à l'UMP. Il traduit aussi un consensus chez les Gaylibiens. Notre mouvement avait pour devoir de quitter l'UMP, nous n'avions plus d'espace pour y travailler plus longtemps.

 

Il y a bien des personnes qui ne sont pas (encore) favorables au mariage, et pour qui j'ai de la considération. Il y a bien des élus qui sont hostiles à l'adoption par des couples de même sexe et pour qui j'ai du respect, et avec qui j'ai pu travailler en bonne intelligence. Tout le monde n'évolue pas à la même vitesse sur ces sujets.

 

Par contre, ce que je ne supporte pas, c'est que la démagogie devienne un processus idéologique. Comme celle qui consiste à dire que l' Union civile, qui était au programme de Nicolas Sarkozy en 2007, est abandonnée sous couvert d'une prétendue inconstitutionnalité en 2009. Et retomberait dans le passage clouté de la Constitution avec la perte de toutes les élections intermédiaires par ceux qui l'avaient mise dans leurs programmes. L'UMP veut nous faire croire que ce qu'ils n'ont pas fait étant au pouvoir, ils le feraient en étant dans l'opposition ?

 

Au delà de la médiocrité qui qualifie, à mon sens, la démarche précédemment citée, la ligne rouge a été franchie quand mon ancien parti politique a appelé à manifester, main dans la main avec le FN, pour que des citoyens français aient moins de droits que d'autres. Ce type d'appels à la manifestation ne correspond pas à ma conception d'un mouvement politique responsable, ni à ma vision de la République.

 

Quand des centaines de milliers de personnes défilent en famille, avec de jeunes enfants, des pré-adolescents, avec des slogans haineux à l'endroits des homosexuels, sous prétexte de la défense des enfants à venir... ceux-là pensent-ils que statistiquement, au moins 8% de ces enfants seront eux aussi des homosexuels ? Ceux-là même qui ont défilé en janvier contre le mariage pour tous avec ces discours ségrégationnistes, pensent-ils au séisme que cela produira quand ces enfants se rendront compte de leur propre homosexualité ? Ils disaient défendre les enfants en refusant des droits à d'autres, ce qui est certain, c'est que beaucoup ont détruit leurs enfants, durablement.

 

Je ne suis pas partenaire de cette démagogie, de ces manifestations haineuses ou de ce mépris pour le principe de réalité. Et puisque je parle souvent de responsabilité, je me devais à moi-même de me l'appliquer. Voulant demeurer intègre, je n'avais plus que le choix de la démission et du départ.

 

 

PdA : L'UMP, dont vous étiez membre il y a encore quelques semaines, est un parti essentiellement conservateur. Espériez-vous sincèrement que ses membres allaient épouser majoritairement cette cause, clairement libérale au plan sociétal ? Avez-vous réellement été déçu par l'UMP ?

 

J.D. : Je n'ai pas feint ma déception. Si je m'attendais à quelques dérapages (il serait faire preuve de langue de bois que de ne pas le dire), j'imaginais que l'UMP saurait tirer l'expérience du PACS... Mais il est vrai que je ne m'attendais pas à ce que l'UMP tombe dans cette course à l'horreur.

 

Ce qui continue de m'étonner depuis mon départ de l'UMP, c'est qu'aucune sanction n'ait été émise contre les députés qui ont entaché leurs écharpes de gras et de honte pour la fonction qu'ils représentent.

 

Pour moi, l'erreur de l'UMP est à la fois historique et politique, comme l'avait dit Emmanuel Blanc, ancien président de Gaylib, dans d'autres circonstances.

 

Une faute historique, d'abord. Que sont devenus ceux qui étaient contre la fin de l'esclavage, contre la fin de la ségrégation, contre le droit de vote des femmes, contre le droit à l'IVG, contre la fin de la peine de mort... ? Peu de choses, sinon des personnalités dont on rit, et dont on a oublié le reste des travaux, occultés par le ridicule de leur opposition d'alors. Concernant le mariage pour tous, l'Histoire ne fera probablement pas exception, rieuse de ceux qui n'ont pas vu qu'ils avaient déjà 15 ans de retard.

 

Une faute politique ensuite. L'UMP est ce mouvement qui a permis les journées de lutte contre l'homophobie en milieu scolaire grâce à Xavier Darcos, qui a permis la journée mondiale de lutte contre l'homophobie avec l'IDAHO (International Day Against HOmophobia, ndlr) et Rama Yade. L'UMP a aussi permis l'inscription de la réalité des familles homoparentales, de la théorie du genre dans les livres scolaires. Pour ne parler que de l'aspect éducatif du bilan de Gaylib et de l'UMP lors de la dernière législature, c'est un bilan qui a durablement préparé la société française à être favorable à l'Egalité des droits pour tous, et y compris pour les homosexuels.

 

Je suis aussi déçu de ce manque de clairvoyance. Je ne pensais pas que les cadres de l'UMP allaient commettre cette double erreur, qui les coupe d'une partie importante de la population française.

 

 

PdA : Vous imaginez-vous adhérer à nouveau à l'UMP un jour ? Auriez-vous un message à adresser à vos anciens camarades ?

 

J.D. : Je pense pouvoir faire à nouveau la campagne d'élus de droite un jour, oui. Je le souhaite pour les municipales, avec une exigence bien plus pointue envers celles et ceux auxquels j'apporterai mon soutien. Je ne suis pas devenu un homme de gauche en 15 jours, mes valeurs n'ont pas changé. De là à reprendre une carte à l'UMP aujourd'hui, cela me paraît inconcevable... J'ai d'ailleurs adhéré à l'UDI, comme beaucoup d'humanistes qui ont quitté l'UMP.

 

Pour mes anciens camarades, à Bordeaux, il règne un climat politique plus paisible, la figure tutélaire d'Alain Juppé n'y est certainement pas pour rien. Ils sont cependant nombreux à ne pas renouveler leur adhésion à l'UMP, lassés de se voir passer pour des extrémistes. Je les invite alors à faire une démarche de militant, à ne pas épuiser leurs énergie à écoper le Titanic avec une bouteille de 50 cl, et à rejoindre l'UDI.

 

En disant cela, je ne puis m'empêcher d'avoir une pensée pour nombre d'entre eux dont je connais le talent, et en particulier à quelques élus de la région bordelaise qui ont su grandir ma vision de l'UMP et pour qui je garde une amitié sincère. Je pense à Anne-Marie Cazalet, Laetitia Jarty, Pierre de Gaétan ou Nicolas Florian, par exemple. Pour moi, ils n'ont en rien perdu de leurs superbe, malgré les événements récents.

 

Il y a maintenant une force de droite à construire avec les énergies libérales, humanistes et républicaines. Cette force, c'est l'UDI, et c'est là que se porte mon engagement aujourd'hui.

 

 

GayLib

 

 

PdA : Revenons au fond, au coeur du sujet... Vifs, les débats l'ont été, et cela continue... Dans la société, au parlement... Dignes ? Pas toujours... Que vous inspire cette "séquence" de la vie publique ?

 

J.D. : Souvent, j'espère des coupures électriques dans les antennes d'émissions de nos chaînes de radio, de télévision. Des panne de rotative chez les imprimeurs... J'espère secrètement... Puis, je me dis que l'information libre, c'est la force d'une Démocratie saine.

 

Parfois, je suis tellement affligé par ce que je peux entendre... que j'en deviendrais grossier. Alors, je coupe la télévision ou ferme mon journal.

 

Les Français n'ont pas la mémoire courte. Je "crains" le même avenir qu'aux anciens députés de la "droite populaire", décimés par les urnes aux dernières législatives. Il y a ici des députés indignes de porter l'écharpe tricolore.

 

 

PdA : Quelle sont, à titre personnel, vos positions sur les questions du mariage pour tous, de l'ouverture du droit à l'adoption pour les couples homosexuels en tant que tels ? Quid de la procréation médicalement assistée (dont la gestation pour autrui), serait-il légitime, d'ailleurs, de traiter ce sujet en même temps que les autres ?

 

J.D. : Je suis favorable à tout cela. Au mariage pour les couples de même sexe. À l'ouverture du droit à l'adoption pour les couples homosexuels. Pour la procréation médicalement assistée et pour la gestation pour autrui encadrée.

 

Je distingue la PMA (Procréation Médicalement Assisté) et la GPA (Gestation pour autrui). La procréation médicalement assistée existe déjà depuis 30 ans en France, elle ne justifiait donc pas une ouverture du conseil d' éthique dans la mesure où la technique n'a pas changé. Dans la mesure où l'on accepte la France comme étant réellement le pays des Droits de l'Homme et des libertés, si les homosexuelles sont des citoyennes comme les autres, alors oui, elles doivent avoir droit à cette ouverture aux mêmes dispositifs que ceux que peuvent avoir les hétérosexuelles. La PMA pouvait, pour moi, être traitée en même temps que la question du mariage.

 

Pour la GPA, il en va autrement. Le risque demeure que la marchandisation du corps, contraire au droit français, soit amorcée par ce biais. Le gestation pour autrui nécessite donc un encadrement bien spécifique, avec des structures, et des parcours à établir, en cela ce dispositif nécessite un débat à part. J'y suis favorable. Regardons, par exemple, du côté de la Grande-Bretagne, où les femmes qui l'utilisent le font surtout par générosité, altruisme, envie d'aider, et libération de leur corps. Si je suis pour la GPA, je ne le suis pas à n'importe quelles conditions.

 

 

PdA : Sur la base de quels témoignages, de quels arguments souhaiteriez-vous tenter de convaincre les sceptiques sur l'ensemble de ces points ? Vous avez la parole...

 

J.D. : Cela pourrait être long. Le plus simple est encore de venir à notre rencontre. Chaque exemple, chaque argument se doit d'être personnalisé. Je vais simplement tenter d'être le plus synthétique possible.

 

Je pense avant tout que la parole de l'Amour est celle qui a la plus grande valeur. Celle d'une femme qui aime profondément une autre femme. Celle de ces dizaines de milliers d'enfants qui vivent déjà dans des familles homoparentales, et qui sont dans un consensus extrêmement large sur leurs modèles familiaux.

 

Il y a aussi le fait qu'en août 2011, l'Association internationale de (pédo-)psychiatrie a conclu la plus longue étude de son histoire, statuant que rien ne s'opposait dans le développement de l'enfant à ce qu'il soit éduqué par un couple de personnes de même sexe. Cette année, en France, l'association des psychanalistes a également rédigé une lettre ouverte dans ce sens. Ceux qui s'inquiètent du développement de l'enfant sont-ils réellement plus savants que ceux-là ?

 

 

PdA : Vous vous êtes impliqué sans compter dans cette bataille. Une vidéo l'illustre... Ce combat est presque gagné. Il y a des images, des instants, des rencontres qui resteront gravés en vous ? Dans quel état d'esprit êtes-vous aujourd'hui ?

 

J.D. : Des images, des rencontres, il y en a évidemment beaucoup. D'autant plus que ce n'est pas un combat récent. Je pense à cette dame de l'âge de ma propre mère qui est venue me voir en marge d'une manifestation pour me remercier de ce que je faisais pour son garçon, me disant qu'elle avait mis longtemps à comprendre à quel point c'était difficile pour lui, et son besoin de soutien familial, comme tout un chacun. Une rencontre confession, extrêmement émouvante.

 

Au milieu de ces instants, il y a évidemment plusieurs discours de Madame Taubira, plusieurs de ses réponses à l'Assemblée Nationale, qui marqueront l'Histoire. Je ne partage pas ses positions politiques, mais comme il est permis à un homme de gauche de saluer le travail de Madame Veil, je n'ai aucun mal à applaudir le travail et le courage de Madame Taubira.

 

Je pense aussi à ce journaliste un peu brusque, qui interviewant un couple de mères avec leur petite fille, tend le dictaphone à la petite pour lui demander si elle sait pourquoi elle manifestait ce jour là, et la petite fille de répondre, "Oui, pour que ma maman là, ça soit aussi ma maman pour de vrai"... Une émotion m'avait alors parcouru tout entier devant la vérité de cette spontanéité.

 

Concernant mon état d'esprit, il demeure combatif. L'ouverture du mariage aux couples de même sexe a été voté hier. Le moment est historique, mais les combats qu'il reste à gagner ne sont pas des défis à la marge pour moi.

 

 

PdA : Vous êtes un spécialiste de ce que l'on appelle la transidentité au sein de GayLib. Un problème dont on entend peu parler...

 

J.D. : La transidentité est pour moi un volet extrêmement important. Il montre aussi comment parfois au sein de la communauté LGBT, (lesbiennes, gays, bi, trans) le "T" peut être oublié par les autres. La situation des trans, que se soit vis-à-vis des parcours de santé ou de l'accès aux papiers d'identités est souvent proche de l'inhumanité. Il y a un travail immense à abattre ici.

 

Roselyne Bachelot, avec la dépsychiatrisation des trans, a profondément changé la perception de ces personnes. Michèle Alliot-Marie a elle permis une plus grande liberté pour que les juges puissent accorder des papiers d'identité dans des parcours de dignité. Plus qu'une directive ministérielle, nous avons aujourd'hui besoin de lois pour protéger ces citoyens.

 

Il est vrai que les embûches mise au devant des trans pour les ralentir dans leurs processus est inacceptable. Leurs interlocuteurs comprennent hélas rarement qu'il en va de leurs survie que de rétablir une identité conforme à ce qu'ils sont au fond d'eux, et le rejet de leur accès à de nouveaux papiers d'identité ne peut que les pousser dans des situations de détresse sociale inacceptable.

 

 

PdA : Quelles devront être, demain, les barrières à abattre pour tendre à l'accomplissement de ce principe qui vous tient tant à coeur, celui d'égalité ?

 

J.D. : Aujourd'hui, je vous propose de prendre quelques jours pour savourer le vote du mariage. Pour ma part, le combat ne s'arrête pas là, notamment vis-à-vis de la question "trans" dont on a abordé certains des problèmes quotidiens. Si la solidarité de tant d'hétéros envers l'égalité des droits me ravit, je ne puis me défausser. Je ne suis pas trans moi-même, mais je tiens à me battre contre cette injustice qui me révolte profondément.

 

Concernant l'égalité, il y aura la gestation pour autrui à encadrer, la procréation médicalement assistée à faire voter, la question du don du sang dont les homosexuels sont toujours exclus... L'exclusion familiale, les maisons de retraites peu ou pas adaptés pour les couples de personnes de même sexe, la prévention contre les violences homophobes... les trans.... Sur tous ces sujets, il y a encore énormément à faire.

 

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter, Julien Diez ?

 

J.D. : Il y a quelque temps, on m'avait fait une demande en mariage, non sans humour. Une jolie alliance et un costume de cérémonie ne serait pas de refus. Dans un village perdu ou dans une petite capitale régionale faisant face à la mer... 

 

Ceci dit, suite à ce combat, j'ai quelque peu délaissé mes expos, mon travail d'artiste et mes créations. Les retrouver avec le même succès que le vote d'hier ne me déplairait pas.

 

Vous pourriez aussi me souhaiter de voir disparaître Gaylib, parce que, tous autant que nous sommes, nous n'accepterons complètement cette disparition que quand nous aurons la conviction que nous avons mené toutes nos missions à bien. Je conçois que ça soit quelque peu utopique, mais on ne se bat pas pour que les choses ne soient qu'à moitié réalisées.

 

 

PdA : Un message pour nos lecteurs ? Pour quelqu'un en particulier ?

 

J.D. : Oui. Un mot pour le lecteur qui aura eu la patience et l'envie de lire cette interview jusqu'au bout. Je lui note un intérêt dont je ne peux que le remercier. Merci de ce temps.

 

S'il le souhaite, il peut continuer à suivre Gaylib depuis notre site www.gaylib.org. Il peut y adhérer pour nous aider à continuer notre combat.

 

Ce lecteur peut aussi nous rejoindre sur les réseaux sociaux, sur Facebook, sur le groupe Gaylib Aquitaine pour mes voisins régionaux, ou sur Twitter @Gaylib.

 

Par ailleurs, mon site retrace et développe bien des éléments abordés ici www.juliendiez.fr. Il est ouvert aux commentaires et à l'appréciation de chacun.

 

 

PdA : Un dernier mot ? Merci infiniment !

 

J.D. : Mon dernier mot, de mon côté, consistera naturellement en un renouvellement de mes remerciements pour m'avoir donné la parole avec tant de précision dans vos questions.

 

À bientôt !

 

 

 

Merci encore, Julien Diez, pour votre témoignage touchant. Pour l'enthousiasme avec lequel vous défendez les causes qui vous sont chères ! Phil Defer

 

 

 

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17 février 2013

Samuel Grzybowski : "D'abord se parler..."

À la mi-janvier, j'ai proposé à Samuel Grzybowski de l'interviewer pour Paroles d'Actu. Il m'a donné son accord, avec enthousiasme. Mes questions, qui lui ont été transmises le 20 janvier, portent sur l'objet, l'organisation et les activités de l'association Coexister, qu'il a fondée et qu'il préside. Sur le grand "tour" interreligieux qu'il entreprendra bientôt. Sur l'Église, celle de Vatican II, celle de demain. Fervent Catholique, Samuel Grzybowski plaide inlassablement pour que dialogues et échanges s'établissent entre les différentes religions. Un véritable sacerdoce. Peu après l'envoi de mes questions, une décision vécue comme "injuste, incohérente et scandaleuse" est intervenue. Une décision relayée par la presse : l'association Coexister perd son statut d'intérêt général. Un nouvel obstacle qui n'entamera pas la détermination sans faille de ce jeune homme d'à peine 21 ans...

 

Ses réponses, Samuel Grzybowski me les a transmises oralement, le 10 février (j'ai souhaité retranscrire l'enregistrement en en conservant la spontanéité). Quelques heures plus tard, une nouvelle est annoncée, elle fera réagir bien au-delà des frontières du monde catholique : le pape Benoît XVI renonce à sa charge, estimant qu'étant donné l'avancement de son âge, ses forces ne lui permettent plus de l'assumer convenablement. Une décision sage, empreinte de lucidité et d'humilité venant d'un homme, Joseph Ratzinger, qui a eu le courage de reconnaître, tout pape qu'il était, qu'il était humainement faillible. Samuel Grzybowski a accepté de me confier sa réaction (17 février), en marge de notre entretien : "Je suis particulièrement admiratif de cette décision. Sa capacité a surprendre révèle la force d'une Église éternellement jeune, toujours renouvelée !" Voilà pour l'actualité. Place à Samuel Grzybowski, 21 ans à peine. Place à demain, un demain résolument optimiste quant à une coexistence pacifique des Hommes... Merci ! Bonne lecture. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

SAMUEL GRZYBOWSKI

Président-fondateur de l'association Coexister

 

"D'abord se parler..."

 

Samuel Grzybowski

(Photo fournies par Samuel Grzybowski)

 

 

Q : 20/01/13

R : 10/02/13

 

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Samuel Grzybowski. Avant d'aller plus avant, qu'aimeriez-vous que nos lecteurs sachent à votre propos ? Quelle place la foi tient-elle dans votre vie ?

 

Samuel Grzybowski : Je suis étudiant en double licence Science Politique - Histoire politique à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Cela fait trois ans que j'étudie au sein de cette université, je suis en troisième année de licence.

 

Je suis également et surtout le président et fondateur de Coexister, le mouvement interreligieux des jeunes dans lequel je me suis engagé il y a maintenant quatre ans et dans lequel je crois discerner une part importante de ma vocation.

 

La foi tient une place fondamentale dans mon existence. C'est en m'engageant que je donne corps, que je donne cohérence à cette foi.

 

 

PdA : Vous êtes le président de l'association Coexister, que vous avez créée en 2009. Racontez-nous ce cheminement personnel qui vous a conduit à vous engager ainsi, pour cette cause ?

 

S.G. : Mon cheminement, je le décrirais en trois temps.

 

D'abord, l'école primaire dans laquelle j'étais. Sur 300 élèves, 42 nationalités étaient représentées. 7 religions, et trois principales sphères sociales. Des enfants d'ambassadeurs, qui étaient là puisqu'il y avait un internat pour les jeunes d'écoles primaires. Des enfants placés par la DDASS. Des enfants de la petite bourgeoisie du 15è, dont j'étais issu. Dans cet établissement, les jeunes de toutes sensibilités, de toutes religions, de toutes cultures coexistaient de façon pacifique. Du coup, j'ai eu la chance de pouvoir banaliser, dans le bon sens du terme, la diversité dès mon plus jeune âge comme quelque chose de constructif et de favorable à l'épanouissement. J'avais créé un club des cinq dans lequel il y avait deux Asiatiques, un Arabe et deux Occidentaux. Je leur rends hommage encore aujourd'hui, ils m'ont beaucoup apporté pendant cinq ans. On était une bande d'amis inséparables. J'ai pris conscience que les liens se tissaient notamment sur l'importance de la différence.

 

Un deuxième évènement fondateur, c'est le scoutisme. J'ai été scout pendant plus de huit ans. J'ai participé au Jamboree mondial en 2007 à Londres, qui avait lieu pour les cent ans du scoutisme sur les traces du premier camp scout. Celui-ci était sur Brownsea Island, juste en face de Londres, dans la mer, évidemment. Là-bas, j'ai fait une autre rencontre, une autre prise de conscience assez fondamentale. Déjà, que le scoutisme n'était pas chrétien, il était d'abord musulman. Il y a plus de scouts musulmans sur terre que de scouts chrétiens. Et que le scoutisme abritait une diversité phénoménale. On prenait conscience, une fois sur place, qu'il y avait des scouts du monde entier, unis par le foulard, unis par la chemise, unis par des valeurs communes, comme celles de Baden-Powell. Unis par des citations, des phrases affichées en grand au-dessus de la scène principale. Je me souviens de cette phrase, "Essayez de repartir de ce monde un peu plus beau que vous ne l'avez trouvé en arrivant" ou "Soyez le changement que vous voulez voir advenir pour le monde". Et en même temps, au-delà de cette unité très forte, il y avait une très grande diversité. Beaucoup de religions, beaucoup de cultures. Évidemment des milliers d'origines géographiques. 50 000 scouts qui venaient de 195 pays, de mémoire. Quelque chose de colossal. Ce paradoxe entre l'unité et la diversité m'a beaucoup appris. J'ai découvert très tôt que c'est par le caractère irréductible de nos différences que l'unité devient, elle, indestructible. L'unité ne peut pas s'appuyer sur des ressemblances, parce que les ressemblances ont tendance justement, parfois, à oublier la différence comme quelque chose de coercitif. Et à tort, on considère que la différence est inférieure ou subordonnée à la ressemblance. Je pense que c'est un risque, puisque la différence, les identités singulières reviennent souvent sur le devant de la scène. Si l'on n'apprend pas très tôt à les appréhender comme quelque chose de favorable à l'unité, ça pose problème. Très sincèrement, je dirais, de par mon expérience que c'est justement l'irréductibilité de nos différences qui rend indestructible l'unité.

 

Troisième évènement dans ce cheminement, la participation au train de la mémoire. Vers Auschwitz, en novembre 2008. J'ai participé à une expédition hors du commun. 28 heures de train dans un sens, 28 heures de train dans l'autre. Avec deux amies, une amie juive, une amie musulmane. Avec elles, j'ai eu la chance de lire les noms, en plein milieu du camp d'Auschwitz-Birkenau. Cette lecture à trois voix a aussi changé ma vie. C'était juste trois mois avant la création de Coexister. C'est donc en janvier 2009, trois mois plus tard, au moment de l'Opération Plomb durci que je participe à une manifestation contre l'importation du conflit en France. C'est au sein de cette manifestation que je lance un appel, un peu improvisé. Je propose alors aux jeunes de se joindre à moi pour créer une initiative interreligieuse entre jeunes.

 

 

PdA : À quoi la vie de l'association ressemble-t-elle ? Quelles sont ses activités au quotidien ?

 

S.G. : La vie de l'association au quotidien, c'est du travail ! (Rires) D'abord. Du travail, beaucoup de travail, encore du travail. Il y a beaucoup de projets à organiser. Il ne se passe pas des choses tous les jours mais il y a de gros évènements, plusieurs fois par an. Coexister oriente son action autour de cinq domaines :

- le dialogue interreligieux. Comment est-ce qu'on se parle, comment est-ce qu'on se respecte... ;

- la solidarité interreligieuse. Le fait d'agir ensemble avec des personnes de provenances différentes mais avec une destination commune ;

- la sensibilisation interreligieuse. Éveiller les consciences des lycéens, des collégiens, des étudiants... ;

- la formation interreligieuse. Pour donner des outils concrets, des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être ;

- les voyages interreligieux. Pour mettre dans un même "panier de crabes" des jeunes de différentes religions, ensemble, H24, nuit et jour, et les laisser appréhender, apprendre ce que cela implique.

 

Pour mener de front ces cinq domaines d'actions qui sont réalisés par nos dix groupes locaux aujourd'hui, nous avons une équipe nationale avec 37 jeunes actifs dont 10 qui constituent le comité de direction de l'association. Chaque groupe local est dirigé par un comité de pilotage d'au moins 7 jeunes aidé par un service civique volontaire à plein temps. Au niveau national, nous avons 9 temps partiel et un temps plein qui travaillent. Tous ces jeunes qui travaillent participent à donner du corps au mouvement. Je suis frappé au quotiden par ce travail, toujours dans la bonne humeur, parfois l'humour. Certains observateurs qui viennent nous voir disent qu'ils ont l'impression de voir une start-up, c'est-à-dire le contraste entre beaucoup de sérieux, beaucoup de professionalisme et en même temps beaucoup de déconnade. Il y a du café qui traîne, il y a de quoi manger partout... On est vraiment dans une logique de création et de croissance.

 

 

PdA : Quel bilan établissez-vous de la vie de Coexister depuis sa fondation ?

 

S.G. : Il faut laisser les chiffres parler, quatre ans plus tard. On était 11 au départ, on est 300 maintenant. Il n'y avait qu'un seul groupe, on en a 10. On n'avait réalisé qu'un seul projet, on en a réalisé plus d'une cinquantaine. On a rencontré 7000 jeunes. On en a formé 150. Emmené 75 en voyage. Pratiquement 500 jeunes ont participé à des programmes de dialogue. Le budget de l'association est également révélateur, il est passé de 900 à 30.000€ en trois ans. On a un prévisionnel de 100.000 cette année.

 

Au-delà des chiffres, pour moi, le bilan est très positif. On constate que l'avion décolle et qu'il est loin d'avoir atteint sa vitesse de croisière. Surtout, on a le sentiment de répondre à une vraie demande. Coexister n'a rien provoqué pendant trois ans, rien. On n'a fait que répondre à des demandes, à des besoins. Quand on crée un programme de dialogue, c'est parce que sur place, des jeunes ont envie de se rencontrer. Les opérations de solidarité marquent peut-être l'exception dans le sens où c'est vraiment le seul type de projet que l'on initie nous-même. Les 150 sensibilisations réalisées en deux ans ne sont que des réponses à des sollicitations d'établissements. Nous n'avons jamais fait de pub auprès d'un établissement. C'est toujours eux qui viennent nous chercher parce qu'il y a besoin de sensibiliser les jeunes sur place. Nos formations répondent à une demande en interne. Nos voyages également.

 

 

PdA : Vous vous apprêtez à entreprendre un tour du monde interreligieux (InterFaith Tour) visant à encourager des initiatives d'échange et de coopération entre les grandes fois monothéistes. Parlez-nous de cet ambitieux projet ?

 

S.G. : Il ne s'agit pas tout à fait d'encourager les initiatives d'échange et de coopération entre les grandes fois. C'est plutôt aller rencontrer ce qui existe déjà dans le monde. Nous, on pensait qu'on allait galérer comme des oufs pour chercher des initiatives. En fait, le plus difficile n'a pas été de les chercher mais de les choisir. Il y en a partout. Dans tous les pays, dans tous les continents, il se passe des choses interreligieuses. On sent que notre génération a cette double spécificité d'être à la fois engagée sur le terrain du social, l'action sociale - ce sont des projets qui rassemblent, donc le but n'est pas de s'accorder sur nos fois mais d'accorder nos fois sur la paix. Ça, c'est la première spécificité. La deuxième, c'est que ce sont les jeunes qui se munissent souvent de ce dialogue, sous différentes formes. J'en relève trois, de mes observations internationales :

- les sections jeunes de mouvements internationaux d'adultes, très important. Je voudrais rendre hommage, en particulier, à l'International Council of Christians and Jews (ICCJ), qui est en fait l'Amitié judéo-chrétienne mondiale. Sa section Jeunes, le Young Leadership Council, est très active. Elle rassemble des Juifs et Chrétiens du monde entier, une fois par an, dans une ville. D'ailleurs, cette année, c'est plutôt étonnant, c'est à Aix-en-Provence que ces jeunes se rassemblent. Coexister est heureux et fier d'accueillir le bureau de cette Amitié judéo-chrétienne mondiale des jeunes, une semaine en mars pour les préparatifs. Voilà, pour l'actualité.

- les organisations "umbrella" (parapluie). Elles rassemblent des représentants. Les jeunes ne sont pas là en tant qu'eux-mêmes, ils sont là pour représenter des organisations juives, musulmanes, chrétiennes.

- la typologie Coexister. Des jeunes sont là en tant qu'eux-mêmes, qui ne sont pas une section d'un mouvement plus grand. Là où il y a vraiment une vie associative indépendante et autonome. Sur Terre, on en relève seulement deux. Interfaith Youth Core, à Chicago, fondée et dirigée par Eboo Patel, un Musulman américain très connu. Et Coexister, en France.

 

Le projet va durer 12 mois. Nous partons vers l'est. Nous nous arrêterons un mois dans chacun des pays suivants : Israël-Palestine, Turquie, Inde, Malaisie, États-Unis. Nous ferons des road-trips de deux mois en Europe, un mois en Afrique, un mois en péninsule indochinoise, un mois en Amérique du sud. Nous finirons ce tour, après dix mois de globetrotting, par deux mois de tour de France. Le programme est déjà prêt. Si vous voulez nous inviter chez vous, c'est avec grand plaisir, partout où vous êtes, partout où on nous le demande. Nous allons passer à peu près une demi-journée ou un jour par département en France. Nous ferons tous les départements. Donc, n'hésitez pas à nous prévenir et nous dire que vous êtes intéressé, que vous soyez une collectivité territoriale, une association, une entreprise, un établissement scolaire...

 

 

PdA : Quels sont, d'après vous, les obstacles majeurs à l'harmonie interreligieuse à travers le monde ? Ces troubles trouvent-ils essentiellement leur origine dans une incompréhension de la foi d'autrui, d'ailleurs ? Les religions ne sont-elles pas, souvent, instrumentalisées par quelques excités extrémistes, utilisées à dessein, sans scrupule et sur le terreau de problèmes politiques, économiques, sociaux, identitaires pour imposer leurs idées ?

 

S.G. : La réponse est dans la question : c'est évident que oui. Les problèmes sont souvent liés, dans leur immense majorité, à des problèmes politiques, sociaux, économiques.

 

Les obstacles, on les connaît. J'en relève deux, en fait :

- le premier obstacle regroupe, à mon avis, tous les autres. C'est celui de vouloir imposer son identité à l'autre parce que c'est la bonne, c'est la vérité, le droit chemin... ;

- le deuxième écueil, tout aussi dangereux à mon avis, c'est celui de vouloir se dissoudre dans l'autre. C'est un peu la mode actuelle... On entend beaucoup dire que la différence est un problème... Comme si la ressemblance était plus élevée que tout. Je ne suis pas d'accord avec cette conception. Je pense que la différence a une place noble dans les relations entre les gens. Qu'il faut respecter cette place, justement pour respecter les identités singulières et dépasser cette logique selon laquelle seule la ressemblance rassemblerait. La différence rassemble, il faut qu'on arrête de vivre ensemble "malgré" les différences. Il faut vivre ensemble "grâce" aux différences." La différence est coercitive quand on décide de l'appréhender ainsi.

 

Le terrain politique, économique, social, c'est évident. On fait toujours ce rapprochement entre la carte de la liberté religieuse sur Terre. On voit une coïncidence entre les zones rouges de l'absence de liberté religieuse qui correspondent aux zones vertes, où l'Islam est le plus dense. Le problème, c'est que cette carte coïncide avec une autre carte, qui est la véritable cause du problème. Celui-ci n'a rien à voir avec l'Islam. Cette carte coïncide avec le taux d'éducation. Les zones rouges de la carte des libertés religieuses correspondent à celles du manque d'éducation. D'ailleurs, certains pays hautement musulmans, pour ne pas dire les premiers pays musulmans - un Musulman sur deux est asiatique - sont des pays où la liberté religieuse est totalement respectée. Mais le niveau d'éducation y est plus haut. Je pense notamment à l'Indonésie. Voilà, tout simplement, l'explication est là.

 

 

PdA : Quelles sont les petites et les grandes actions qui, d'après vous, devraient être entreprises par les différents acteurs concernés pour apaiser les tensions interreligieuses ?

 

S.G. : D'abord se connaître. Se dire bonjour. On a tous des voisins de différentes religions maintenant, un peu partout sur Terre. Il faut leur parler. Il faut les inviter à boire le thé. Je voudrais saluer cette initiative incroyable des Musulmans de Norvège. Ils ont invité l'ensemble de leurs concitoyens, un jour. Chacun, chaque famille musulmane a ouvert les portes de son domicile pour inviter les familles norvégiennes à boire le thé. Je pense que c'est ce genre d'initiatives qui favorisent incroyabement la paix entre les individus. Il faut commencer par là, et ensuite, pourquoi pas, aller plus loin. Mais d'abord, se parler, ça, c'est une initiative de taille abordable.

 

 

PdA : Les dialogues œcuméniques et interreligieux ont été largement encouragés à l'occasion du Concile Vatican II, à partir duquel les messes en langue locale ont supplanté celles, traditionnelles, en latin. Sur d'autres sujets tels le contrôle des naissances, Paul VI et la curie ont choisi le statu quo. Cinquante ans après, quel est l'héritage de Vatican II ?

 

S.G. : Oulà, là, on touche à un autre domaine ! Je ne suis pas sûr d'être habilité à m'exprimer sur la question. Je voudrais juste citer ce passage du Concile Vatican II, que je trouve incroyable... Sur les différentes religions, l'Église rappelle qu'elle exhorte les croyants à faire grandir, mûrir les valeurs spirituelles, morales, sociales, culturelles qui se trouvent chez les croyants d'une autre religion. C'est quelque chose de très fort. L'Église ne se contente pas de dire, "Vivez ensemble parce que c'est important", elle dit aux Chrétiens, "Permettez aux autres religions de s'exprimer, de grandir en humanité". Et ça c'est très fort.

 

J'ai 100 000 raisons d'espérer pour l'Église de demain, et même l'Église d'aujourd'hui. Je ne suis pas sûr d'avoir envie de parler de "statu quo", de problèmes quelconques... Il y a des difficultés, comme partout. Je ne suis pas sûr que ce soit forcément lié à la question de l'interreligieux... Moi, j'applaudis l'Église à deux mains pour le travail incroyable qu'elle fait sur l'interreligieux. En particulier Monseigneur (Jean-Louis) Tauran, qui dirige le Conseil pontifical pour les Relations interreligieuses.

 

  

PdA : Récemment, Rome a décidé de réintégrer au sein de l'Église les prêtres de la Fraternité Saint-Pie-X (les lefebvristes), dont l'un des membres, M. Williamson avait tenu des propos assez difficilement compatibles avec l'esprit de réconciliation de Vatican II. D'autre part, Benoît XVI a libéralisé, de nouveau, la messe en latin. Franchement, au vu de votre combat, quel est votre sentiment face à ces gages apportés sans concession aux mouvement les plus réactionnaires de l'Église catholique ?

 

S.G. : Je ne suis pas d'accord avec cette affirmation. Je ne crois pas que Benoît XVI ait donné de gages aux mouvements les plus réactionnaires de l'Église. Ou en tout cas, il en a donné autant aux autres. J'ai été invité et reçu très tôt par Monseigneur Tauran à la Curie romaine pour soutenir l'engagement de Coexister. Le Saint Père nous a fait l'honneur de nous inviter aux rencontres d'Assise, en novembre 2011.

 

Je crois que Benoît XVI est un pape formidable, qui travaille à l'unité des Chrétiens. Non sans peine. Il a beaucoup de difficulté à communiquer et à gouverner. Ce ne sont pas ses atouts. C'est d'abord un intellectuel, un homme de grande envergure avec un esprit profond et large. Je pense qu'on ne peut pas lui demander ce qu'il ne sait pas faire. Je trouve qu'il fait un travail extraordinaire sur le rapprochement avec les autres religions et l'ouverture de l'Église. Il prépare l'Église de demain. Je crois qu'il rend un grand service à ses successeurs, qui n'auront pas à faire le sale travail qu'il a fait.

 

Maintenant, effectivement, il y a des choses sur lesquelles il faut des garde-fous. Je trouve très positif que Benoît XVI ait refusé au final la réintégration de la Fraternité Saint-Pie-X. Ceux-ci se refusaient en effet à reconnaître le Concile Vatican II. L'argument est clair : le Concile est donc le point de rassemblement de tous les Catholiques du monde. En dehors de Vatican II, pas d'Église.

 

 

PdA : Un point d'unanimité entre les différentes religions : le rejet du mariage pour tous, et de ce qui va avec. Mon idée n'est pas de vous inviter à un énième débat sur le sujet. J'aimerais par contre vous faire réagir à propos d'une déclaration faite par Frédéric Gal, directeur général du Refuge, lors de notre interview. "Le fait religieux est (...) extrêmement présent avec une référence régulière à l'homosexualité comme un véritable péché impardonnable". Évidemment, l'Église ne va pas, demain, célébrer de mariage homosexuel, c'est compréhensible, personne ne le lui demande, d'ailleurs. Mais ce sentiment que peuvent avoir certains homosexuels, parfois croyants, d'être rejetés, voire stigmatisés pour un amour, un mode de vie qu'ils n'ont pas choisis, ça vous inspire quoi ?

 

S.G. : Je ne suis, là encore, pas sûr d'être compétent sur le sujet. Pour rebondir, je voudrais souligner et applaudir le Conseil pontifical de la Famille qui vient de lancer un ultimatum aux grands pays du monde qui n'ont pas encore dépénalisé l'homosexualité.

 

 

PdA : Nous parlions de Vatican II tout à l'heure. Le mot d'ordre du pape de Jean XXIII à l'époque : "Aggiornamento". Mise à jour. Quelles mesures un Aggionamento des années 2010-2020 devrait-il comprendre, à votre avis ? Encore une fois, que l'Église refuse le mariage religieux de deux hommes ou de deux femmes, cela se conçoit. Quid, en revanche, de l'adoption d'une position de neutralité, sinon de bénédiction de la contraception dans un monde toujours rongé par le Sida (pour, in fine, préserver la vie, si chère à l'Église). Quid de l'ordination de femmes à la prêtrise ? Quid de la fin du célibat imposé pour les prêtres ? En un mot comme en cent : quel Vatican III appeleriez-vous de vos voeux ?

 

S.G. : Aucun ! D'abord, Vatican II n'est pas qu'un Aggiornamento. Il l'a été dans les voeux de Jean XXIII, mais l'a-t-il été réellement ? Pour moi, Vatican II, c'est d'abord une continuité de l'Église après 2000 ans d'histoire. Le Concile vient puiser à la source des pères de l'Église, à la source des Apôtres. Il en fait ressortir toute la splendeur pour le 21è siècle. L'Église prend conscience avec Vatican II que Dieu n'est pas seul à rentrer dans l'Histoire. Elle le fait elle-même. Elle n'est pas immuable, elle n'est pas absolue. Elle n'est pas éternelle. Elle est relative, construite par les individus. Et en même temps, elle a cette double identité d'être l'Église du Ciel et le corps du Christ.

 

L'Église a certainement beaucoup de progrès à faire, puisque l'Église est humaine. Ce sont en tout cas les hommes qui la composent qui ont des progrès à faire et doivent marcher vers la sainteté. Ces progrès passent-ils par des questions aussi simples que celles de l'ordination des femmes, du mariage des prêtres... peut-être ! Peut-être pas. Je ne suis pas sûr que ce soit la priorité aujourd'hui.

 

Si l'on devait réfléchir, pour moi, à des mesures pour les années 2010-2020, ce serait d'abord d'approfondir tous les textes, tout l'esprit du Concile Vatican II. Il faudrait aller plus loin dans l'ensemble des chantiers entrepris après le Concile. J'en vois douze, d'après le travail que j'ai accompli dans le cadre de l'association Youcoun (Vatican II pour les jeunes, ndlr). Douze grands chantiers sur lesquels les Chrétiens et l'Église peuvent encore travailler pour les dix années à venir.

- la lecture régulière de la parole de Dieu et sa compréhension ;

- la formation à la célébration liturgique ;

- l'engagement dans la vie de l'Église, qui va également avec l'amour pour l'Église ;

- l'engagement pour l'unité des Chrétiens, avec Taizé ;

- des espaces de discernement pour les vocations, et peut-être adapter de nouvelles vocations... comprendre qu'il y ait d'autres vocations que celles que l'on connaît déjà ;

- former les Chrétiens à leurs responsabilités de croyants ;

- former les Chrétiens à leurs responsabilités de citoyens, c'est l'engagement politique ;

- former ces derniers, chantier évidemment très important, à leurs responsabilités de citoyens s'agissant cette fois de la solidarité et du service du Pauvre ;

- la dignité de l'être humain, sur laquelle l'Église a ouvert un chantier phénoménal d'anthropologie au nom du Concile et dans lequel il y a encore tant à faire ;

- la Mission, qui prend un jour neuf et dynamique avec la nouvelle évangélisation ;

- l'usage des médias et des réseaux sociaux ;

- l'interreligieux, douzième chantier, pour moi.

 

Effectivement, si ces douze chantiers, avec leurs chantiers parallèles (l'engagement des laïcs, etc...) sont approfondis, je pense que l'Église a encore de belles heures et de beaux siècles devant elle.

 

 

PdA : Êtes-vous optimiste quant à un futur où les différences de religions ne seraient plus un motif de conflits, de souffrances, de malheur, mais peut-être, finalement, de richesse culturelle ?

 

S.G. : Bien sûr que je suis optimiste ! J'en suis même convaincu. La question, c'est "Quand ?". Demain. À la fin du mois. L'année prochaine. Dans un siècle. (Rires) J'espère voir un petit bout de ce monde où les religions s'apportent les unes aux autres avant de mourir.

 

 

PdA : En cette période de voeux, que peut-on vous souhaiter pour 2013 et pour la suite, cher Samuel Grzybowski ?

 

S.G. : D'entendre l'appel. Le bon.

 

 

PdA : Quel message souhaiteriez-vous adresser à nos lecteurs ?

 

S.G. : Cessez la coexistence passive pour passer en mode "coexistence active".

 

 

PdA : Souhaiteriez-vous en adresser un à quelqu'un, à un groupe en particulier ?

 

S.G. : Oui. Je voudrais souhaiter des voeux sincères, amicaux, et surtout d'estime à tous mes amis qui travaillent dans Coexister, ces 300 jeunes militants dans toute la France. Ils font un travail extraordinaire. Ils portent aujourd'hui les valeurs de la coexistence active et ils en défendent le message. Un message neuf, un message extrêmement dynamique. Je pense qu'ils portent une très grande vitalité, que nous espérons défendre encore pendant longtemps longtemps. Merci beaucoup !

 

 

 

Merci à vous, Samuel Grzybowski, pour vos réponses enthousiastes et passionnées. Et bravo pour votre engagement au service d'un monde un peu plus fraternel. Longue vie à Coexister ! Phil Defer

 

 

 

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29 novembre 2012

Frédéric Gal : "Certains jeunes viennent de très, très loin..."

   Un sondage BVA publié au début du mois de novembre semble indiquer qu'une large majorité de Français (58%) est favorable au mariage dit "pour tous". Si cette question, comme celle de l'adoption par des couples du même sexe, fait toujours l'objet de nombreux débats, peut-on dire, en revanche, que les homosexuels sont aujourd'hui acceptés, respectés pour ce qu'ils sont, des garçons, des filles comme les autres, ayant les mêmes aspirations que les autres ? D'incontestables progrès ont été réalisés en matière de perception publique. Il n'est guère plus que quelques excités, pourtant bien trop nombreux encore, pour s'adonner à quelque intolérance visant, blessant des individus pour une orientation sexuelle qu'ils n'ont pas choisie.

   Comme pour le racisme, de la bêtise pure, devant être traitée comme il se doit : avec mépris, indifférence si possible, si la personne en a la force. Mais il est un cadre au sein duquel rien de tout cela n'est évident. Celui de la famille, de l'amour inconditionnel. Celui des espoirs en l'avenir, en ces enfants qui offriront des petits-enfants à leurs parents aimants. Un jeune garçon, une jeune fille découvrant que les « ravages de la passion » s'orientent, en ce qui le (la) concerne, vers un amour différent de la norme, devra faire preuve d'un courage inouï. Pour s'accepter tel qu'il (elle) est. Pour l'annoncer aux siens, tel un aveu pour une faute terrible qu'il (elle) n'a jamais commise. Coupable d'aimer...

   Les réactions sont parfois brutales, non l'expression d'une bête homophobie de troupeau, mais celle d'un amour blessé, de projets, de rêves qui s'effondrent. Celle d'une inquiétude pour la vie, plus difficile, qui attendra désormais l'enfant. Dans certains cas, la situation devient ingérable, le cocon se brise, c'est la rupture... Rencontre avec Monsieur Frédéric Gal, directeur général de l'association Le Refuge. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

FRÉDÉRIC GAL

« Certains jeunes viennent de très, très loin... »

 

Frédéric Gal

(Photo fournie par Frédéric Gal)

 

Q. : 19/08/12 ; R. : 25/11/12

 

Paroles d'Actu : Pouvez-vous, Frédéric Gal, vous présenter en quelques mots ?

 

Frédéric Gal : J'ai 28 ans, et je suis le directeur général de l’association Le Refuge.

 

Côté scolaire, j'ai un diplôme en Histoire, et un diplôme en Administration publique, avec une petite incursion par la criminologie.

 

Je m'occupe du Refuge depuis maintenant cinq ans. Je suis à la fois délégué régional de Montpellier / Languedoc-Roussillon et je m'occupe de la coordination générale des cinq délégations existantes : Montpellier, Paris, Marseille, Lyon et Toulouse.

 

Paroles d'Actu : Qu'est-ce qui vous a poussé à vous engager pour la cause que défend le Refuge ?

 

Frédéric Gal : Je suis arrivé au Refuge il y a cinq ans, car j'ai tout d'abord connu son président, Nicolas Noguier. Ce qui m'a le plus touché dans cette structure est le côté familial. À la fois havre de paix où chacun peut vivre, et doit vivre, dans le respect de l'autre. De même, les fonctions d'encadrant, et donc éducatives, m'ont aussi intéressé. C'est une aventure humaine passionnante et l'on en apprend autant sur soi que sur la nature humaine, tant sur ses bons que ses mauvais côtés.

 

Paroles d'Actu : Que représente le Refuge aujourd'hui ? Où est-il présent, et quelles sont les actions qu'il mène au quotidien ?

 

Frédéric Gal : Le Refuge représente un havre de paix pour tous les jeunes victimes d'homophobie. Il est présent à Montpellier, Paris, Lyon, Toulouse, Marseille, avec des antennes à Narbonne, Nîmes, Lille et Saint-Denis de la Réunion.

 

Au quotidien, nous fournissons un hébergement, un soutien social et psychologique, un accompagnement à l'entrée dans la vie active, une sensibilisation aux risques de santé tels que le VIH et les autres IST (infections sexuellement transmissibles, ndlr).

 

À l'extérieur nous menons des campagnes de prévention du suicide des jeunes et des discriminations à caractère homophobe auprès des lycéens, des étudiants et des professionnels du secteur socio-éducatif. Nous souhaitons en outre développer un réseau d'actions ayant pour objet la réflexion sur la question du suicide des jeunes gays avec les familles, ainsi que toute personne étant en contact avec des jeunes.

 

Paroles d'Actu : Accepteriez-vous de nous faire part de moments marquants ayant émaillé la vie du Refuge jusqu'ici ? Quelles sont les personnes qui vous ont le plus touché ?

 

Frédéric Gal : Parmi les moments les plus marquants, nous en avons des positifs, comme un jeune retournant dans sa famille après un travail important fait avec ses parents. Nous avons aussi les invitations des jeunes qui « pendent leur crémaillère », signe de l'aboutissement de leur autonomie. Les interventions en milieu scolaire sont aussi un temps fort de la structure, qui sensibilise chaque année plus de 1 000 élèves.

 

Parmi les événements plus négatifs, nous avons les abandons de l'accompagnement, moment toujours compliqué, même si quelquefois non dénué de sens et porteur pour le jeune ; ou encore, les moments d'accompagnement après des tentatives de suicide. Avoir une écoute empreinte d'absence de jugement et d'empathie est primordial pour tenter de comprendre et d'aider.

 

Enfin, la reconnaissance d'utilité publique a été le moment exceptionnel en 2011, consacrant ainsi tant d'années d'action.

 

Les personnes qui m'ont le plus touché sont à la fois les équipes, qui se donnent à fond au service des jeunes, les membres du conseil d'administration, notamment Véronique et Nicolas, qui sont sempiternellement au front. En première place de cette liste non exhaustive, les jeunes eux-mêmes, bien évidemment. Ils font preuve d'une force peu commune pour s'en sortir et dépasser la fatalité de ce destin si injuste. Certains de ces jeunes viennent de très, très loin, avec des histoires et un passé à peine imaginables. Je crois que c'est à eux qu'il faut « tirer le chapeau » !

 

Paroles d'Actu : Jusqu'où le mal-être de ces jeunes homosexuels, rejetés par leur entourage, parfois même par leur propre famille, peut-il aller ? De quoi avez-vous été, directement ou non, témoin ?

 

Frédéric Gal : Le mal-être des jeunes homosexuels n'est que le reflet d'une stigmatisation négative d'un comportement sexuel, hors de la norme hétérosexuelle. Ce rejet n'est bien souvent résumé qu'à cela, sans possibilité d'entrevoir que deux personnes de même sexe puissent s'aimer comme tout un chacun. Le fait religieux est aussi extrêmement présent, avec une référence régulière à l'homosexualité comme un véritable péché impardonnable.

 

De tels comportements, qui ont lieu depuis l'enfance, ont des conséquences dramatiques sur le caractère de l'enfant et sur sa capacité de résilience. Les jeunes qui arrivent au Refuge sont souvent déstructurés et n'ont bien souvent pas de repères, qu'ils soient éducatifs ou sociétaux. Il faut réapprendre un tout autre schéma, ce qui demande pour les jeunes accueillis, une grande capacité à défaire tout ce qu'ils ont construit pour pouvoir non seulement rentrer dans la société, mais pour pouvoir s'y réaliser.

 

Les conséquences du rejet sont diverses : conduites addictives (alcoolisme, toxicomanie...) mais aussi prises de risques diverses, scarification, prostitution, et enfin, les tentatives de suicide... Depuis cinq ans passés au Refuge, nous avons assisté à tous ces écueils, qui représentent, paradoxalement, pour ceux qui les pratiquent, un repère leur rappelant qu'ils sont vivants, sans oublier les appels à l'aide suscités par ces prises de risque, qui sont aussi là pour combler un manque affectif, une carence qui demeure, comme le rejet, le dénominateur commun à ces jeunes.

 

Paroles d'Actu : À combien estimez-vous le nombre de jeunes homosexuels se retrouvant à la rue chaque année suite à un rejet ou à un clash familial ? Combien en accueillez-vous ?

 

Frédéric Gal : Étant donné que l'association n'est pas implantée partout en France, nos chiffres ne sont pas représentatifs, en effet, les grands ouest et est ne bénéficient pas de nos actions et donc, nous partons du principe que nous ne sommes pas connus dans ces territoires-là... Depuis 2003, nous avons eu 1 418 jeunes (chiffres 2011) qui sont rentrés en contact avec nous, 182 hébergés, 86 jeunes accompagnés a distance et réorientés et 80 jeunes accompagnés en accueil de jour hors hébergement.

 

Paroles d'Actu : Dans quels cadres l'homophobie est-elle particulièrement présente ? Comment l'expliquez-vous ?

 

Frédéric Gal : Il n'y a pas de catégories socio-professionnelle qui soient plus impactées que d'autres. L'homophobie est présente dans toutes les sphères de la société, quels que soient la richesse, le niveau d'éducation, la culture, etc. La seule différence est sa manifestation qui diffère : plus feutrée dans les milieux plus aisés, plus directe et violente dans les milieux fortement marqués par le fait religieux ou par un cadre religio-culturel régentant les relations humaines. Ce qui ne signifie pas qu'étant plus « feutrée », elle n'en demeure pas moins terrible. Elle est sournoise et insidieuse, virant (et ce, dans tous les cas de figure) au harcèlement pur et simple.

 

Paroles d'Actu : Quel message souhaiteriez-vous adresser aux parents d'un(e) jeune homosexuel(le) qui, de bonne foi, et avec amour, vivraient très mal la situation et auraient du mal à l'accepter ?

 

Frédéric Gal : Qu'il faut surtout en parler ! Apprendre l'homosexualité de son enfant n'est pas chose aisée, lorsqu'on est inséré dans la société avec ses codes, ses rituels, le tout fortement hétéro-normé ! C'est déjà compliqué pour un jeune de se dire ou de se définir comme « différent » comparé aux autres camarades, mais quand il faut l'annoncer aux parents, imaginez ! Alors que le jeune a eu pas mal d'années pour comprendre sa situation, il peut apparaître relativement compréhensible pour des parents qui n'ont que ce modèle de référence, de s'en retrouver perdus. C'est d'autant plus important de susciter le dialogue avec son enfant pour comprendre des étapes essentielles, que ce n'est pas un choix, que ça se vit très bien et qu'il n'y a surtout pas de responsable de part et d'autre ! De plus, des associations existent pour ces parents en questionnement qui auraient besoin de conseils, ou tout simplement de discuter des expériences de chacun.

 

Paroles d'Actu : Que souhaiteriez-vous dire, cette fois-ci, à un(e) jeune homosexuel(le) qui, ayant découvert cet aspect de son identité, aurait toutes les peines du monde à tolérer ce qu'il est ?

 

Frédéric Gal : La même chose qu'aux parents : discuter ! Mettre des mots sur des situations est quelque chose de rassurant, et permet à chacun de pouvoir nommer ses peurs, ses doutes, ses projets. La discussion doit se faire à bâtons rompus, dans un climat de confiance et dans l'absence de jugement. Il est important aussi de ne pas chercher un « coupable » ou un « responsable » de cette situation, mais bien de laisser s'exprimer le jeune sur son vécu. Ce n'est qu'en nommant ses angoisses que l'on peut déjà entamer un travail pour les surmonter.

 

Paroles d'Actu : Que vous disent les jeunes qui se confient à vous, en général ? Quelles réponses leur apportez-vous ?

 

Frédéric Gal : Les jeunes qui viennent voir le Refuge nous racontent leur parcours, souvent empreint d'une grande violence. Cela va de l'ultimatum de quitter la maison familiale sous deux semaines, à devoir trouver une solution d'hébergement dans l'heure. Il y a aussi ceux qui partent avant d'être mis à la rue. En effet, certaines familles, sous une acceptation « officielle », ne peuvent pas se résoudre à constater l'homosexualité de leur enfant quotidiennement. Il n'est donc pas possible d'en parler, de faire venir son ou sa petit(e) amie(e) à la maison, de le présenter aux proches, etc... Cela revient à nier de manière encore plus hypocrite la vie sentimentale de son enfant. S'épanouir et vivre normalement n'est dès lors plus possible, et la fuite semble être la seule solution.

 

D'autres problèmes surviennent sur tous ceux déjà existants : la religion, par exemple, est très prégnante. Un jeune hébergé de 19 ans nous racontait que lorsque sa famille, de culture haïtienne, avait appris qu'il était gay, ses parents l'avaient emmené chez un prêtre vaudou pour qu'il soit exorcisé en égorgeant un poulet au-dessus de sa tête ! Ces histoires paraissent quelquefois surréalistes au XXIe siècle, et pourtant...

 

Dans les solutions proposées, nous essayons d'abord de proposer un dialogue avec les parents, lorsque celui-ci est possible. Nous proposons qu'un intermédiaire puisse rétablir le lien qui n'est plus. Nous pouvons éventuellement faire appel à des membres de l'association Contact, spécialisée dans le dialogue entre parents d'enfants homosexuels, pour renouer ce lien. L'important à apporter à ces jeunes restant une écoute déculpabilisante et dénuée de jugement...

 

Paroles d'Actu : "Suivez"-vous, après leur départ, les garçons et les filles qui ont franchi les portes du Refuge ? Pourriez-vous nous donner quelques exemples de parcours de vie ?

 

Frédéric Gal : Nous leur laissons la possibilité d'être accompagnés par la travailleuse sociale et/ou la psychologue et/ou des bénévoles à leur sortie. La suite donnée à notre hébergement et notre accompagnement n'est bien sûr pas obligatoire.

 

Pour certains, le Refuge représente une étape noire de leur vie, et l'aide apportée, même si elle fut bénéfique, renvoie malgré tout à des difficultés importantes. Ils préfèrent dès lors laisser cet épisode dans un coin de leur mémoire, sans forcément renouer contact.

 

Pour d'autres, le Refuge est intervenu à une étape dure de leur vie, voire dramatique, et est apparu comme une opportunité salvatrice. « Si vous n'étiez pas là, je ne sais ce que je serais devenu, ni si je serais encore vivant ». Ils s'engagent dès lors à nos côtés pour faire reculer ces situations dramatiques et inadmissibles. L'un d'entre eux était arrivé au Refuge avec son petit ami, et après de nombreux mois à rechercher du travail, puis un logement, est arrivé à obtenir un CDI dans une entreprise de téléphonie dans laquelle il travaille depuis trois ans maintenant. Il a voulu revenir nous voir et s'engager à son tour en tant que bénévole, mais aussi a voulu « faire plus » en s'engageant à nos côtés au conseil d'administration. Il est désormais le vice-président de l'association.

 

C'est important pour nous de ne pas les placer en situation de spectateurs de leur vie mais en véritables acteurs. C'est tout aussi important de susciter chez eux cet altruisme qui leur a permis, durant leur séjour au Refuge, d'être aidés. L'aide, c'est aussi dans l'autre sens.

 

Paroles d'Actu : Quelles seraient, d'après vous, les solutions à mettre en place, quels que soient les niveaux de décision concernés, pour réduire l'homophobie, à défaut de l'éradiquer complètement ?

 

Frédéric Gal : Bien évidemment, éradiquer l'homophobie ne sera jamais possible. Toutefois, des solutions existent pour réduire cette non-acceptation de l'autre. Il s'agirait d'abord de réaliser une sensibilisation généralisée a toute la population lycéenne et collégienne afin de promouvoir un débat et un dialogue déconstruisant les préjugés ancrés dans nos esprits. Réfléchir sur ce que signifie « être un homme », et « être une femme » semble être un bon commencement.

 

Nous préconisons la formation du personnel éducatif, tout comme des travailleurs sociaux qui sont amenés à travailler avec ce public.

 

De même, lors des groupes constitués par le ministère chargé d'élaborer un plan luttant contre les discriminations homophobes, nous nous sommes positionnés dans un débat avec les associations de parents d'élèves, et une intervention plus accrue dans les établissements agricoles.

 

L'objectif final de tout cela étant de susciter une réelle discussion, et d'abolir les clichés ou les fausses représentations que l'on peut avoir des homosexuels, des transsexuels, etc.

 

Paroles d'Actu : Les homosexuels, dans leur immense majorité, cherchent à se "fondre dans la masse" de la normalité. À être pris pour ce qu'ils sont, des gens normaux. De ce point de vue, le côté très caricatural d'une manifestation comme la Gay Pride n'est-il pas contreproductif ? Quel est votre avis sur cette question ?

 

Frédéric Gal : Lors de son arrivée sur la scène médiatique, la Gay Pride a beaucoup apporté. Enfin, les personnes homosexuelles ne se cachaient plus, se dévoilaient au grand jour face à une société puritaine et profondément homophobe. Cette médiatisation a grandement permis de faire évoluer les mœurs et je doute que nous, associations luttant contre l'homophobie, pourrions être là si nos prédécesseurs n'avaient pas eu cet énorme courage d'affronter la vindicte populaire.

 

Toutefois, nous avons évolué, et les actions menées pour la reconnaissance se doivent aussi d'évoluer, sous peine d'être vus à jamais comme une caricature permanente. Les ennemis de l'homosexualité, et ses plus grands détracteurs, invoquent sempiternellement les Gay Pride comme l'exemple même d'une instabilité de l'homosexuel - ce qui reste très risible, vu que de plus en plus d'hétérosexuels participent aux Gay Pride.

 

De même, des familles avec qui nous échangeons, accepteraient éventuellement l'homosexualité de leur enfant, mais la Gay Pride (telle que traitée dans les médias, qui n'en sont pas les serviteurs les plus représentatifs ni les plus flatteurs) apparaît plus comme un frein que comme une occasion de montrer la réalité de la grande majorité d'homosexuels : des gens fondus dans une masse pas plus « folle » et instable que la majorité des hétérosexuels !

 

Paroles d'Actu : Maintenant, deux questions, éminemment d'actualité...

 

Êtes-vous favorable à la possibilité pour les couples homosexuels d'adopter en tant que tels des enfants ? Pourquoi ?

 

Frédéric Gal : Ne pas être favorable à l'adoption reviendrait à nier une réalité qui existe depuis des années. De nombreux couples homosexuels ont des enfants : précédentes unions, divorces et remariages, etc. Cette situation qui semble apparaître en 2012 n’est qu’une continuité de ce qui est pratiqué depuis longtemps. Et ceux qui se placent comme les défenseurs du « bien-être de l’enfant » devraient se poser la question de savoir si l’aptitude d’un couple est tributaire de son sexe, ou si cela dépend de sa capacité à pouvoir apporter un cadre rassurant, éducatif et aimant à un enfant. Le plus triste est que la peur primaire qui fait s’opposer les gens à l’adoption est d’alimenter l’imagination (déjà bien remplie) de certains d’imaginer leurs enfants devenir tous déséquilibrés, homosexuels, dépravés, dans l’incapacité de donner une descendance à la société, etc. Et si ce n’est pas directement formulé ainsi, c’est bien souvent pensé comme tel.

 

L’adoption par des couples homosexuels ne changera en rien le cours des choses ou de l’histoire. Les agréments permettant à une famille (homoparentale ou pas) seront toujours distribués par les conseils généraux. En aucun cas, il ne sera question de généraliser à n’importe quel couple l’adoption, mais bien de vérifier si la famille qui se propose (monoparentale, homoparentale ou pas) sera apte à pouvoir assurer à l’enfant ce bien-être tant recherché. Et encore une fois, ces histoires de sexualité ne sont que secondaires dans le débat.

 

Paroles d'Actu : Êtes-vous favorable à l'ouverture pour ces couples du droit au mariage ? C'est un vrai problème d'égalité au regard des droits civiques, civils, pour vous ? Par exemple, un contrat donnant droit à tous les avantages du mariage suffirait-il, ou bien le terme de "mariage" est-il en soi important à vos yeux ?

 

Frédéric Gal : Bien sur, nous sommes favorables au mariage pour tous puisqu'il ouvrirait (enfin) les droits civiques pour tout un chacun et permettrait enfin de pouvoir donner une reconnaissance d'une réalité : deux hommes ou deux femmes vivant ensemble depuis des années ont le droit de pouvoir être reconnus, d'être protégés, de s'entraider au même titre que deux hétérosexuels.

 

Si toutefois, c'était le terme de « mariage » qui dérangeait les esprits, autant le changer et en prendre un autre. Certains sont dérangés par le mot et d'autres y sont farouchement attachés, comme si c'est ce terme qui permettrait de dire « Je suis comme vous ! », mais ce qui importe avant tout, c'est la présence de droits égaux pour des couples tout aussi égaux, quelle que soit la sémantique utilisée : les mots ne sont que le déguisement de nos idées.

 

Petite anecdote : une amie interrogeait son fils de 8 ans en lui demandant si lui, ça le dérangeait, deux personnes de même sexe qui se mariaient. Le petit garçon a répondu « Ben non, s'ils s'aiment ». Je crois qu'il a tout résumé !

 

Paroles d'Actu : Avez-vous envie d'adresser un message à nos lecteurs ? À quelqu'un en particulier ?

 

Frédéric Gal : J’aimerais m’adresser aux parents et aux enfants. Pour enrayer l’homophobie, il n’y a rien de tel que le dialogue et la compréhension. Des enfants sont mis au monde pour qu’ils soient heureux et qu’ils s’épanouissent, non pas pour correspondre à des critères personnels de réussite. Les parents ne doivent jamais l’oublier : nous aidons, nous accompagnons nos enfants, nous ne pouvons pas faire leur vie à leur place.

 

Paroles d'Actu : Quel souhait aimeriez-vous formuler ?

 

Frédéric Gal : Le souhait que chacun et chacune puisse laisser l’autre libre de ses actes, mais dans le respect de tous. Après tout, la définition de la liberté donnée dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen n’est-elle pas « la liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ? Le respect est la clé de la vie en commun, et non de la tolérance. Pour citer Goethe : « La tolérance ne devrait être qu'un état transitoire. Elle doit mener au respect. Tolérer c'est offenser. »

 

Paroles d'Actu : La dernière question. En fait, une tribune libre. Vous pouvez compléter un point déjà abordé, parler d'autre chose... Vous êtes libre. Merci infiniment !

 

Frédéric Gal : Merci à vous surtout pour nous avoir laissés nous exprimer !

 

 

Un grand merci à Monsieur Frédéric Gal pour les réponses extrêmement intéressantes, touchantes qu'il a accepté de m'apporter. Et un "bravo" sans retenue pour les actions qu'il mène au quotidien aux côtés des équipes du Refuge. Phil Defer. Un commentaire ?

 

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Présentation remaniée : 09/12/14

26 novembre 2012

Libres ! ... "La liberté est en très grand danger"

Il y a ce plombier de Belgique. Cet économiste français. Cette secrétaire, basée en Suisse. Ce professeur vivant aux États-Unis. Ce qui les réunit tient en un mot. C'est un cri de ralliement. "Libres !" Ils sont cent. Certains sont d'éminents universitaires. Dans tous les cas, des individus dotés d'un solide bon sens. Ils ont pris part, bénévolement, à la rédaction de l'ouvrage "Libres !", produit par le collectif "La main invisible". Une ode à la liberté au travers de cent articles, cent thématiques concrètes. Un manifeste contre les idées reçues. Un appel à la réflexion, à la conscience de chacun. Leurs positions ne feront à l'évidence pas l'unanimité, mais les questions qu'ils abordent mériteraient toutes de faire l'objet d'une publicité accrue, de débats publics. Ulrich Genisson et Stéphane Geyres, co-fondateurs du collectif, ont eu l'idée de ce livre libre de droits il y a un an. Ils ont accepté, deux mois après sa sortie, de répondre à mes questions. Je les en remercie chaleureusement. Et je suis heureux, avec ce document, d'offrir à ma modeste mesure un espace d'expression supplémentaire à une initiative originale, qui gagne à être connue. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIENS EXCLUSIFS - PAROLES D'ACTU

ULRICH GENISSON

et

STÉPHANE GEYRES

Co-fondateurs du collectif "La main invisible"

Coordinateurs, co-auteurs de "Libres !"

 

"La liberté est en très grand danger"

 

Libres

(Photos fournies par U. Genisson et S. Geyres)

 

 

Q : 17/11/12

R : 25/11/12

 

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Stéphane Geyres, bonjour Ulrich Genisson. Avant d'aller plus loin, qu'est-il intéressant, utile que nos lecteurs sachent de vous ? Quels parcours individuels vous ont conduits à nous présenter aujourd'hui ce "bébé" commun, un livre intitulé "Libres !"?

 

Stéphane Geyres : J’ai depuis toujours trouvé bizarre que le système qui nous entoure soit à ce point plein d’incohérences et de malversations, sans que les gens semblent vraiment choqués. Un truc n’allait pas, mais quoi ? Ensuite, ingénieur, j’ai eu pour mon métier à me former à l’économie. Après pas mal de recherches infructueuses, où toutes les théories voulaient me mettre dans d’improbables équations, je suis tombé avec bonheur sur l’école autrichienne, puis sur la littérature libertarienne, et le puzzle s’est enfin mis en place. Depuis, pour mes filles et les jeunes, je milite sur Internet.

 

Ulrich Genisson : Passionné par l’économie depuis toujours pourrais-je dire, en quête permanente pour rassembler les éléments manquants, je suis arrivé au libéralisme à proprement dit, par Milton Friedman, qui, quoi qu’on puisse en penser, à largement participé à la vulgarisation des idées de la liberté économique, du libre échange et d’un état moins présent. J’ai ensuite pris la peine de remonter dans le temps pour lire les ouvrages incontournables du libéralisme classique. Restant toujours sur ma faim, avec une pièce de puzzle manquante, j’ai enfin découvert l’œuvre de Murray Rothbard, et alors tout s’est parfaitement emboité, avec une logique et une légitimité implacable : l’homme libre, propriétaire et responsable.

 

 

PdA : Racontez-nous l'histoire, tout à fait atypique, de "Libres !", de l'idée d'origine à sa sortie effective ?

 

Ulrich Genisson : L’idée à germé le 17 octobre 2011 et quelques minutes après, Stéphane me disait : banco ! Pourquoi autant de méconnaissance sur les idées de la liberté, pourquoi en est-on arrivé à qualifier à tort « d’ultralibérales » toutes les dérives du capitalisme de connivence et de la social-démocratie, pourquoi l’espoir de rendre aux individus les libertés que nous avions quelques décennies auparavant passent-elles pour une utopie ? Il n’y a je crois, que peu de sujets aussi mal connu que le libéralisme, et même pire, on lui prête des maux qu’il combat pourtant sans aucun doute possible. Nous avons la chance d’avoir quelques centaines d’excellents auteurs de par les siècles. Malheureusement ils sont très méconnus en France. Il suffit de demander dans la rue qui connait Frédéric Bastiat, député des Landes en 1850, pour s’en rendre compte, alors qu’il est mondialement connu (nul n’est prophète en son pays)! Nous avons donc eu l’idée de faire un livre à 100 auteurs, sur 100 sujets, très facile à lire, au prix le plus bas, pour mettre les idées d’un monde libre dans les mains du plus grand nombre, rien de moins. Nous avons fait un super best-of d’initiation à « la liberté rendue à chacun » avec pour ambition de donner envie, de susciter des vocations et surtout – l’esprit – de l’homme libre !

 

Stéphane Geyres : L’idée est d’Ulrich au départ, mais je l’ai tout de suite suivi, il fallait – il faut encore – secouer les libéraux qui sommeillent en chacun de nos amis, voisins, concitoyens. Pour ma part, outre le suivi de mes 50 auteurs, j’ai plus spécialement pris en charge la revue des articles, la maquette, l’assemblage et le respect des règles – 2 pages chacun – bref la préparation du livre. L’organisation de l’expédition des 2000 exemplaires de la pré-édition aux 200 auteurs et supporters a aussi été un grand moment – les postières s’en souviennent encore… Ulrich a été un grand marketeur.

 

 

PdA : Quel premier bilan tirez-vous de cette aventure, deux mois après la publication de l'ouvrage ? Quelles sont vos ambitions avouées le concernant ?

 

Stéphane Geyres : Je suis à la fois très heureux et fier, et très mitigé. Nous avons montré qu’il est possible de mobiliser 200 personnes sur le thème de la liberté, la simple existence du livre est en soi une satisfaction. Les retours sont tous très positifs. Mais – et je suis sûr qu’Ulrich le dira – nous espérions un démarrage plus flamboyant. Rien n’est joué, mais si un tel livre ne perce pas plus vite, c’est qu’il y a vraiment un grave problème en France en matière de perception de la liberté.

 

Ulrich Genisson : Dans mon esprit, le libéralisme souffre d’une de ses qualités. Dans les courants de pensées collectivistes, qu’ils soient marxistes, socialistes et autres joyeusetés de ce genre, il y a quelques « intellectuels » qui en sont les leaders et un énorme pourcentage de « veaux » à qui on fait faire n’importe quoi – y compris la guerre – des personnes qui ne sont pas là pour penser, mais pour agir. Chez les libéraux, la quasi-totalité des individus a pris le temps de lire beaucoup d’ouvrages et s’est donc forgé sa propre opinion. Effet pervers, depuis des siècles maintenant, les libéraux de tous les courants ont pris comme habitude, et même comme religion, d’être incapables de travailler ensemble sur les 95% qui les rassemblent, tout en prenant tout le temps et toute l’énergie nécessaire à s’éviscérer sur les 5% qui les opposent. Le bilan est pitoyable, car non seulement nous sommes totalement inaudibles aux yeux du grand public, mais si par chance une idée libérale venait à sortir du lot, elle serait immédiatement lapidée par des libéraux qui sont en opposition. Non seulement nous devons nous battre contre les ennemis de la liberté, mais nous devons aussi consacrer une large part de notre énergie pour nous bagarrer entre nous. Heureusement, je pense qu’avec LIBRES ! Nous avons prouvé qu’il était possible de collaborer, dans le respect des idées de chacun. Nous avons réussi en peu de pages, à faire travailler 100 auteurs, qui sont presque autant de courants de pensées, en formulant un message clair et cohérent : la liberté, pour tous, partout, maintenant !

 

 

PdA : Vous vous revendiquez tous deux de « l'anarcho-capitalisme ». Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet ?

 

Ulrich Genisson : C’est très simple. Murray Rothbard disait : « La liberté, c’est le droit de faire ce qu’on désire avec ce qu’on a. » Quand on prend le temps de réfléchir à cela, on s’aperçoit qu’on a là un tout. Ne pas voler, respecter l’autre, pouvoir utiliser toute sa liberté dans le respect de la même liberté pour les autres, c’est-à-dire utiliser ce qu’on a et pas ce que les autres ont. L’anarcho-capitalisme se fonde sur la liberté pour chaque individu ainsi que son corolaire, qui est la responsabilité de ses choix, le tout dans un cadre de propriété privée. Ce terme désigne simplement la possibilité pour chacun de vivre sa vie pleinement, de pouvoir faire absolument tout ce qui ne crée pas de préjudice aux autres. Liberté de choisir ses mœurs, sa vie, de sa propre naissance à sa propre mort, son alimentation, ses vices et ses vertus, sa religion, où aller et avec qui, quoi faire comme métier, comment dépenser son argent… L’anarcho-capitalisme c’est aussi la mise en place d’une vie en société riche ! Christian Michel le résume parfaitement ainsi : « La société que nous construisons, inédite dans l'Histoire, est une société sans pouvoir, à la fois très modeste, car elle renonce aux grandes épopées des princes et des États, et très ambitieuse, car elle demande l’engagement de chacun au quotidien. C’est une société qui abandonne la politique pour la politesse, la citoyenneté et le civisme pour la civilité. » C’est donc une société concrètement humaine, une société qui permet à chacun d’aider la personne en détresse qui se trouve sur son chemin et pas une société équipée d’œillères qui demande à l’état de s’occuper de tout – hypocritement – mais qui laisse mourir des gens dans la rue avec bonne conscience. L’anarcho-capitalisme c’est simplement une société d’hommes et de femmes, libres, responsables, propriétaires, à commencer dans leur travail. C’est une société qui s’est débarrassée de ses politiciens, une société d’affranchis ! Nous n’avons pas besoin d’état, mais l’état à besoin de nous et nous le rappelle sans cesse. Arriver à se débarrasser des coercitions de l’état sera probablement l’évolution humaine la plus importante de toute histoire.

 

Stéphane Geyres : Ce terme d’anarcho-capitalisme est un peu barbare, mais en fait le concept est très simple. Il consiste à constater que la seule manière de réaliser une société juste et humaine parce que vide de privilèges indus et de dissymétries de pouvoir, c’est de s’appuyer entièrement sur l’équité que le marché de libre-échange seul garantit. Autrement dit, « l’anarcapie » est une société sans pouvoir ni bureaucratie où tout repose sur la propriété privée et le commerce – y compris pour les fameuses fonctions régaliennes. Vos lecteurs seront probablement choqués par une telle idée, car on nous explique depuis notre plus jeune âge que le marché, « c’est mal », mais en réalité, il n’en est rien – et les contre-exemples grouillent autour de nous. Le simple fait que le marché noir se mette spontanément en place lorsque l’état devient insupportable démontre le caractère naturel du marché – et malsain de l’état. Je tiens à rappeler que le livre n’est pas pour autant anarchiste, le libéralisme que vous y lirez vient de 100 personnes aux sensibilités variées et souvent très réalistes.

 

 

PdA : Imaginons un instant que, portés par une vague d'enthousiasme extraordinaire en faveur de vos idées libérales, vous arriviez au pouvoir en France. L'un de vous deux serait à l'Élysée, l'autre à Matignon, soutenu par un parlement acquis à vos idées. Certes, il y a des hypothèses plus réalistes. Et de toute façon, vous me direz sans doute que vous ne voulez pas du pouvoir... Mais vous avez compris le sens de ce scénario. Que feriez-vous de ce pouvoir ? Quel serait votre programme, votre plan d'action ?

 

Stéphane Geyres : C’est extrêmement simple – on y a déjà réfléchi, au cas où… :) Ce scénario est proche de ce que Ron Paul aurait je pense joué aux Etats-Unis s’il avait eu l’investiture républicaine. Il y a trois temps. Tout d’abord, on libéralise tout ce qui peut l’être immédiatement, c’est-à-dire ce qui n’affecte pas le social ni la sécurité. Par exemple, tous les services publics perdent leurs monopoles. Cela dégage vite assez d'économies pour permettre de peu à peu supprimer tous les avantages sociaux et de libérer tout le droit du travail. Chômage réglé. En cinq ans, on doit pouvoir même réduire à néant le plus gros du mille-feuilles des collectivités territoriales. C’est cela le courage libéral. Le livre propose une autre approche que votre scénario. Celui de la panarchie, où plusieurs régimes politiques sont en concurrence sur le même territoire.

 

Ulrich Genisson : Le seul pouvoir qui m’intéresse c’est celui que je veux sur moi-même. La seule chose utile à faire pour profondément libérer chaque individu est la mise en œuvre d’une liquidation de l’état. Quand on réalise au fond de quelle ruine les hommes de l’état vont nous plonger pour des décennies, on est en droit de se demander jusqu’à quand les peuples vont tolérer et supporter cela. Il existe une 3è voie entre continuer la fuite en avant et tout arrêter en souffrant pendant des dizaines d’années pour éponger les dérives d’hommes irresponsables. Cette voie est simple, facile à mettre en œuvre, ne piétine la liberté de personne et peut remettre les compteurs à zéro en quelques mois, tout en limitant très largement les pertes… Mais pour cela, il faut liquider l’état. Vivre sans état n’est pas le désordre comme beaucoup le pensent, bien au contraire. Une vie sans état, c’est le droit pour chaque individu de vivre librement, en sécurité et non sous le joug d’une classe dirigeante capable des pires injustices pour s’imposer de force !

 

 

PdA : Bon... Revenons à des considérations plus terre-à-terre. Plus réalistes, en tout cas. Imaginons maintenant qu'un gouvernement, quelle que soit sa "couleur", vous commande un rapport sur le thème suivant : "Libérer la société et l'économie françaises". Quelles seraient vos recommandations principales ?

 

Ulrich Genisson : Si on devait me commander un tel rapport, il serait favorable à la lutte contre la déforestation car il tiendrait sur une page, où serait inscrit simplement : « Cessez de vous occuper de nous ! » Plus sérieusement, je doute de l’utilité d’un tel rapport. Les peuples sont devenus des junkies de la dépense publique. On ne vote plus pour un bien-être collectif (défense, justice…) mais pour imposer aux autres ses propres choix. Quand dans un pays, plus de 50% des citoyens reçoivent de la part de l’état, alors que moins de 50% sont obligés de donner à l’état, comment voulez-vous espérer la moindre prise de conscience autrement que lors de la faillite du système ? Plus que jamais, Frédéric Bastiat avait raison : « L’état, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde. »

 

Stéphane Geyres : Il faut bien voir que contrairement aux croyances ambiantes, il est naturel d’être libéral, on naît libéral et la société laissée à elle-même s’organise spontanément toujours selon les principes libéraux. Ce qui rend la France non-libre, c’est sa culture et son jacobinisme, enseignés à l’école. Je rejoins Ulrich, pour libérer la France, pas besoin d’un rapport, on en connaît la substance depuis Say, Turgot, Constant, Bastiat, Molinari et tous leurs héritiers : il faut et il suffit de retirer l’état de tout ce qui ne touche pas strictement à la justice et à la sécurité, et cesser de dire et d’enseigner que l’état est la solution légitime et unique à tous nos problèmes. Mon rapport se contenterait de rappeler que le seul rôle éventuellement légitime pour l’état, ce sont les fonctions régaliennes et rien d’autre, et qu’en gros tous les fonctionnaires et assimilés intervenant hors du champ de la police et de la justice doivent être remis sur le champ sur le marché du travail, où ils pourront trouver une fonction bénéfique.

 

 

PdA : Quels sont les pays, les territoires, les expériences historiques... qui font figure d'exemples à vos yeux ?

 

Stéphane Geyres : Les États-Unis à leur tout début étaient un espace proche de l’idéal de la société libre. Les micros-états et paradis fiscaux comme San Marin ou Andorre sont aussi de bons candidats. L’Europe médiévale avec ces multiples villes-états fut aussi proche de ce qui sera – indubitablement – l’avenir de l’organisation sociale libre.

 

Ulrich Genisson : À mes yeux, je ne vois que des bribes de libertés tantôt sociétales, tantôt économiques, car au fond partout dans le monde, les peuples sont soumis plus ou moins à la coercition de quelques-uns. Il est d’ailleurs caustique de voir qu’on jette des gens en prison dans certains pays pour une même pratique vue comme totalement légale dans d’autres, sans que ça ne choque personne. La France est devenue un pays de joueurs de loto qui détestent les riches tout en voulant le devenir. Schizophrénie ? Beaucoup l’ont déjà dit, mais le retour aux réalités sera dur !

 

  

Ulrich Genisson

Ulrich Genisson

 

  

Stéphane Geyres

Stéphane Geyres

 

 

PdA : Où devrait-on placer, de votre point de vue, les bornes de limitation de l'intervention des personnes publiques ? Quels secteurs l'État et ses assimilés devraient-ils évacuer ? Où se situe l'action publique souhaitable parce que nécessaire ?

 

Ulrich Genisson : Tout ce qui ne cause pas de préjudice à un autre individu doit être légal. La liberté d’établir des contrats devrait être totale. Aucune participation dans aucune activité économique ne devrait être possible pour l’état, ce qui implique par exemple la disparition de ce qui est qualifié de si précieux en France : le service public. Partant de là, les prérogatives de l’état seraient déjà réduites de 95%.

 

Stéphane Geyres : La liberté, ce n’est pas la loi de la jungle. Il y a classiquement deux façons de voir les choses. Les « minarchistes » pensent que l’état et ses bureaucrates doivent se limiter au strict périmètre régalien – justice et sécurité, mais aucunement ni santé, ni monnaie, ni éducation, ni routes. Les libertariens que nous sommes pensent que même justice et sécurité sont trop importantes pour être confiées et assurées par les hommes de l’état. Il faut bien voir que c’est une question de moralité. Quand on parle d’état, on entend en général bureaucratie et fonctionnaires au statut inamovible. Or c’est là qu’est le danger car ce statut rend le fonctionnaire irresponsable de ses actes. Le policier ou le juge fonctionnaire peut commettre la pire des erreurs judiciaires sans être remis en cause. Pour un juge privé, ce serait tout le contraire et c’est précisément cette pression du marché et de la responsabilité qui assurerait des services de police et de justice de bien meilleure qualité. L’anarchie n’est pas la jungle, c’est au contraire un havre de justice et de sécurité.

 

 

PdA : J'aimerais votre avis sur la Sécurité sociale à la française. Le dispositif est certes coûteux, mais il garantit un bon niveau de santé à la population. La prévention joue à plein, et nul n'est exclu, du fait d'un manque de revenus - sur le papier en tout cas - des soins les plus lourds. Il y a sur ce sujet un relatif consensus dans la société. Et vous, qu'en pensez-vous ?

 

Stéphane Geyres : Ulrich sera, je pense, d’accord, je conteste ce consensus que vous avancez et je le pense pour ma part tout à fait incertain. Comment savez-vous par exemple que le niveau de soin et de santé est bon ? Comment peut-on même imaginer savoir le mesurer ? Car la santé, c’est comme tout dans la société, une affaire individuelle. Mon besoin de soin n’est pas le même que le vôtre. Donc ma mesure de satisfaction a toute chance d’être différente aussi. Contrairement à tout ce qu’il est politiquement correct de dire en ce pays, la santé est un sujet qui relève strictement de l’économique, car il s’agit d’utiliser au mieux les ressources rares que sont les médecins, les laboratoires, les médicaments, les équipements. Il faut donc au contraire totalement la rendre au marché privé pour qu’elle soit « de bon niveau ». Patrick Casanove, médecin de nos auteurs, a rédigé un article et même un livre qui dénoncent cette croyance en nos Sécu et système de santé.

 

Ulrich Genisson : J’ai perdu ma grand-mère par manque de couvertures dans un hôpital public, on a refusé un traitement expérimental à ma mère parce que non encore validé par la sécurité sociale alors qu’il coûtait 10 fois moins cher que son traitement en cours. Alors celui qui vient me parler de « bon niveau », je pense qu’il faut simplement lui payer un billet d’avion, pour aller voir aux USA, en Suisse, en Asie, ce qu’on peut avoir comme qualité de soins et à quel prix. Il suffit de voir ce qui se passe à l’étranger pour s’apercevoir que nous avons un système de soin de plus en plus défaillant, qui use les personnels, qui démotive, et qui coûte de plus en plus cher. 

 

 

PdA : Arnaud Montebourg en ministre activiste du Redressement productif pour tenter de maintenir certaines activités sur le territoire, de promouvoir le "Made in France"... Plutôt pas mal ? Risible ? Carrément néfaste ?

 

Ulrich Genisson : Si j’étais libre de m’exprimer, je dirais : risible, carrément néfaste et j’ajouterais très dangereux. Mais comme je ne suis pas libre… Achille Tournier disait : « La politique est le seul métier qui se passe d’apprentissage, sans doute parce que les fautes en sont supportées par d'autres que par ceux qui les ont commises. »

 

Stéphane Geyres : Les Renseignements Généreux m’empêchent de dire ici ce que je pense du personnage et de son incompétence en économie, laquelle finit par le rendre catastrophique pour ces couches sociales mêmes qu’il prétend avoir à cœur. Juste une chose. Frédéric Bastiat, Député des Landes en 1848 et fin économiste, oublié depuis en France mais mondialement connu, l’a démontré dès cette époque – et bien d’autres auteurs depuis : le protectionnisme, sous quelque forme que ce soit, est néfaste pour toute économie, pour tout pays, pour toute commune. Il enrichit les mauvais industriels et appauvrit les consommateurs, c’est-à-dire ceux qui sont les plus nombreux. La prospérité passe par la mondialisation du libre-échange. L’enrichissement de tous suppose que les entreprises – y compris publiques – affrontent la concurrence et se tiennent compétitives. Montebourg devrait pousser à la compétitivité du pays et non à la protection courte-vue d’emplois déjà dépassés.

 

 

PdA : Les deux questions précédentes m'inspirent celle qui suit... La solidarité nationale... La patrie... Une attaque récurrente - ça ne la rend pas juste pour autant - lancée par leurs détracteurs aux "très" libéraux : ces valeurs leur seraient étrangères. Que vous inspirent ces notions ? Qu'aimeriez-vous répondre à cela ?

 

Stéphane Geyres : Il y a trois choses différentes je crois dans cette question. La solidarité, tout d’abord, est je crois un phénomène spontané. Contrairement à ce que beaucoup avancent, les gens s’entraident spontanément, la charité existe, elle est même énorme dans les pays anglo-saxons – là encore, il y a un article dans Libres !, par Alexandre Gitakos, sur ce sujet. Par contre, je ne vois pas en quoi la solidarité « nationale » aurait un sens. Faut-il être obligé d’être « solidaire » d’un inconnu sous prétexte qu’il a le même passeport ? Même s’il ne donne aucun signe de mériter un tel geste ? Patrie et nation sont en effet des notions très contestées par les libéraux, car elles nient la nature individuelle de l’homme et tentent de lui sur-imposer une abstraction arbitraire. J’ai moi-même écrit un article dans Libres ! qui explique ce point de vue sur la nation.

 

Ulrich Genisson : Le jour ou l’on m’expliquera ce qu’est la France, ce qu’est un français, par déduction on pourra peut-être définir ce qu’est la patrie. A ce jour, ma patrie c’est la liberté et tous ceux qui pensent que la liberté est une cause primordiale dans leur vie défendent la même patrie que moi. Un français, bientôt, ce ne sera rien d’autre qu’un individu obligé et soumis à l’état contrôlant les français. Je suis désolé, mais cette patrie là, je n’en veux pas.

 

 

PdA : Quelles restrictions au concept de "liberté" jugez-vous raisonnablement acceptables ?

 

Ulrich Genisson : Aucune restriction n’est recevable. Les droits naturels que nous recevons, la vie, la liberté, sont inaliénables. La propriété (concept expliqué simplement dans LIBRES !) est absolument centrale dans la vie de chaque individu, aussi bien envers son propre corps qu’envers ses biens c’est-à-dire son travail. Une nouvelle fois, Murray Rothbard nous l’explique si simplement : « Je considère la liberté de l’individu non seulement comme moralement excellente en elle-même, mais aussi comme la condition nécessaire de toutes les autres valeurs que chérit l'humanité : la vertu, la civilisation, les arts et sciences, la prospérité. Mais la liberté a toujours été menacée par les ingérences du pouvoir politique, pouvoir qui essaie de réprimer, de maîtriser, de paralyser, d’imposer et d’exploiter les fruits de la production. Le pouvoir ennemi de la liberté, est presque toujours concentré dans ce réceptacle de la violence qu’est l’état, et obnubilé par lui. »

 

Stéphane Geyres : Restrictions ? Aucune bien sûr. Mais votre question montre à mon sens une incompréhension chez bien des gens. On oublie souvent que la liberté suppose la responsabilité, car pour respecter celle d’autrui – et donc qu’autrui respecte la mienne – il faut que je sois conduit à assumer mes actes et mes éventuels irrespects. La responsabilité m’assure qu’autrui sera motivé à respecter ma liberté, et moi la sienne. A partir de cet équilibre de base, pourquoi chercher à limiter ? Au contraire, un des enjeux de notre société, où de nouvelles formes de relations sociales émergent – via Internet, les réseaux sociaux, demain le robots peut-être – c’est justement de tirer cet enseignement de la simplicité efficace de la liberté pour la voir appliquée à tous ces nouveaux espace. Un grand risque moderne, c’est la prise en main d’Internet par les bureaucrates. Il faut absolument conserver à Internet sa nature apolitique et apatride.

 

 

PdA : Quelles sont, finalement, ces libertés que vous revendiquez ?

 

Stéphane Geyres : Toutes donc. :) A commencer par celle de ne pas avoir à payer d’impôts, surtout pour des services que je n’utilise pas ni n’ai même souhaités. Celle de faire ce que je veux chez moi, y compris jeter dehors tout locataire qui ne respecterait pas son engagement à payer son loyer. Celle de rouler à la vitesse que je veux, pourvu que je m’assure que je ne heurte ni n’accidente personne. Celle d’embaucher ou de licencier sans avoir de comptes à rendre à personne à part ces employés eux-mêmes. Toutes.

 

Ulrich Genisson : Simplement la liberté de vivre à 100% sa vie ! Rien de plus, rien de moins. Si vous voulez vivre dans une cabane au fond du jardin en mangeant bio tout en travaillant 15h par semaine, libre à vous ! Si vous voulez sauter en parachute d’endroits improbables et risquer de perdre votre vie au quotidien, libre à vous ! Si vous voulez travailler dur pour sortir de la misère et donner un avenir à vos enfants, libre à vous ! Personne ne sait mieux que vous la route que vous devez suivre, car vous seul êtes légitime pour la tracer…

 

 

PdA : Pourquoi nos lecteurs devraient-ils acheter "Libres !" ? Quels sont vos meilleurs arguments ?

 

Ulrich Genisson : Les français et plus largement tous les citoyens occidentaux ont troqué leur liberté contre une hypothétique sécurité et une passion pour l’égalité. Victor Hugo disait : « En général, en France, on abandonne trop volontiers la liberté, qui est la réalité, pour courir après l’égalité, qui est la chimère. C’est assez la manie française de lâcher le corps pour l’ombre ». Nous sommes arrivé à la fin d’un cycle, l’état étant à bout de souffle et manque de carburant c'est-à-dire d’argent. Nous arrivons à la croisée des chemins où chacun va se retrouver devant un choix : d’un coté la liberté, de l’autre, l’esclavage le plus total. LIBRES ! a été initié, conçu pour attirer l’attention ce qu’est vraiment la « route de la liberté » pour ne pas que nous empruntions une fois de plus « la route de la servitude ». 100 sujets simples d’accès, chaque thème se lisant entre 3 stations de métro. 100 auteurs représentants toute la diversité possible d’âges, de professions, de niveaux possibles. Vous êtes une mère de famille inquiète pour l’avenir de ses enfants ? Ce livre est pour vous ! Vous êtes un motard qui en a ras-le-bol de se faire persécuter ? Ce livre est pour vous ! Vous êtes un jeune chef d’entreprise qui ne comprend pas pourquoi, malgré tout ses efforts, l’état vit très bien sur son dos alors que lui ne vit plus ? Ce livre est pour vous ! Personne n’est exclu dans ce livre, tout le monde y trouvera une résonance dans sa propre vie.

 

Stéphane Geyres : Ils sont libres eux-mêmes, mais ils l’ont oublié. Quand ils se seront rendu compte qu’ils sont en fait libéraux, que la liberté, c’est la vie, ils se rendront compte que cette liberté dont ils ont envie au fond d’eux est en réalité légitime et possible. Libres ! a été écrit pour que les gens se rendent compte que la liberté, ils l’ont en eux, que le droit libéral est une notion simple, naturelle et de bon sens. Que toutes – je dis bien toutes – nos difficultés sociales sont en réalité l’effet de quelque immixtion abusive et injustifiée des bureaucrates dans notre vie et nos affaires privées légitimes.

 

 

PdA : Quels sont vos projets ? Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

 

Stéphane Geyres : Pour l’instant, il s’agit de faire de Libres ! un succès, c’est-à-dire qu’on vienne à parler de Libres ! comme d’un événement politique et littéraire majeur.

 

Ulrich Genisson : Nous attendons sincèrement que ce livre soit repris massivement. Nous avons réunis toutes les conditions pour cela, que se soit par les courants représentés, le nombre d’auteurs, les textes libres de droits, les 550 journalistes et célébrités contactées qui ont reçu un exemplaire de LIBRES ! Nous avons tous offert ce travail à notre cause : La liberté !

 

 

PdA : Un message à adresser à nos lecteurs ?

 

Ulrich Genisson : La liberté est en très grand danger. Si vous la laissez tomber maintenant, ne vous plaignez pas un jour qu’elle vous laisse tomber à son tour.

 

Stéphane Geyres : Libres ! a été écrit pour tout le monde, pour les gens inconnus comme vous et moi. Il est facile à lire, il parle de sujets qui vous concernent. C’est votre livre.

 

 

PdA : Un dernier mot ? Merci infiniment !

 

Stéphane Geyres : Ces questions sont intéressantes, mais souvent mériteraient d’y consacrer du temps, tant on n’est peu habitué de parler de liberté. Une série d’interviews, sujet par sujet, me semblerait une bonne idée, une suite logique…

 

Ulrich Genisson : Je souhaite que nos lecteurs se posent cette question : On dit du peuple qu’il n’est pas assez lucide et intelligent pour décider de son destin. Mais alors pourquoi lui donner le droit de choisir les hommes et les femmes politiques qui le feront à sa place ? Un individu capable de choisir ses chefs, ne devrait-il pas plutôt voter pour lui-même ?

 

 

 

Merci encore à tous les deux pour vos réponses, tous mes voeux de succès pour "Libres !". Phil Defer

 

 

 

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29 septembre 2012

Véronique de Villèle : "Il ne faut pas penser qu'ils ne comprennent plus rien, c'est faux..."

Véronique de Villèle, ça vous parle ? Non ? Et si je vous dis... Véronique et Davina ? Voilà. Pendant sept ans, de 1981 à 1987, le duo culte a fait bouger toute la France avec son émission Gym Tonic. Elle était diffusée les dimanches, en fin de matinée, sur la chaîne qui s'appelait à l'époque Antenne 2. Aujourd'hui, Véronique aime toujours autant le sport, elle continue d'ailleurs de l'enseigner. C'est l'un des sujets qu'elle a accepté d'aborder pour Paroles d'Actu. Surtout, elle évoque pour nous le combat de sa vie, celui qu'elle mène au sein de la Fondation pour la Recherche sur Alzheimer (ifrad). Et quelques uns des visages qui sont et resteront chers à son cœur : son père, sa maman, son filleul Max, Mireille Darc, Alain Delon, le docteur de Ladoucette, le professeur Dubois, Stéphanie Fugain...

 

Le questionnaire d'origine date du 13 septembre, quelques jours avant le grand gala de la Fondation. C'est sur cette base qu'a eu lieu, le 29 au matin, notre échange avec Véronique de Villèle. Un très beau moment, un moment d'émotions. Et quelques images, images d'une vie, images d'une femme de cœur... Merci infiniment, chère Véronique de Villèle. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

VÉRONIQUE DE VILLÈLE

Membre d'honneur de la Fondation pour la Recherche sur Alzheimer

Membre du Comité d'organisation de la Fondation

 

« Il ne faut pas penser qu'ils ne

comprennent plus rien, c'est faux... »

 

Véronique de Villèle

(Photos fournies à ma demande par Madame Véronique de Villèle)

 

Entretien : 29/09/12

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Véronique de Villèle. Comment allez-vous ?

 

Véronique de Villèle : Ça va très bien !

 

PdA : Pour le grand public, vous êtes avant tout et pour toujours la Véronique de Véronique et Davina, le duo mythique de l'émission Gym Tonic. Quel regard portez-vous sur cette expérience, avec le recul ?

 

V.d.V. : Cette émission est une magnifique expérience... Une rencontre immense avec un public enchanté. Un succès incroyable... Tous les dimanches matins, plus de douze millions de téléspectateurs... Fou ! Et ça a duré sept ans !

 

PdA : Que vous a apporté l'émission ?

 

V.d.V. : Une reconnaissance du public, un immense succès. Et le bonheur d'apporter dans des foyers loin de Paris un peu de bonne humeur et des exercices à faire chez eux, en famille.

 

Véronique et Davina

 

PdA : Aujourd'hui encore, vous continuez à donner des cours. Fitness, danse, pétanque... D'où vous vient cette passion pour le sport ? Quelle place tient-il dans votre vie ?

 

V.d.V. : Une place importante. L'exercice physique est obligatoire pour la santé. J'ai toujours fait du sport : natation, ski, golf, gym, et bien sûr pétanque. La pétanque est un sport où il faut réfléchir, c'est de la stratégie. On y fait aussi de l'exercice, on se baisse environ quarante fois pour ramasser ses boules...

 

PdA : Quel est, en substance, le message que vous essayez de transmettre à celles et ceux qui, nombreux et de tous âges, comptent parmi vos élèves ?

 

V.d.V. : De l'énergie, de la bonne humeur. D'être toujours positif. Travailler le corps, mais aussi sa tête. 

 

PdA : Ouvrons une page un peu plus politique... Vous vous êtes très clairement prononcée pour Nicolas Sarkozy lors de la dernière campagne présidentielle, apparaissant même comme "vice présidente" dans l'organigramme de son comité de soutien. Voulez-vous évoquer pour nous cet engagement ?

 

V.d.V. : Oui, pourquoi pas... J'aime l'intelligence de cet homme. J'aime son énergie. J'aime ses idées. Je l'aime tout court. En plus, il a de l'humour... Je pense qu'il a l'envergure d'un grand chef d'État, c'est tout ! Je le regrette énormément...

 

Véronique et NS

 

PdA : Sans transition... Engagement, toujours, d'une autre nature... Vous faites partie du Comité d'organisation de la Fondation pour la Recherche sur Alzheimer (ifrad). Pourquoi cette cause vous tient-elle tellement à coeur ?

 

V.d.V. : Très à cœur... C'est une rencontre importante, avec le docteur Olivier de Ladoucette, il y a dix ans. À la mort de mon père, j'étais désespérée. Il m'a aidée, beaucoup parlé, et m'a dit, « Je vais avoir besoin de vous, besoin de toute votre énergie, nous allons créer une fondation pour aider les chercheurs sur cette maladie atroce, Alzheimer... ». J'ai dit oui.

 

Et voilà, depuis, j'y mets tout mon cœur. J'utilise mon "joli" carnet d'adresses et nous organisons des soirées de gala, des conférences, nous cherchons des donateurs. J'ai un de mes frères, Frédéric, qui m'aide beaucoup aussi avec ses relations. Maintenant, nous sommes une grande équipe, nous fonctionnons très bien. La Fondation est connue et nous aidons la recherche. Il y a dix ans, nous étions six !

 

PdA : Le 18 septembre dernier s'est tenu un grand gala au Cirque d'Hiver au profit de la Fondation, présidé par Alain Delon et présenté par vous-même. Quelles images en garderez-vous ?

 

V.d.V. : Ce que je vais vous dire est idiot ! Mais... grand souvenir, lorsque je suis sur scène pour présenter cette magnifique soirée et que j'appelle le président de la Fondation... Il arrive avec une bougie allumée, me l'offre, dit quelques mots sur moi et demande à la salle entière (neuf-cents personnes) de chanter « Happy birthday Véro »... Émouvant et magnifique ! Le soir du gala, le 18 septembre, était pile le jour de mon anniversaire !

 

Plus sérieusement, je garde le souvenir d'une belle soirée, d'un concert aux airs de Michel Berger... Et surtout, une tombola, avec des lots offerts par des maisons prestigieuses, qui a rapporté beaucoup d'argent, pour la recherche toujours. Qui plus est, tombola animée par Alain Delon et moi-même !

 

PdA : Quel message souhaiteriez-vous adresser aux malades, aux membres de la famille d'un malade d'Alzheimer, désemparés, démunis face à ce terrible fléau ?

 

V.d.V. : De toujours garder un espoir, de parler aux personnes malades, de ne jamais vous montrer agacé parce que vous n'avez pas de réaction en face de vous. Pour aider les malades, il faut leur raconter des choses de leur mémoire ancienne, ils réagiront bien plus que si vous insistez sur la journée d'hier, dont ils ne se rappellent plus ! Je sais que le plus douloureux est pour les familles, les accompagnants, mais il faut être généreux et doux avec les malades, ils n'en seront que mieux. Ne jamais penser qu'ils ne comprennent plus rien, c'est faux !

 

PdA : Qu'est-ce qui doit être entrepris par les différents acteurs, je pense notamment à l'État, pour s'y attaquer et y répondre de manière efficace ?

 

V.d.V. : Malheureusement, c'est l'argent, toujours l'argent, qui manque à la recherche... Alors, l'État doit continuer le Plan qu'avait lancé Nicolas Sarkozy (merci, Monsieur Hollande, j'ai vu qu'il s'y était engagé). Et puis aussi, impliquer de grosses institutions pour aider à faire avancer la recherche. Je voudrais aussi dire un mot sur un homme exemplaire, le professeur Bruno Dubois, qui se donne tant pour ses malades mais aussi pour la recherche. Il est également le président du Comité scientifique de la Fondation pour la Recherche sur la maladie d'Alzheimer.

 

PdA : Le 3 octobre sera publié votre ouvrage Véro trouve tout, dont la couverture annonce « 100 adresses, astuces, exercices et bons plans incontournables d'une vraie Parisienne ». Qu'aimeriez-vous dire à nos lecteurs pour leur donner envie de le découvrir ?

 

V.d.V. : Qu'il va leur rendre service ! J'ai toujours besoin d'avoir dans ma vie le mot "aider". Ce petit guide va vous aider à trouver une bonne adresse, une bonne combine, pas chère, et des petites astuces... Je pense qu'il va plaire, si j'en crois les échos... alors qu'il n'est pas encore sorti !

 

PdA : À quoi ressemblerait votre "journée idéale" à Paris ?

 

V.d.V. : Je dirais à ma sublime maman, « Prépare toi, on va se promener »... Mais elle n'est plus là, c'est le drame de ma vie en ce moment...

 

Véronique et sa maman

 

PdA : Très belle réponse... très émouvante... Quels étaient vos coins de promenades favoris, ceux où vous aimez toujours flâner aujourd'hui ?

 

V.d.V. : Le musée Rodin. La chapelle de la Médaille miraculeuse, rue du Bac. L'esplanade des Invalides. Et flâner au Bon marché...

 

PdA : Nous avons déjà évoqué plusieurs des aventures de votre parcours. J'ajouterai que vous avez été la secrétaire de Mireille Darc, actrice, femme de médias et de lettres...

 

V.d.V. : Secrétaire non, mais assistante. J'avais un rôle de petite sœur très débrouillarde qui disait toujours, « Ok, rien n'est impossible ». J'étais partout avec elle, puis avec elle et Alain. C'était extraordinaire. Que de souvenirs... J'avais à peine dix-huit ans... Et depuis, nous sommes inséparables. Je les aime pour toujours.

 

Véronique, AD et MD

 

PdA : Quels sont les autres combats qui vous tiennent à cœur ?

 

V.d.V. : La leucémie. J'ai dans ma vie un petit garçon qui est mon filleul. Il a passé six ans à l'hôpital ! Avec une leucémie, puis une rechute, puis un grave problème aux poumons, puis un coma de seize jours... Imaginez... un drame ! Aujourd'hui, Max a douze ans. Il a été un guerrier, il a tout gagné. Il va bien, il est brillantissime à l'école et le cinéma se l'arrache avec des rôles importants. Sa maman a écrit des livres sur Max, je vous les recommande (Gaëlle de Malglaive, ndlr). Ce petit garçon surdoué est un exemple pour tout les enfants qui ont cette maladie. Max est d'ailleurs la mascotte de l'association Laurette Fugain. Stéphanie est une amie et je la soutiens dans son combat. 

 

Max

 

PdA : Quelles ont été, jusque là, les plus belles expériences de votre vie ?

 

V.d.V. : Certainement nos émissions de télévision, ma rencontre avec Davina, ma rencontre avec Mireille Darc et Alain Delon, ma rencontre avec Max... Et, surtout, entretenir au jour le jour l'amitié. J'aime la fidélité en tout.

 

PdA : Davina, justement... vous êtes toujours en contact régulier avec elle ?

 

V.d.V. : Oui bien sûr, mais moins. Elle vit complètement dans son monastère du Poitou. Elle est heureuse. 

 

PdA : Quel message voudriez-vous adresser à nos lecteurs ?

 

V.d.V. : Qu'ils donnent un peu d'amour et de générosité autour d'eux. Il y a toujours quelqu'un de malheureux pas loin... il faut regarder et écouter... puis donner.

 

PdA : Un message à quelqu'un en particulier ?

 

V.d.V. : Oui, mais je le garde dans mon cœur...

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter, Véronique de Villèle ?

 

V.d.V. : D'aller bien, et de toujours aider les autres...

 

PdA : Ce souhait, je le formule, de tout cœur .. La dernière question, qui n'en est pas vraiment une... Une tribune libre. Vous pouvez ajouter ce que vous voulez, pour conclure l'interview... Merci infiniment !

 

V.d.V. : Merci Nicolas pour ce joli moment avec vous.

 

La question en + (30/09)

 

PdA : On l'aura compris, votre actualité est chargée en ce moment. Quid de la suite ? Où pourra-t-on vous retrouver dans les prochains mois ? Quels sont vos projets ?

 

V.d.V. : Pas réellement de grand projet mais, surtout, continuer à aider la Fondation pour la recherche sur Alzheimer et commencer à penser au prochain gala de l'année prochaine !

 

Et puis avancer, quoi qu'il arrive... Avancer dans la vie, et peut-être aussi penser à une suite de mon livre qui sort le 3 octobre. J'aimerais Véro trouve tout à Marseille... en Corse... à New York... à Londres... à Limoges ! J'aimerais aussi une émission Véro trouve tout à la radio. L'idée que les gens appellent et qu'ils aient une réponse immédiate me plaît ! À bon entendeur...

 

 

Merci à vous, chère Véronique... Merci pour tout ! Un commentaire ?

 

 

Véronique et Max

 

 

Quelques liens...

 

 

Times New Roman > Georgia : 30/09/12. Présentation remaniée : 27/10/13.

21 septembre 2012

Jean Michel Wizenne : Le "plus grand échec social de l'Amérique"

"Née de la rencontre entre Marie Claire Saez (Astrologue Thérapeute) et Jean Michel Wizenne (Chanteur, guitariste de Medicine Groove), l’association Oiseau Tonnerre a pour but de restaurer le lien qui lie Français et Indiens Sioux Lakota, depuis le 17è siècle. Grâce à ses missions d’échanges, de solidarité et d’informations, l'association Oiseau Tonnerre vous permet de participer à cette aventure humaine qui a vu le jour lorsque l’Amérique était Française." C'est en ces termes que l'équipe de l'Association Oiseau Tonnerre présente, succinctement, ses activités sur la page d'accueil de son site internet. L'Oiseau Tonnerre... "Thunderbird" en anglais. Du nom d'un oiseau légendaire issu d'un folklore commun à plusieurs tribus amérindiennes. L'image est belle, mais sur le terrain, la réalité d'aujourd'hui ne l'est pas forcément... J'ai souhaité interroger le président de l'Association, Monsieur Jean-Michel Wizenne. Il a accepté d'évoquer pour Paroles d'Actu son expérience auprès des Lakota. L'expérience inoubliable d'un aventurier, devenue aujourd'hui son engagement... Je le remercie de m'avoir accordé un peu de son temps. Et d'avoir bien voulu partager avec nous ses constats, très éclairants et très sombres à la fois... et quelques belles leçons de vie... Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Phil Defer  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

JEAN MICHEL WIZENNE

Président de l'Association Oiseau Tonnerre

 

Le "plus grand échec social de l'Amérique"

 

 

Q : 28/07/12

R : 20/09/12

 

 

 

Paroles d'Actu : Qui êtes-vous, Jean-Michel Wizenne ?

 

Jean Michel Wizenne : Je suis un Musicien né à Marseille en 1967 d’origines Corse, Catalane et Italienne mais sans casier judiciaire ce qui représente un score vu les statistiques de la région… Par contre, ça a sans doute contribué à nourrir la graine rebelle et non obéissante qui continue de m’embringuer dans toutes sortes d’aventures.

 

 

PdA : Parlez-nous de l'Association Oiseau Tonnerre. Qu'est-ce qui vous a poussé à cet engagement ?

 

J.M.W. : L’association Oiseau Tonnerre permet à des prisonniers Amérindiens incarcérés aux USA de trouver des correspondants en France et dans d’autre pays.

 

L’idée m’est venue lors de mon premier voyage dans la Dakota du sud en 2004 et lors de cérémonies auxquelles j’ai assisté à l’intèrieur d’un Pénitencier Maximum sécurité ou était incarcéré un ami Lakota.

 

Juste avant la fin de la journée, au moment de dire au revoir, un des jeunes prisonniers a couru vers moi et m’a dit : « Reviens et emmène des gens, parle de nous car c’est le seul moment où nous existons... » C’est quelque chose dont on se souvient longtemps…

 

L’association permet aussi de collecter des habits chauds pour les enfants de la réserve de Rosebud. Le taux de mortalité infantile étant le même qu’à Haïti, l’arrivée de l’hiver fait un carnage.

 

 

PdA : Qui sont les Lakotas ? Quel est ce lien si spécial qui les lie aux Français ?

 

J.M.W. : Les Lakotas sont des Indiens des plaines d’Amérique du Nord. Les derniers à avoir abdiqué avec les Apaches. Ils ont été très souvent représentés dans les westerns. Ceci étant du à la célébrité de leurs personnages comme Sitting Bull, Crazy Horse, Nuages Rouges, etc…

 

L’amitié Franco - Lakota est séculaire. Le premier Blanc rencontré par les Lakota était Français.

 

Aujourd’hui, un tiers des Indiens Sioux Lakota portent un patronyme Français. Ceci est dû aux innombrables Trappeurs et Militaires français ayant choisi de rester avec eux et d’adopter leur mode de vie.

 

Pour être précis? il faudrait que je développe cette histoire sur 10 pages, car c’est trois siècles de l’histoire de France dans cette partie du monde qui n’ont été que succinctement relatés.

 

 

PdA : Quelques mots sur les voyages que vous avez effectués sur place ?

 

J.M.W. : Au départ, mon premier voyage chez les Lakota avait un but que l'on peu qualifier de spirituel. Bien que je sois aux antipodes du mouvement New Age qui considère tout individu portant une plume sur la tête comme un sage potentiel, je voulais étudier et essayer de comprendre leur vision des choses.

 

Ces voyages se sont rapidement transformés en découverte du plus grand échec social de l’Amérique, et j’ai rapidement été le témoin du cauchemar quotidien que représente la vie sur une réserve.

 

Bien sûr, je vois déjà certains lecteurs acquiescer en pensant à l’alcool, la pauvreté, mais non. Bien au-delà de ça, l’ethnocide n’a jamais cessé. Il a pris une autre forme plus perverse mais tout aussi efficace. Là aussi, il me faudrait des dizaines de pages, mais croyez-moi sur parole. C’est du Kafka…

 

Je n ai pas dansé avec les Loups mais plutôt avec des prisonniers.

 

 

PdA : Qu'est-ce qui vous a le plus marqué durant ces séjours ?

 

J.M.W. : Ce qui m’a le plus marqué… C’est simple. Seuls les plus vieux et les jeunes enfants sourient… Les plus vieux parce qu’ils ont fait le tour. Les enfants parce qu’ils n’ont pas conscience du cauchemar qui les attend…

 

 

PdA : Qu'avez-vous appris au contact des Lakotas que vous souhaiteriez transmettre à votre tour ?

 

J.M.W. : Au sein de mon âme, il y a une guerre entre deux chiens… Un bon chien et un mauvais chien… Celui qui va gagner, c’est celui que j’aurai nourri.

 

Il n’y a pas de Bon Chemin ou de Mauvais Chemin… Il y a seulement le chemin que TU fabriques.

 

Ce qui t’emmène directement à ce que la société d’aujourd’hui ignore volontairement :

 

NOUS SOMMES ENTIÈREMENT RESPONSABLES DE NOS ACTIONS ET DE LEURS CONSÉQUENCES.

 

Ça peut sembler de la philosophie de comptoir mais réfléchissez quelques minutes à tout ce que ça implique.

 

Il n’y a pas de mot en Lakota pour demander pardon… il faut réfléchir avant et assumer ensuite…

 

 

PdA : Que vous inspire leur situation aujourd'hui ? Quelles devraient être d'après vous les solutions à apporter aux problèmes qu'ils peuvent rencontrer ?

 

J.M.W. : Leur situation n’a rien d’unique, elle n’est pas étrangère au reste du monde. En fait, c’est une situation globale, mondiale, et les plus affaiblis sont plus durement touchés.

 

Leur mode de pensée ne s’adapte pas du tout à la société actuelle.

 

A l’instar de dizaines d’autres peuples « inadaptés » à la mentalité actuelle, il n y a aucune solution de leur côté si ce n’est de tout faire pour préserver la mémoire et la tradition en attendant l’inévitable déclin de la société dite du scorpion… Celle qui se tue elle-même.

 

 

PdA : Un message, un appel que vous souhaiteriez adresser, lancer à quelqu'un en particulier, à nos lecteurs ?

 

J.M.W. : Je n ai pas d’appel en particulier mais simplement une remarque à faire.

 

Le « système » dans lequel nous vivons a fait naître en nous au fil des siècles une entrave invisible qui nous empêche souvent d’engager cette PROFONDE RESPONSABILITÉ PERSONNELLE dont j’ai parlé plus haut. Si je dois faire une image, je dirais que cette entrave opère sous la forme de trois capteurs. La peur, la crainte, le doute…

 

La crainte de la mort, de la maladie, du manque d’argent… La peur de l'autre, de l’étranger, du voisin, de la différence. Le doute du lendemain, le doute de ses capacités, le doute de soi…

 

Chaque décision qui est prise, chaque choix qui est fait l’est toujours en fonction du taux de vibration de ces trois capteurs...

 

Pensez à la liberté, aux actions, aux projets, aux choses que vous auriez faites et que vous pourriez faire sans la dictature de ces trois capteurs...

 

 

PdA : Un souhait ?

 

J.M.W. : Que nos enfants puissent voir la paix.

 

 

PdA : Dernière question, qui n'en est pas vraiment une. Pour vous permettre de conclure l'interview comme il vous plaira. Vous pouvez approfondir tel ou tel point, aborder d'autres questions...

 

J.M.W. : Simplement en disant que depuis que cette aventure m’a happé, tous les aspects de ma vie ont été modifiés.

 

J’ai appris la langue Lakota pour mieux comprendre l’esprit car comme on dit chez eux « Un homme, une langue ».

 

Ma musique et le groupe de Rock que j'ai formé sont dédiés à cette histoire, ainsi que les conférences que je donne et qui abordent les sujets dont je vous ai brièvement parlé.

 

En bref, je ne suis un porte-parole pour personne, mais simplement un homme qui témoigne de ce qu’il a vu.

 

Je suis d’ailleurs en tournage de film sur le sujet. Alors bien entendu, ce que je suis en train de mettre en lumière lors du tournage ne m’apporte pas uniquement des Amis sur le sol Américain mais bon… Qu’aurais-je fait depuis le début de cette aventure si j’avais laissé sonner les trois capteurs Peur, Crainte et Doute ?

 

Je vous laisse sur ces dernières lignes, et d’ailleurs si parmi vous il y a des amateurs de Rock Socio / politique radical chanté en Sioux et en Anglais, ou des amateurs de conférences politiquement incorrectes, n’hésitez pas à me contacter si vous voulez organiser ça près de chez vous.

 

Toksa akewanciyankin’ktelo (On se revoit bientôt)

 

Jean Michel Miye yelo (Je suis Jean Michel et j’ai parlé)

 

Iyecetu welo (Qu’il en soit ainsi)

 

 

PdA : Vous parlez de la situation comme du "plus grand échec social de l'Amérique"... Comment en est-on arrivés là ? Comment expliquer le sort de ces populations ? (question posée le 21/09/12)

 

J.M.W. : (le 21/09/12) En fait, l'assimilation forcée programmée à la fin du siècle dernier a complètement raté. Elle a commencé par la création de "Boarding Schools" ou pensionnats, obligatoires pour tous les enfants des réserves. Ces pensionnats étaient calqués sur le modèle des casernes militaires, et tenus par les jésuites.

 

Les enfants étaient arrachés aux parents et emmenés de force pour y subir le programme désigné comme "tuer l'Indien pour sauver l'homme". Avec l'interdiction formelle de parler leur langue ou discuter de leur culture, sous peine de punitions corporelles, ces enfants apprenaient l'anglais en récitant des passages de la Bible.

 

Bien entendu on coupait les cheveux des garçons dès leur arrivée. Les enseignants ou plutôt les laveurs de cerveaux leur expliquaient que tout ce qu'ils avaient connus avant était diabolique etc, etc... On enseignait aux garçons la menuiserie et aux filles la couture, la cuisine...

 

Si bien que, des années plus tard, de retour chez eux, ces enfants devenus des adolescents n'avaient plus de relation avec leur famille, ne les comprenaient plus, ne savaient plus ce que être un Indien voulait dire. Et ils n'étaient pas pour autant devenus des Blancs...

 

On leur avait volé leur enfance, on leur avait volé la relation et les souvenirs que tout enfant du monde a avec sa Maman, son Papa, ses grands parents. J'emploie volontairement les mots Papa et Maman pour bien faire comprendre au gens que ce genre de traumatisme perdure toute une vie.

 

J'ai vu des vieux se mettre à pleurer en évoquant ça.

 

Pour ce qui est des boarding schools, si un jour vous y jetez un œil... regardez le cimetière qui n'est jamais loin de l'enceinte de "l'ecole" et vous en tirerez les conclusions vous même...

 

En ce qui concerne la continuation de l'ethnocide aujourd'hui...

 

Il faut savoir qu'à la base, au fur et à mesure de la conquête, leur terre a été confisquée en fonction de l'or ou l'argent que l'on y trouvait.

 

Les réserves sont des mini-territoires qui leur ont été alloués sur des terres pauvres et non propices à la culture... C'est à dire des terres qui ne valaient rien...

 

Sauf que voilà....on a fini par découvrir que dans de nombreux cas, les sous-sols de ces réserves étaient très riches en minerais comme l'uranium etc... et aussi en pétrole... Alors depuis, et encore plus aujourd'hui dans ce contexte de crise de l'énergie, je n'ai pas besoin de vous faire un dessin quant à la convoitise que provoquent ces terres indiennes. Ce qui est amplement suffisant pour justifier une "solution" pour le problème que constitue leur présence et leur soi-disant souveraineté sur ces terres...

 

 

 

Deux photos sélectionnées à ma demande par Jean Michel Wizenne...

 

Michael et JM

 

"Une photo de Michael Sharpbutte et moi dans les Bad Lands (Dakota du sud)"

 

 

Gerald et JM

 

"Une photo de Gérald Thin Elk et moi au parloir du Pénitencier Maximum sécurité de Sioux Falls (Dakota du sud)"

 

 

 

Merci encore à Monsieur Wizenne pour ses réponses !!!

 

 

 

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Merci

 

 

 

Pour en savoir plus... le site de l'Association Oiseau Tonnerre

 

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Édition : 30/09/12

 

Times New Roman > Georgia : 30/09/12

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